En
débarquant à Constantinople le 13 mai 1506, Michel-Ange sait qu'il
brave la puissance et la colère de Jules II, pape guerrier et
mauvais payeur, dont il a laissé en chantier l'édification du
tombeau, à Rome. Mais comment ne pas répondre à l'invitation du
sultan Bajazet qui lui propose - après avoir refusé les plans de
Léonard de Vinci - de concevoir un pont sur la Corne d'Or ?
11
mai, voile latine, tourmentin, balancine, drisse, déferlage.
Voilà
un extrait du carnet usé dans lequel Michel-Ange consignes des
trésors. Des mots, de simples mots, ses dépenses, ses
fournitures... Tout ce qui croise son chemin.
Mathias
Enard s'attarde sur un fait de l'histoire tombé dans les limbes de la mémoire : la conception de ce pont sur la Corne d'Or à
Constantinople et le voyage du sculpteur Michel-Ange sur les terres
du sultan Bajazet.
À
travers de très courts chapitres, autant de traits au fusain sur une
feuille de papier, l'auteur nous dépeint ce monde qui s'affronte,
cette fracture entre l'Orient et l'Occident qui finissent par se
rencontrer dans un équilibre précaire. Par de fins coups de
crayons, Constantinople vibre et respire, abritant petits et grands
dans son giron.
12
mai, garcette, cabestan, varangue coupée, carlingue.
Le
talent de Michel-Ange est loué et reconnu, mais cela ne lui assure
pas une vie sauve. Les puissants restent les puissants, en Orient, en
Occident ou ailleurs, et son départ de l'Europe ne manque pas de
contrarier ceux qui pensaient l'avoir sous sa coupe.
13
mai 1506, étoupe, amadou, briquet, mèche, cire, huile.
Rien
n'est dit, tout est dit. L'auteur évoque par effleurements cette
réalité qui inspire et expire en évitant de trop attirer les
regards. L'adaptation difficile, la langue, ces coutumes différentes,
ces peuples qui cohabitent, les expulsés de l'Andalousie qui
cherchent leur place, l'amour... Cette danseuse andalouse, ou
peut-être est-ce un danseur, à la voix envoûtante qui va hanter
les nuits de l'artiste. La fidélité de son traducteur qui est aussi
poète.
La
tristesse, la débauche, l'alcool qui coule à flot.
14
mai, dix petites feuilles de papier lourd et cinq grandes, trois
belles plumes, un encrier, une bouteille d'encre noire, une fiole de
rouge, mines de plomb, porte-mine, trois sanguines.
Les
lettres que Michel-Ange envoie en Europe dans l'espoir de son retour
ponctuent le récit. Le Pape sait-il où il se trouve ? Qu'en
est-il de l'argent qu'on lui doit ?
Le
rythme est lent, aussi envoûtant que cette voix qui berce
Michel-Ange et les évènements n'en sont que plus violents.
Deux
ducats à Maringhi, ladre, voleur, étrangleur.
Heureusement
la mie de pain et le charbon sont gratuits.
J'ai
beaucoup aimé cette lecture, cette immersion dans ce monde qui se construit. Je comprends pourquoi ce petit roman a été
primé : une lecture forte dont l'intelligence et la sobriété
des mots sert à merveille le récit.
Oh ca a l'air très particulier, je le note !
RépondreSupprimerJe pense qu'il pourrait te plaire!
SupprimerJe ne connaissais pas du tout ce roman, mais j'adore le titre ! Il a l'air vraiment interessant, merci pour la découverte =)
RépondreSupprimerLe titre est superbe. C'est une citation de Kipling qui prend son sens à la lecture du roman.
SupprimerJe ne connaissais pas du tout mais contente de voir que tu as été emportée par l'histoire comme ça !
RépondreSupprimerLecture vraiment très agréable!
SupprimerC'est une lecture qui ne m'aurait jamais interpellé sans ta chronique et qui pourtant grâce à toi, me donne envie de découvrir ce pays, cette culture, ce monde. :)
RépondreSupprimerJe suis contente alors. C'est un roman court qui vaut vraiment le détour!
SupprimerJamais entendu parler de ce livre mais je me le rajoute à ma wish-list ! ;)
RépondreSupprimerUne très jolie lecture pour moi! J'espère qu'il te plaira!
SupprimerTout ce qui touche, de près ou de loin, à la vie de Michel-Ange m'intéresse ! Ce roman fera donc l'objet d'une prochaine découverte, c'est certain ^^ Merci pour ce billet hyper tentateur :)
RépondreSupprimerSuper!! J'espère que la lecture te plaira!
SupprimerJ'ai lu ce livre quand j'étais au lycée, il était planqué entre deux gros pavés, et j'ai adoré! C'était une très belle lecture, je pense même à le racheter!!
RépondreSupprimerJe suis complètement d'accord avec toi!
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