En
1941, Dorrigo Evans, jeune officier médecin, vient à peine de
tomber amoureux lorsque la guerre s'embrase et le précipite, avec
son bataillon, en Orient puis dans l'enfer d'un camp de travail
japonais, où les captifs sont affectés à la construction d'une
ligne de chemin de fer en pleine jungle, entre le Siam et la
Birmanie. Maltraités par les gardes, affamés, exténués, malades,
les prisonniers se raccrochent à ce qu'ils peuvent pour survivre –
la camaraderie, l'humour, les souvenirs du pays. Au coeur de ces
ténèbres, c'est l'espoir de retrouver Amy, l'épouse de son oncle
avec laquelle il vivait sa bouleversante passion avant de partir au
front, qui permet à Dorrigo de subsister. Cinquante ans plus tard,
sollicité pour écrire la préface d'un ouvrage commémoratif, le
vieil homme devenu après guerre un héros national convoque les
spectres du passé. Ceux de tous ces innocents morts pour rien, dont
il entend honorer le courage. Ceux des bourreaux, pénétrés de leur
"devoir", guidés par leur empereur et par la spiritualité
des haïkus. Celui d'Amy enfin, amour absolu et indépassable, qui le
hante toujours.
Malaisie,
1942. Le Pacifique et Singapour sont un bastion des britanniques qui
n'ont pas retenu la leçon de l'épisode tragique de Pearl Harbor en
1941. Le Japon frappe vite, les britanniques ripostent beaucoup plus
lentement. Singapour tombe.
On
dit qu'il y a un avant et après une guerre et que cet "après" est différent si on est un simple civil, un homme politique, un
riche commerçant ou un prisonnier de guerre.
Un
projet pharaonique voit le jour, relier le Siam à la Birmanie pour
rendre l'Asie à ses peuples et surtout pour créer une voie vers les
britanniques, la voie de la dernière chance. Cette voie ferrée de
la mort consumera des milliers de victimes, parmi lesquelles soixante
mille prisonniers de guerre.
Dorrido
Evans, double littéraire du père de l'auteur en fait partie. Le
temps a passé, il a vu la fin de ce projet qui frôlait un
absurde mortifère, il fait partie des survivants, de ceux qui ont la
chance de pouvoir encore mettre un pied devant l'autre, d'effectuer
des gestes anodins du quotidien, d'aimer une femme. On l'a érigé en
héros de guerre, lui, ce médecin qui a lutté pour sauver des vies
dans l'enfer des camps, lui qui n'était qu'un héros ordinaire parmi
des héros tout aussi ordinaires.
Mais
est-ce que ce reflet dans le miroir, cet homme désabusé qu'il
entraperçoit, est vraiment le héros dont tout le monde parle, celui
que tout le monde adule ?
Il
ne se reconnait pas. Il a simplement survécu, rien d'autre. Il n'est qu'un homme, il n'a toujours été qu'un homme, avec ses doutes, ses peurs...
"La
route étroite vers le nord lointain" nous entraîne sur le
chemin des victimes, vers leurs souffrances, les privations, la faim,
l'absence, la solitude, la maladie et la mort au milieu de la jungle. Le tribut est lourd et la vie bien peu de chose.
Les
pages sont lourdes des cris de ces victimes, de la folie de la guerre
à laquelle rien ne résiste, sauf peut-être l'amour. Celui,
interdit, déraisonnable de Dorrigo pour Amy, la jeune épouse de son
oncle, cet amour qui le hante encore, alors qu'il est pourtant étendu
auprès d'une autre.
C'est
un récit magistral que nous sert Richard Flanagan, un récit porté
par le coeur, porté par les tripes. La langue est d'une précision
chirugicale et plonge dans le coeur des personnages, sonde leurs
âmes. Il n'y a rien de blanc ou noir, l'on doit apprendre à vivre
ensemble malgré nos différences.
