jeudi 24 décembre 2015

Volée noire, tome 2, Meg Corbyn, Anne Bishop

Grâce à son don de clairvoyance, Meg Corbyn a gagné sa place auprès des dangereux Terra Indigene de Lakeside. Lorsque l'apparition d'une nouvelle drogue violente et addictive remet en cause le pacte fragile entre Autres et humains, la petite ville est de nouveau plongée dans la tourmente. Les aptitudes de Meg devraient permettre à Simon Wolfgard, dirigeant métamorphe de l'enclos, d'éviter un bain de sang. Mais encore faut-il pouvoir déchiffrer ses visions à temps. D'autant que l'homme qui veut récupérer la prophétesse se rapproche, mettant en péril les vies de tous ceux qui la considèrent à présent comme l'une des leurs.
---------------------------------
Résumé des Chroniques de la Liste-noire-des-livres-interdits.
Une sombre menace plane sur nos livres-chéris, sur ces ouvrages qui nous transportent jusqu'à pas d'heure dans la nuit et nous font rêver encore et encore dans la journée : les Dieux-de-tous-les-trucs-de-la-mer-et-de-la-terre les ont déclarés « dangereux pour l'humanité », et nous somment, nous, les humbles lecteurs, de les leur livrer. Voici l'histoire de notre rébellion! 
----------------------------------
Rappel de l'épisode précédent : Le Chat, dans une interprétation douteuse de l'une des prophéties, nous a entraînées devant une église, non loin du QG des livres-addicts Anonymes où sévit la Cerbère Rousse. Portée par sa curiosité légendaire, Melliane est entrée par un vitrail cassé, nous laissant seules à l'extérieur.
----------------------------------

– Eh oh... les filles ! gémit Melliane.

– Bon, on fait quoi... Il pleut, Livre-vie est enrhumée et est aussi discrète qu'un hippopotame dans un magasin de porcelaine, et on a Melliane qui se la joue Indiana Jones à la découverte de la nef perdue... Réfléchissons, réfléchissons, marmonne le Chat du Cheshire en se grattant le menton. 

Je suis sur le point de lui envoyer une remarque bien sentie que je n'ai pas encore trouvée mais qui ne saurait tarder et étonnera tout le monde par sa subtilité quand un chat feulant et crachant lui répond à ma place. Transmission de pensées, quand tu nous tiens...

– Quelles sont les options ? demande Lupa, une petite ride de concentration barrant son front.

Ou peut-être que cette ride est due à l'inquiétude ? Je ne pourrais pas lui en vouloir, j'héberge sa petite sœur au fond de moi. La nuit a enfilé son manteau de nuage et le ciel a décidé qu'il allait rivaliser avec la terre en revêtant ses couleurs sombres. Le décor idéal d'un film d'horreur. 

J'éternue bruyamment. Mon option 1 serait de rentrer me glisser sous la couette avec une bouillotte bien chaude et un pot de Nutella, mais je ne crois pas que ce soit du goût de Melliane. Quelques pas un peu lourds résonnent dans l'église, elle doit être en train d'explorer les lieux.

– 1) On entre, 2) On n'entre pas 3) On réfléchit encore un peu et on va prendre un café pour avoir un vrai plan, rétorque Bea en s'aidant de ses doigts pour compter.

– Je connais un café pas loin d'ici, suggère Johanne.

C'est vrai que l'option 2 est plutôt attrayante et aux hochements de tête de mes camarades, je devine qu'il s'agit d'un sentiment partagé.

Une voix se faufile par le trou du vitrail.

– Non, non, les filles. Pas de 2 ni de 3, juste le 1 ! Vous vous bougez le popotin et vous entrez ! On ne tergiverse pas ! Point final ! Il fait froid, il fait noir et je suis toute seule !

Apparemment, Melliane ne partage pas ce sentiment.

L'écho de pas battant les dalles de la nef se fait de nouveau entendre. Le fond de l'air est frais ce soir, à mon avis, elle se déplace pour se réchauffer,

– Euh, les filles, je ne suis pas seule, alors vous vous bougez les fesses et vite !

