vendredi 28 août 2015

Si je reste, Gayle Forman

Mia a 17 ans. Un petit ami, rock star en herbe. Des parents excentriques. Des copains précieux. Un petit frère craquant. Beaucoup de talent et la vie devant elle. Quand, un jour, tout s'arrête. Tous ses rêves, ses projets, ses amours. Là, dans un fossé, au bord de la route. Un banal accident de voiture... Comme détaché, son esprit contemple son propre corps, brisé. Mia voit tout, entend tout. Transportée à l'hôpital, elle assiste à la ronde de ses proches, aux diagnostics des médecins. Entre rires et larmes, elle revoit sa vie d'avant, imagine sa vie d'après. Sortir du coma, d'accord, mais à quoi bon ? Partir, revenir ? Si je reste...

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Résumé des Chroniques de la Liste-noire-des-livres-interdits.
Une sombre menace plane sur nos livres-chéris, sur ces ouvrages qui nous transportent jusqu'à pas d'heure dans la nuit et nous font rêver encore et encore dans la journée : les Dieux-de-tous-les-trucs-de-la-mer-et-de-la-terre les ont déclarés « dangereux pour l'humanité », et nous somment, nous, les humbles lecteurs, de les leur livrer. Voici l'histoire de notre rébellion! 
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Je donne un coup de pied dans un caillou qui a eu la très mauvaise idée de se trouver sur mon passage et crache une flopée de mots en bougonnant. 

Le Chat du Cheshire se retourne et lève le pouce. Ses lèvres dessinent un "super" ou un "top" qu'accompagne un sourire éclatant. Je ne cherche même pas à savoir ce qu'elle veut me dire. Le projet de ce soir me semble aller à l'encontre de ce pouce dressé. Epouvantable, naze, complètement fou... Voilà comment je le qualifierais.

Je repère un autre caillou qui git sur le trottoir. Je dois me décaler de presque un mètre pour lui apprendre à voler et manque de chance, j'écrase en même temps le pied de Melliane. Elle hurle et Johanne lui plaque une main sur la bouche pour la faire taire. On ne doit pas se faire remarquer. Je crois qu'on va pouvoir dire que ce soir est en lice pour la "Soirée des Idées Pourries". Melliane a insisté pour qu'on enfile nos tenues de combat. Nous voilà, six espionnes sexy dans les rues voisines du siège des livres-addicts-Anonymes. Enfin, sexy selon Melliane, parce que moi et mes kilos en trop, on se sent un peu engoncés dans notre combinaison de Cat Woman. Mais comme a dit Johanne, il faut ce qu'il faut. Mouais... Mes copines elles ont été contaminées par le virus des idées débiles. 

Roanne par exemple, et sa sagesse légendaire. Elle aurait pu réfréner l'enthousiasme du Chat quand elle a envisagé une filature de la Cerbère-Rousse qui anime les soirées des Livres-addicts-Anonymes. Eh bien non! Que Nenni! Elle n'a rien objecté et a juste acquiescé. Idem quand il a été question d'envoyer Bea de L'Ancre littéraire d'une blondinette en première ligne. Un appât parce que c'est la nouvelle. "Et oui, il faut profiter de toutes les occasions!" a fait remarquer Johanne. Ah, elle va être contente Bea! Elle a résisté, s'est libérée de ses chaînes et du joug des Dieux pour venir gonfler nos rangs, et bam, on la transforme en ver de terre au bout d'un hameçon. Idée pourrie je vous dis...

Un autre caillou, un mètre devant moi. Mon radar s'est allumé, j'arme mon pied. Boum. Oups, le caillou décolle et passe à deux centimètres de la tête du Chat. Ma reconversion en Championne de foot est compromise. Ce n'est pas un pouce que lève le Chat en se retournant. Son regard est lourd de sens. Je lui adresse un petit sourire navré.

Mais un drôle de bruit l'empêche de laisser libre cours à ses pensées. Nous nous arrêtons pour tendre l'oreille.

– C'est quoi ? demande Johanne.
– On dirait un chat qu'on égorge, constate Melliane.
– Hey ! s'exclame le Chat.
– J'ai dit un chat, pas LE Chat ! s'explique Melliane en soupirant.

Roanne m'observe avec sa sagacité habituelle.
– Le livre-vie, ça va ?

