C’était au temps où l’esprit des Lumières et le catéchisme n’avaient
pas soumis l’imaginaire populaire aux lois de la raison et du Dieu unique.
Partout en Bretagne, dans les forêts et les landes, sur les dunes fouettées par
les vents fous de l’Atlantique, couraient les légendes les plus extravagantes.
Le soir, au creux des fermes, on évoquait inlassablement les manigances des
êtres surnaturels qu’on savait responsables de la misère et des maux qui
frappaient sans relâche. De tous, l’Ankou, l’ouvrier de la mort, était le plus
craint, et c’est cette terrible image qui frappa avec une violence inouïe l’esprit
de la petite Hélène Jégado. Blottie contre le granit glacé des gigantesques
menhirs, l’enfant minuscule se persuada qu’elle était l’incarnation de l’Ankou.
Elle devait donc tuer tous ceux qui se trouveraient sur sa route et remplit sa
mission avec une détermination et un sang-froid qui glacent le sang. Après
avoir empoisonné sa propre mère qui l’avait surnommée « Fleur de tonnerre »,
elle sillonna la Bretagne, éliminant sans la moindre hésitation tous ceux qui
accueillaient avec bonheur cette cuisinière si parfaite.
Hélène Jégado reste la plus grande « serial killer » de France et, sans
doute, du monde entier.
Quels secrets renfermait cette tête qui, le 26 février 1852, sur le
Champ de mars de Rennes, roula dans la corbeille de la guillotine ?
Wik, Wik, Wik… Entendez-vous le
bruit de l’Ankou qui approche ? Wik, Wik, Wik… C’est le bruit des essieux
de son charriot… Wik, Wik, Wik, sa silhouette noire apparaît… Ou plutôt, sont-ce
ces longs cheveux blonds ? Hélène Jégado a la beauté du diable…
Cette Hélène de Troie qui, armée
du don de sa cuisine, est entrée dans les maisons pour y semer la mort, je l’ai
aimée…
Jean Teulé dresse un portrait assez
terrible de cette femme, qui s’étiolait si elle n’ôtait pas la vie, mais qui n’était
pas pour autant complètement dénuée de sentiments, faisant preuve d’une grande compassion
alors qu’elle accompagnait ses victimes dans leur dernier voyage (facile me
direz-vous, c’était elle la responsable), et étant même capable d’aimer. Paradoxalement,
j’ai aimé cette femme à la logique implacable. Ouvrière de la mort, elle ne
faisait que ce pour quoi, selon elle, elle était née, et ce sera jusqu’au bout sa ligne de
conduite.
L’auteur nous plonge au cœur de
cette Bretagne du 19è siècle, qui se demande encore « C’est où la France ? »,
et d’où suinte une identité tellement forte qu’elle va même imprégner les
personnages secondaires des perruquiers qui font des apparitions régulières, et
qui deviendront plus Bretons que les Bretons eux-mêmes. Ces mêmes perruquiers apportent
avec leurs représentations imagées dignes du théâtre de Guignol, la touche d’humour
nécessaire qui m’a permis de reprendre mon souffle lors de ma lecture. La fracture France/ Bretagne est réelle, deux
univers s’opposent, celui en route vers la « modernité », et celui
qui vit encore dans ses croyances populaires.
Je comprends que le langage,
souvent cru, utilisé par l’auteur puisse choquer, mais paradoxalement, je ne
m’en suis pas trouvée offusquée. Chaque mot utilisé est à sa place, rien n’est
laissé au hasard. Fleur de Tonnerre
est un roman incisif, agressif parfois, dans lequel le présent de narration,
accompagné de phrases courtes, nous entraîne dans un rythme effréné similaire à
celui qui entraîna Hélène lors de son périple qui dura toute sa vie.
Jean Teulé, comme à son habitude
dans ses derniers romans, s’est penché
sur un épisode, plutôt insignifiant de prime abord, de l’histoire de France
pour interroger le genre humain. Non seulement il s’interroge sur Fleur de
Tonnerre, mais également, à travers leur attitude, sur ceux qui la jugeront.
Jubilatoire !
Je vais le lire prochainement alors. Tu me donnes très envie de le sortir de ma pal
RépondreSupprimerComme d'habitude, on reconnait bien la plume de J. Teulé. J'ai beaucoup aimé!
SupprimerCoucou, sur mon blog, tu me disais que tu adorais les livres Fantasy comme l'épée de vérité, et que tu te laisserais peut être tenter par Eragon. Je te le conseille, moi j'ai bien aimé, mais j'ai une question : je ne sais pas si l'épée de vérité ne serait pas trop... ennuyant, je n'ai aucune idée de l'histoire et je ne sais pas si je dois me laisser tenter ^^
RépondreSupprimerJ'ai beaucoup aimé l'Epée de Vérité, pas d'ennui en ce qui me concerne. Pour te faire une idée, sache qu'il y a eu une série adaptée des romans. Ce n'est pas super fidèle, mais cela peut te donner un aperçu!
SupprimerAh oui, je ne suis pas contre, je pourrais regarder l'épisode pilote histoire de savoir un peu =) Tu me rassures, je pourrais me lancer, si ce n'est pas ennuyant !
SupprimerPour te répondre concernant Musso. J'aime bien, certains de ses livres m'ont vraiment séduite, même si je n'ai pas tout lu de lui :) Lesquels as-tu lu de Musso ? Quand à Laura Gallego Garcia, oui, une très belle plume, tu as déjà lu des romans d'elle, je suppose ?
De Musso j'ai lu entre autres la fille de papier et l'appel de l'ange (ce sont ceux qui me sautent aux yeux dans ma bibliothèque, qui ne sont pas trop enfouis derrière d'autres romans! J'ai toujours un sentiments d'inachevé, d'inabouti en le lisant...
RépondreSupprimerPour Laura Gallego García, je vais faire une chronique je crois, tu m'as donné l'idée!
Quel avis enthousiaste !! Après avoir découvert Jean Teulé dans Le magasin des suicides, celui ci me tente particulièrement.
RépondreSupprimerMerci pour ton avis.
C'est une lecture que j'ai adorée...La plume de J. Teulé est si particulière, il s'approprie l'histoire d'une telle façon... Je suis fan...
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