Ah non, ce n'étaient pas ses pas à elle que l'on entendait! Johanne nous sert une moue résignée accompagnée du long soupir de Roanne. Pas le choix... Ah, si on avait l'un des corbeaux qui peuplent l'Enclos de Simon... Ça serait bien pratique. On l'enverrait en éclaireur, et hop, il nous ferait un rapport sur ce qu'il y a à l'intérieur. Bon, son attirance pour les objets qui brillent pourrait nous attirer des ennuis, il risquerait de partir avec un crucifix. Il nous faudrait quelqu'un ayant l'autorité naturelle pour le contrôler. Ou Simon tout court.

Je souris bêtement.

Simon Wolfgard est quand même sacrément efficace. Un mot de lui et l'Enclos lui obéit. Il sait y faire. De l'autorité, un brin de force et du dialogue... Un vrai chef ! Ça serait quand même très bien d'avoir un Simon avec nous. Et tant qu'on y est, une Meg aussi. On ne sait pas ce qu'on va trouver là-dedans. Une prédiction et zou, on serait fixées. Bon, d'accord, il faudrait passer par une entaille et verser le sang de Meg n'est pas une bonne chose. Ses réserves ne sont pas inépuisables et cela suscite d'ailleurs beaucoup d'interrogations sur son espérance de vie.

– Les filles ? chantonne Melliane. Vous faites quoi ?

Elle n'a pas chantonné la dernière partie de sa phrase. Elle l'a littéralement hurlé, comme un grizzly en colère. Comme celui de l'Enclos. Je la sens un tantinet stressée. Il faut dire que seule, dans le noir, dans une église inconnue... Ce n'est pas la recette idéale, j'en conviens.

J'éternue encore une fois bruyamment.

Chutt, proteste Johanne.

Je n'en tiens pas compte et me mets les poings sur les hanches, histoire de faire une bonne imitation de Simon et ainsi de me donner une aura d'autorité. Au gloussement de Lupa, je ne suis pas convaincue d'y être arrivée. Ce sentiment se confirme quand je la vois donner un coup de coude à Bea qui se mord la lèvre inférieure pour ne pas ricaner. Ça doit être à cause de mon nez trop rouge à force de me moucher.

– Bon, quand faut y aller, faut y aller...

Notre Chef-Stratégie, Le Chat, répartit en deux secondes les rôles. Elle est douée pour ça. Elle aime bien donner des ordres, du genre Général-en-chef. Moi je suis plutôt... Euhhh, le cerveau du groupe. Oui, c'est ça... Je suis le cerveau du groupe... Celle qui a toujours la tête sur les épaules, toujours réfléchie, qui mesure risques et conséquences et qui prend les décisions qui s'imposent, quand elle s'imposent.

– Je rêve ou elle vient de dire qu'elle était le cerveau du groupe ? entends-je une Roanne narquoise.
– Mouais, alors sacrément enrhumé le cerveau, ajoute une Johanne hilare.
– Vous vous souvenez pendant le Salon du livre, quand elle a crié « Mortecouille » au milieu de la foule ? croit bon d'ajouter le Chat
– Et quand elle a percuté la Cerbère Rousse alors qu'elle voulait écouter ce qu'elle disait ? continue Johanne qui à du mal à retenir ses larmes à force de rire.
– Elle a fait tout cela ? demande Bea, incrédule.

Lupa se tient les côtes tellement elle rit, et moi j'ai soudain très envie de vite courir jusque dans l'Enclos pour disparaître de la surface de la Terre. Je bombe un peu le torse malgré tout, et m'apprête à protester quand la voix de Melliane s'élève depuis l'intérieur de l'église.

– Je rêve ou vous êtes en train de prendre le thé alors que je suis encore et toujours toute seule ? Vous attendez quoi ? Le Père Noël ?

Au moins, je ne suis pas la seule à ne pas trouver ça drôle. Merci Melliane ! Même si je la sens plutôt impatiente que réellement solidaire avec moi.

Les filles s'engouffrent à tour de rôle par le trou dans le vitrail. A chaque semelle qui m'écrase le visage dans un appui hasardeux, je les remercie silencieusement de ne pas être, comme Melliane, une adepte des talons vertigineux. Elle sont dedans, ne reste que moi dehors.