Je plisse les yeux et je me concentre, je connais ce son. Un son écorché s'échappe d'une fenêtre ouverte quelques étages plus haut, dans l'immeuble qui borde la route. Cette cacophonie s'élève, virevolte et le bruit strident se transforme en une volute de notes qui s'imbriquent les unes avec les autres. La plainte gonfle et s'enroule autour de nous, et soudain, j'ai l'impression qu'elle me foudroie. La voix des anges, la voix des hommes... Un violoncelle... Mia et Adam... La voix des anges qui se pare de nuances humaines.

Je ne suis pas musicienne dans l'âme mais j'ai toujours admiré l'agilité du violon, la grâce de la harpe ou l'énergie de la guitare. Mais un violoncelle ? Je ne crois pas avoir déjà prêté attention à cet instrument si massif. Jusqu'à ce que je lise Gayle Forman.

– Livre-vie ?
Bea a posé sa main sur mon bras et je croise le regard de Melliane. Elles s'inquiètent.
– Ça y est, elle nous refait le coup... Elle est encore partie...
Melliane s'avance d'un pas.
– Un violoncelle, c'est un violoncelle, chuchoté-je pour ne pas perturber la mélodie.
– Et ?
– Ecoutez...

Leurs yeux se plissent avant de se fermer à leur tour. Je me laisse bercer, mes dernières barrières s'effondrent. La plainte s'étire, elle se glisse hors de cette fenêtre ouverte pour nous murmurer son secret à l'oreille.

C'est un lien profond qui unit Mia et son violoncelle. Une attirance presque physique pour cet instrument tellement éloigné des sons rocks qui faisaient l'identité de ses parents. Une reconnaissance. Un prolongement de soi. Un don. Celui des anges. Et c'est ce qui va séduire Adam, le rocker du lycée qui fait trembler les cœurs mais dont l'âme ne vibre que pour Mia. Commence une histoire classique, la star du lycée et la fille bizarre. Une histoire comme tant d'autres... Jusqu'à ce que le sort ne les frappe lorsque ce camion percute la voiture de la famille de Mia.

La plainte du violoncelle se teinte de reflets graves. Des larmes bordent mes yeux. Je ne comprends pas le sens des notes. Ce langage m'est inconnu, mais la musique me porte. 

Gayle Forman construit son récit entre présent et passé. Les flash-back jalonnent la narration pour bâtir, pierre après pierre, l'édifice de la relation d'Adam et Mia, mais aussi de Mia et sa famille. Légèreté et rires alternent avec les pleurs et la tragédie. Les mots sont poignants, les phrases sont percutantes. Pourquoi vivre quand on a tout perdu ? Se laisser aller, mourir, c'est un droit aussi. Pas de lâcheté dans tout cela, juste un choix. Le choix de la douleur mais aussi de l'espoir, ou celui de fermer les yeux et de se laisser emmener. Cette mélodie tellement juste de la Vie.

Le souffle me manque, des images du roman se bousculent dans ma tête. La musique danse avec elles autour de nous.

– On dirait une voix humaine, souffle Roanne.
– On dirait une femme qui pleure, ajoute Johanne.
– Waouh, c'est intense... murmure le Chat.

Aussi intense que ce récit qui ne tombe pas dans la facilité d'une simple amourette. C'est le récit de la construction de soi, de l'identité, de la perte... C'est un récit tragique aux nuances d'espoir, un récit fort, aux personnages intenses. Non, ce n'est pas une histoire d'amour au sens réducteur du terme. L'histoire de l'Amour, tout court. 

Ma respiration est saccadée, mes poumons ont oublié comment respirer. Je vacille. Les images tournoient depuis plusieurs jours dans ma tête, ce roman s'y est lové et a pris possession de mes émotions. Un roman pourtant court, où certaines choses ne sont qu'ébauchées. J'ai l'impression qu'il s'anime ce soir avec ce violoncelle. Un autre de ces romans qui envoûtent...

– Attendez... On dirait...
La voix de Bea est hésitante. Nous tendons davantage l'oreille.
– Mais oui, on dirait...

Des mots... on dirait des mots...

La rectitude épouse les courbes
dans la geôle des phrases.
Les miroirs noient la sortie
sous les arches de chaînes,
le temps se confond
mais le sable s'égraine.

Et la musique s'éteint. Ne reste que le silence des larmes qui coulent sur mes joues.



24 commentaires:

  1. J'avais entendu de jolies choses de celui ci mais j'avoue que je n'ai pas encore tenté. En tout cas curieuse de voir où cette nouvelle aventure va nous mener!

