dimanche 8 juin 2014

L'enfant de Noé, Eric-Emmanuel Schmitt

- Nous allons conclure un marché, veux-tu ? Toi, Joseph, tu feras semblant d'être chrétien, et moi je ferai semblant d'être juif. Ce sera notre secret, le plus grand des secrets. Toi et moi pourrions mourir de trahir ce secret. Juré ?
- Juré. 
 1942. Joseph a sept ans. Séparé de sa famille, il est recueilli par le père Pons, homme simple et juste, qui ne se contente pas de sauver des vies. Mais que tente-t-il de préserver, tel Noé, dans ce monde menacé par un déluge de violence ?

En lisant les premières lignes de ce court roman, j'ai su que je ne m'étais pas trompée en le tirant de l'étagère où il sommeillait dans son attente patiente.

« Lorsque j'avais dix ans, je faisais partie d'un groupe d'enfants que, tous les dimanches, on mettait aux enchères. »

C'en était fait de moi, interpelée, curieuse, saisie, j'étais prisonnière de ces mots, et il m'allait être très difficile d'interrompre ma lecture. Ce que je n'ai pas réussi à faire d'ailleurs.

Voilà la magie d'Eric-Emmanuel Schmitt. Ecrire de belles histoires, même si le sujet est délicat.

Et quel sujet plus délicat que celui de la Shoah ?

Comme a son habitude, il y a peu de personnages dans L'enfant de Noé -Joseph, ses parents, le Père Pons, Rudy, Mademoiselle Marcelle-Sacrebleu-, mais tous m'ont touchée, avec une nette préférence pour le Père Pons -ce « Juste » admirable- et ses collections, cruel reflet de ce que l'Homme est capable, et qui ne peuvent que nous laisser un goût amer dans la bouche.

La plume de l'auteur, toujours juste et sans fioritures, m'a amenée, petit à petit, au fil des mots, à plonger dans des interrogations, philosophiques, parfois mystiques, sur l'Homme et ses actes. Car c'est là où réside la force d'Eric-Emmanuel Schmitt : tout semble facile, tout semble fluide, il n'y a qu'à suivre les petits cailloux qu'il a semés sur le chemin.

L'on a reproché à ce roman de trop survoler cette période, mais ladite période n'est qu'un prétexte pour se pencher sur l'humain et ses convictions les plus profondes. Judaïsme, catholicisme, foi, humanité, amour, autant de sujets qui sont abordés, sans pour autant être un requiem, une ode à la foi quelle quelle soit. Non, c'est avant tout une ode à la générosité, à l'amour, au sacrifice pour les autres,

Et les larmes ont coulé, parce que, devant la tendresse de ces mots, il ne pouvait en être autrement.


10 commentaires:

  1. J'aime bien cet auteur mais celui-ci je ne l'ai pas lu, il faut que je le fasse, merci pour cette belle chronique!

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  2. C'est bien dit!
    J'ai également beaucoup aimé ce livre!

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  3. J'ai lu Le sumo qui ne pouvait pas grossir qui il me semble fait partie de la même saga. J'ai beaucoup aimé son écriture et me promis d'en lire d'autres. Celui-ci fera sans doute parti de la liste.

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    1. Je ne l'ai pas lu. Effectivement, j'ai vu qu'il y avait un corpus de romans tournant autour de la "religion" (très réducteur exprimé ainsi).
      Je vais chercher celui-ci alors.

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  4. De tous les titres lus de l'auteur, il n'y en a qu'un seul qui a été une déception pour moi : " Les perroquets de la place d'Arezzo"
    "L'enfant de Noe" fait partie des livres dont je me souviendrai longtemps!

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    1. Je n'ai pas lu "les perroquets" encore.
      Comme toi, l'enfant de Noé m'a marquée!

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  5. « C'est avant tout une ode à la générosité, à l'amour, au sacrifice pour les autres »

    Je rejoins tellement bien tes mots, Éric-Emmanuel Schmitt nous parle avant tout de générosité et d'entraide dans un monde de "violence", peu importe la forme qu'elle prend. Les larmes me coulent souvent aussi quand je lis ses romans…

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