– Euh, les filles, pourquoi c'est moi la dernière ?
– Parce que tu cours vite, me rétorque Le Chat.
– Et quel est le rapport ? grommelé-je en me hissant à la force de mes bras, ou plutôt en essayant de me hisser à la force de mes bras, parce qu'à la place de muscles, j'ai du Nutella dans les biceps.
Il faut que je réduise ma consommation. C'est décidé, ça sera l'une de mes bonnes résolutions 2016.
– Il n'y en a pas, on ne voulait pas te dire que c'est parce que tu es un peu blonde que tu es dehors, glousse Bea...

Et c'est elle qui me parle de blonde ! Elle a un blog qui s'appelle l'Ancre Littéraire d'une blondinette ! Il va falloir que je lui rappelle que je suis le Cerveau et que c'est un petit scarabée, une jeune recrue. Un peu de respect que Diable ! Je vais le faire, dès que je serai à l'intérieur, mais pour l'instant, la grande question est : comment je fais pour entrer ?

– Attrape mon bras !

Roanne, ma sauveuse !
Elle a passé la moitié de son corps par le vitrail et me tend la main. Je la saisis, et en dix secondes, je suis à l'intérieur.

– Tu vois, ce n'était pas si difficile, ironise Johanne.

Je lui jette un regard noir, mais je ne suis pas sûre qu'elle le voit. Il fait très sombre dans l'église.

– Melliane, tu as vu quelque chose ?
– Quoi ?
– Quand tu nous attendais, tu as vu quelque chose ?
– Vous connaissez la définition du mot « Attendre ».
– Ça veut dire... attendre... et pas inspecter. Donc, non, je n'ai rien vu. Il fait trop noir, mon téléphone n'a plus de batterie et en plus, j'ai froid et vous avez mis au moins trois siècles à arriver, trépigne-telle.
– J'ai ! s'enthousiasme Lupa en allumant la lampe torche de son téléphone.
Elle sautille sur place, très satisfaite d'elle-même. A moins que ça ne soit pour se réchauffer. L'humidité des lieux étreint nos os.

J'éternue une nouvelle fois. L'option « Couette » était vraiment tentante...

Nous nous lançons en file indienne dans l'exploration de la nef. Inconsciemment, chacune d'entre nous a saisi le manteau de celle qui se trouve devant. Lupa ouvre la marche, c'est elle qui a la lumière.

J'imagine que c'est un peu ce que Meg a dû ressentir en arrivant dans l'Enclos. L'impression de ne pas être dans son élément, de devoir trouver ses marques dans cet univers qui lui est complètement étranger. Mais elle n'est pas la seule à ressentir cela. Les barrières sont telles entre les Autres et les humains qu'ils ne savent pas comment cohabiter. Jusqu'alors, cette question n'avait pas lieu d'être. Le monde était scindé en deux : les Autres, et les humains, qui, s'ils avaient le malheur de fouler le sol du territoire des Autres, finissaient sur les étals du boucher. Mais les choses évoluent, il suffit parfois de pas grand chose, du battement d'aile d'un papillon, d'un petit bout de femme telle que Meg... Des questions intéressantes sont abordées, comme celle de la nécessité du vivre-ensemble, de ses conséquences aussi, de comment apprendre à cohabiter malgré les différences, des émotions naissantes, de comment les appréhender. Le monde que dépeint Anne Bishop est brutal, cruel, mais elle évite un schéma trop manichéen qui aurait été maladroit. Il n'y a ni vraiment bons, ni vraiment méchants. Bien sûr, certains individus sont le mal incarné, mais n'y en a-t-il pas dans toutes les espèces ?

– Oui, j'ai adoré aussi, l'auteur va au bout de ce qu'elle a proposé. Tout est très bien pensé, très bien mené. Moi, je n'aurais pas tenu longtemps dans un tel monde, me répond Roanne.

Je n'avais pas l'impression d'avoir parlé à voix haute. Le rhume... Je ne vois que cela pour expliquer ma propension à dire tout haut ce que je pense.

– Et la relation Simon et Meg est vraiment touchante. Anne Bishop les laisse évoluer à leur rythme, pas besoin d'un marathon de couette pour faire vibrer le lecteur, ajoute Melliane en se frottant les mains pour se réchauffer.
– Oui, c'est vrai... Tout comme les relations avec les autres membres de l'Enclos, j'adore Hiver, Printemps, leurs poneys... Sans oublier les quelques humains qui osent franchir la porte de l'Enclos et sont autant de souris au milieu d'une troupe de chats, mais qui tentent de prouver que tout le monde n'est pas comme ceux qui ont fait du mal à Meg. La plume est vraiment intéressante, légère, pleine d'humour mais également teintée d'une gravité nécessaire, acquiescé-je.