Rien de blanc ou noir donc, sauf peut-être l'horreur de la guerre
qui prend, dans son cheminement vers ce nord lointain, une dimension
universelle.
La
dernière page tournée, une certitude s'est lovée dans mon âme, celle
d'avoir vécu ces mots tantôt arides, tantôt riches, tantôt durs,
tantôt doux, au plus profond de mon coeur, celle d'avoir été marquée
au fer rouge.
Merci
« Au Prix Relay des Voyageurs » pour ce moment de lecture !
Lu, et adoré ! Très beau, très fort, très touchant aussi... Ca me fait penser que ma chronique est prêt depuis le début de l'année, et que je ne l'ai toujours pas publié ! Mais bon, avec une vingtaine d'articles préparés, je n'ai pas le temps de tous les publier ^^
RépondreSupprimerTu es plus organisée que moi pour tes articles! Je suis d'accord avec toi, très fort et très touchant...
SupprimerCe n'est pas une histoire simple mais c'est difficile d'en avoir pendant cette période. C'est cependant toujours intéressant
RépondreSupprimerC'est vrai que la période était loin d'être simple. J'ai beaucoup aimé que l'auteur s'attaque à ce pan de l'histoire, je ne connaissais pas du tout.
SupprimerJ'ai reçu ce livre pour le pour le prix Relay, et c'est vrai que j'étais moins emballée par rapport aux trois autres livres. Mais ta chronique me donne au final très envie de le commencer :)
RépondreSupprimerJ'étais un peu perplexe je dois le reconnaître, mais finalement j'ai adoré!
SupprimerJe lis Quoi qu'il arrive pour le prix relay des lecteurs voyageurs actuellement, et je finirai par celui-ci, La route étroite vers le nord lointain et avec ton avis, je sens que je vais passer un moment incroyable ! :)
RépondreSupprimerQue j'ai aimé Quoi qu'il arrive!
SupprimerMerci pour ce très bel article, tu m'as vraiment convaincu de le lire.
RépondreSupprimerJ'espère qu'il te plaira!
SupprimerRien que le contexte historique est passionnant ! Alors quand je lis tes mots, toujours si justes et empreints de sensibilité, je suis quasiment certaine qu'il me plairait beaucoup ! Encore une belle et touchante trouvaille grâce à toi, merci :)
RépondreSupprimerLe contexte historique est vraiment passionnant, c'est vrai!
SupprimerCelui-là j’aurais très envie de le lire. Une manière de rendre hommage au courage de milliers de combattants. En souvenir de leur courage, de leurs amours laissés au loin, de leurs souffrances incroyables, de l’isolement, de la solitude, de l'horreur. Il me toucherait profondément, j’en suis certaine...
RépondreSupprimerJe suis convaincue que tu l'aimerais beaucoup...
SupprimerJe ne le voyais pas comme cela ce livre ! Est-ce la couverture ? (oui, je sais, je suis très facilement influencée par la couverture ;-)) : Tu me donnes franchement envie de le lire...
RépondreSupprimerOui, c'est la couverture. On peut y voir un fil conducteur, mais elle fausse un peu la lecture je trouve.
SupprimerJ'ai vraiment très envie de le lire ce livre, comme tous les livres du prix Relay d'ailleurs !Merci pour ta chronique !
RépondreSupprimerC'est vraiment un très beau récit!
SupprimerJe l'avais repéré. Et bien tu m'as encore plus envie de le lire !
RépondreSupprimerC'est une lecture à laquelle je pense encore parfois. Elle m'a vraiment marquée...
SupprimerFichtre, encore une lecture qui a l'air de prendre aux tripes... tout en sachant rester touchant. En plus il aborde une facette de la 2nde guerre mondiale que nous connaissons mal.
RépondreSupprimerJe pense que je ferai quand même passer "De pourpre et de soie" en priorité si je dois lire de l'historique, mais je me pencherai dessus si j'en ai l'occasion.
"De pourpre et de soie" est plus "Léger", celui-ci est très noir.
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