Tina
est malheureuse auprès d'un mari trop porté sur la boisson et
souvent violent. Le week-end, pour ne pas être à ses côtés, elle
se réfugie dans une boutique caritative où elle est vendeuse
bénévole. C’est alors que sa vie bascule lorsqu'elle y découvre
une lettre dans la poche d'un vieux costume. Cette lettre n'a jamais
été ouverte, le timbre n’est pas cacheté et elle date de
septembre 1939 : c'est une demande en mariage. Très émue que la
destinataire n’ait jamais reçu cette demande, Tina va mener
l'enquête et découvrir l'histoire bouleversante d'un amour
impossible... Celui de Chrissie, jeune sage femme de 17 ans qui tombe
éperdument amoureuse du jeune séducteur de son quartier, malgré
les réticences de son père, un médecin très strict. La guerre
finit par exploser et son grand amour est contraint de partir au
front, la laissant enceinte, et seule face à ce secret honteux qui
va faire exploser sa cellule familiale. Pendant que Tina poursuit ses
recherches, elle découvre qu’elle aussi est enceinte, mais d’un
homme qu’elle n’aime plus. Elle décide d’essayer de retrouver
à tout prix Chrissie et son enfant, en espérant ainsi redonner du
sens à sa vie.
Il
y a des livres qui sont de drôles de rencontres, presque le fruit du
hasard. Alors que je m'accordais cinq minutes dans une librairie
entre des heures exténuantes de boulot, le titre de ce roman m'a
interpelée. Comme je suis quelqu'un de raisonnable (si, si, je vous
assure), je suis passée devant sans trop m'attarder. Pour être
honnête, je me suis quand même retournée, à plusieurs reprises,
et ai même été tentée de faire demi-tour pour lire le résumé,
mais le temps pressait... Et puis, je suis raisonnable (comment ça je me
répète?)...
Ma
journée intensive reprend après cette bouffée d'oxygène et le
titre n'arrête pas de tourner en boucle. « Il était une
lettre », « Il était une lettre ». Il sonne bien.
Il est presque doux à mon oreille, comme une caresse. En plus, je ne
sais pas pourquoi, il résonne un peu comme ces lettres du « Cercle
littéraire des amateurs d'épluchures de patates » qui me renvoient
à tant de jolis souvenirs avec ma mère.
Mais,
je suis raisonnable. (Nan, nan, je ne me répète pas, c'est mon
mantra, nuance !), je rentre donc chez moi, sans l'objet du
pêché.
La vie est faite de petites choses, de ces gestes anodins, de ces
habitudes que vous avez pour vous changer les idées entre deux
copies de concours ou deux rapports. Un petit tour sur la plateforme
Netgalley, juste pour voir, pour faire une pause, ça ne dure pas longtemps, c'est l'idéal, et oh, un battement de coeur qui saute, il y est ! Une demande et quelques
jours plus tard, une réponse positive. Me voilà avec « Il
était une lettre », sans trahir ma raison !
Premier
constat, ce roman est bien éloigné du « Cercle ».
Deuxième constat, aucune importance, il a créé en moi de telles
vagues d'émotions qu'il sera, lui aussi, une référence pour mon
petit cœur.
Je
m'attendais à une lecture plutôt légère (ne me demandez pas
pourquoi, je n'avais pas lu le résumé je vous rappelle, « Moi
être raisonnable! », oui, oui) et en fin de compte, ce roman
qui alterne présent et passé pour nous plonger dans le destin de
ces deux femmes, porte cette société qui l'habite.
Chrissie m'a bouleversée, Tina m'a arrachée des larmes. Chacune
plie sous le poids de sa condition de femme, même si des années les
séparent, chacune aurait pu être l'héroïne de son propre roman si
leur chemin ne s'était pas croisé.
L'auteur
s'attaque à des thématiques lourdes : le fardeau du regard des
autres dans une société où il fallait maintenir les apparences, le
droit à l'amour, à épouser qui on voulait, ces vies que l'on brise
même si on aime l'autre, la réalité d'une époque, cette religion qui juge et nettoie, la violence, morale, physique,
l'emprise, et j'en passe. Tous sont traités sans ambages, tous
s'imbriquent parfaitement parce que l'auteur ose les développer, ose
nous interpeler, ose nous choquer.
L'écriture
de Kathryn Hugues est très réaliste, je garde encore en mémoire
certaines scènes qui vibrent en moi. Ma gorge se noue en y
repensant, ma poitrine se comprime... Chrissie, Billy, Tina et les
autres ont un visage, je vois ce regard méprisant du père, ces
lèvres de la mère qui se froncent, cette main qui s'abat. Le mot est
juste, fort, sans fioritures mais n'a pas la sécheresse à laquelle
peuvent recourir certains romans contemporains pour faire passer leur
message. Il traduit parfaitement les deux époques, comme s'il ne
faisait qu'un avec elles.
Point
de faux sentimentalisme dans ce roman, point d'exagération, point de
dramatisme décuplé. Juste le verbe qui dit, la lettre qui donne un
but et unit, et ces femmes qui veulent vivre.
J'ai
adoré... littéralement adoré...