Boum... Un bruit retentissant nous fait sursauter.

– Ça, ça n'était ni léger, ni plein d'humour... hasarde Lupa.

Les secondes s'écoulent lentement, très lentement. Nous avons arrêté de respirer. C'est fou combien le temps peut nous sembler long quand nous sommes en apnée.

– Euh, Père Noël, c'est vous ? finis-je par m'enquérir d'une petite voix...


Joyeux Noël à tous et à toutes ! Et n'abusez pas du Nutella ! Euh, du chocolat !

PS : Merci à Roanne pour un de ses commentaires que j'ai repris dans une de ses répliques, et à Melliane, même si elle me nargue toujours autant avec son avance sur moi. Dire qu'elle a déjà lu le tome trois... Grrrr




17 commentaires:

  1. J'adore toujours autant les épisodes x)♥ espérons que ce soit le Père Noel!
    pauvre de nous... les livres-addicts :p

    RépondreSupprimer
  2. Melliane a déjà lu le tome 3 ?... arg ! En VO je suppose ? Vraiment, pour la peine, je l'envie !

    Tu sais déjà tout le bien que je pense de cette série, j'ai vraiment hâte que la suite soit traduite. Merci encore de me l'avoir fait découvrir !

    Maintenant, il faut que j'arrête de glousser bêtement (effet secondaire de ton article) et que j'aille engouffrer une cuillère de Nocciolata (effet tertiaire). ;)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Melliane c'est le mal incarné: elle maîtrise l'anglais! lol
      Et elle me nargue à longueur de journée avec ses lectures... grrr

      Pour le gloussement, je ne peux rien faire du tout, le virus m'a frappée de plein fouet également!

      Supprimer
  3. Tu sais ce qu'elle te dit, mon interprétation douteuse ;) ? Si un jour tu tombes sous des feux amis, il ne faudra pas t'étonner ^^

    RépondreSupprimer
  4. Volée Noire ne peut QUE faire parti de nos aventures!!! J'adore, j'adore, j'adore.
    Allez entre blonde, on comprend le principe du sacrifice :P Heureusement que Roanne est présente.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est clair que Volée noire DOIT être protégé! Encore quelques mois avant la parution du 3! J'ai hâte!

      Supprimer
    2. C'est clair, ce roman DOIT être protégé, j'approuve !
      (vivement le 3, en VF...)
      ps : Béa, de rien !

      Supprimer
  5. Euh, j'suis blonde aussi... mais j'avais la lumière, alors ça compense n'est-ce pas ?
    Rassurez-moi les filles, le Père Noël il vient aussi dans les églises ? Cela ne peut être que lui le 24 décembre non ? À moins que…
    Finalement, nous aurions peut-être dû nous déguiser en petits lutins, histoire de passer inaperçu... Et puis les lutins avec un nez rouge c'est normal, ils viennent du pôle Nord !
    Bon allez, je n'ai plus qu'à sortir le premier tome si je ne veux pas mourir idiote ;)
    Merci pour ces palpitants moments en votre compagnie les filles !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ah oui, c'est un roman qu'il faut que tu sortes! Obligée!

      Et attention, les lutins peuvent cacher plein d'autres choses!

      Supprimer
  6. après une pause dû à mon emménagement me voici de retour!!!! ça m'a manqué de plus venir sur ton blog et lire tous ces supers épisodes !!!!
    C'est pas cool que quelqu'un ait le même nom que toi, tu as envoyé un email???

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Contente de te revoir ici! Ouille, un déménagement, pas trop fatiguée?

      Supprimer
  7. Je veux lire cette saga! J'ai le premier dans ma Pal et Béa m'en a vanté les mérites :3

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je suis amoureuse de cette saga. C'est dit. Amoureuse!

      Supprimer
  8. Oh mon dieu, tu es incroyable ! :DDD j'ai ris, mais riiis !
    Je vais passer la nuit à errer sur ton blog !! J'adore !!! C'est excellent !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci beaucoup du compliment! Suis très, très touchée!

      Supprimer