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    1. J'ai adoré ce roman... Et tout ce que je lis de Gayle Forman depuis également...

      Wait and see!

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  2. Bravo à Bea de s'être libérée du joug des Dieux ! Une de plus dans notre lutte !!
    Mais sinon, tu n'a pas fini d'envoyer des cailloux aux copines, hein ;) ?

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    1. Pas ma faute si tu es dans la ligne de tir!! Je ne suis pas responsable! :)

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  3. Dit en chuchotant : "Yessss, il est dans ma PAL !!!! Et sinon, vous allez où comme ça, avec vos tenues de combat ? A la soirée des Livres-addicts-Anonymes ? C'est pas très prudent les filles, vous allez vous faire repérer ^^ Pauvre Béa ! Enfin moi je dis ça, je dis rien..."

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    1. Pauvre Bea, pauvre Bea, mais pas du tout!! Je t'informe d'ailleurs que tu vas bientôt rejoindre nos troupes! Alors pas de Pauvre Bea! Mais le combat continue!

      C'est vraiment un roman marquant. Il m'a habitée pendant plusieurs jours ensuite.

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    2. Bien reçu Chef ! Suis déjà au garde à vous Chef ! Prête à servir cette noble cause Chef ! :D

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    3. Youpiiiiiiii !!! Y'a plus qu'à enfiler ma tenue de combat... ;-)

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  4. Je lis ton billet et je me dis que ce livre a vraiment tout pour me plaire. J’aime être touchée par des histoires débordantes d’humanité comme celle-ci. Cette histoire de coma me rappelle le roman de Marie Laberge « Revenir de loin ». « Sortir du coma, d’accord, mais à quel prix? » Ce sont les questions que se posent l’auteure dans son superbe roman… Le droit à la vie est un choix, un droit comme tu dis. Touchée par tes mots… très envie de découvrir ce roman!

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  5. J'avais feuilleté le roman de Marie Laberge. "Si je reste" est plus "léger" je pense, le public ciblé est plus jeune. Mais il n'en est pas moins bouleversant. C'est un petit bijou...

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  6. Comme je suis contente de faire l'appat et d'avoir rejoint vos troupes! En lisant ton histoire, j'ai eu le sourire sur les lèvres. :)
    Sinon concernant Si je reste, je l'ai lu, il y a au moins deux ans, après un de mes coups de coeur. Et du coup, il m'a beaucoup moins touché. J'ai versé une larme mais ce n'était pas l'entousiame fou attendu sur la blogo. J'ai été un chouilla dessus. Mais je pense que j'ai mal placé ma lecture. On passe quand même un très bon moment avec ce livre.

    J'ai préféré Les cœurs fêlées du même auteur, un roman original et qui fait passer un sublime message! Bisous.

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    1. Et oui, te voilà dans l'équipe!!

      Les coeurs fêlés vient d'intégrer ma PAL! J'aime beaucoup cette auteure, mais je comprends que tu n'aies pas été plus sensible que cela à Si je reste, c'est vrai que c'est souvent une question de moment...

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  7. Jamais un livre ne m'a touché autant que celui-ci...Quand je l'ai lu j'avais le même age que l'héroïne, mon petit frère le même age que le sien, beaucoup trop de coïncidence depuis Gayle Forman est mon auteure préférée...j'adore et je le relis de temps en temps ( le seul livre que j'ai jamais relu) et j'en pleure à chaque fois...

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    1. Je comprends ton coup de coeur. C'est un roman qui m'a beaucoup parlé, je l'ai adoré! Comme quoi, pas besoin d'en faire des tonnes pour faire parler les émotions... Il est bouleversant!

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  8. Joli article :) et la fin est très belle ^^, j'adore aussi le violon et le violoncelle j'ai été voir il y a deux jours un concert de deux pièces de Shubert et c''est splendide :3

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    1. Ohhh, je suis jalouse! J'adore le violon! J'ai découvert le violoncelle avec ce roman, et quel instrument...

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    2. Tout pareil au départ c'est le piano et le violon que j'aime par dessus tout mais le violoncelle est également un instrument avec un son splendide :3

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    3. Oui, tout à fait d'accord. Mais souvent méconnu je trouve, et c'est dommage.

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  9. Bouh le début me fait rigoler en imaginer les tenues de cat woman, la fin me fait frissonner !

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  10. Je n'ai jamais lu le livre mais la fin du film m'a laissé perplexe '-'

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    1. Le film ne vaut pas le livre, j'ai été un peu déçue.

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