mercredi 31 août 2016

Dans les pas du fils, Renaud et Tom François, Denis Labeyle

Entre Renaud et son fils Tom, c’est l’incompréhension. À 17 ans, l’adolescent semble glisser sur une mauvaise pente : échec scolaire, violence, drogue… Une crise que traversent de nombreux parents. Convaincu que son fils doit rompre avec son environnement toxique, Renaud lui propose une aventure extraordinaire : la traversée à cheval et à deux des steppes d’Asie centrale, aux confins du Kirghizstan. Pendant trois mois, le père et le fils vont franchir des montagnes, traverser des déserts, rencontrer des personnages insolites, reproduire les gestes simples des nomades… Surtout ils vont vivre une incroyable aventure humaine au cours de laquelle ils seront obligés de compter l’un sur l’autre. Chacun avec un objectif : pour Renaud, aller à la rencontre de son fils ; pour Tom, découvrir un père pour, à son tour, devenir un homme.

En général, je lis peu, pour ne dire pas, de témoignages. Un « Je » trop omniprésent, on s'épanche, on se plaint, on se complait dans un narcissisme exacerbé que l'on alimente par force de détails sur sa vie... Autant de raisons qui me font fuir, sans doute à tort d'ailleurs, comme j'en ai eu la preuve avec Dans les pas du fils.

Alors pourquoi faire une exception ? Pourquoi courir le risque d'affronter ce démon du « Je » ? La réponse est simple. Le sujet du voyage initiatique, qui plus est avec des chevaux dans un pays dont j'ignore tout mais qui est resté sauvage, me fascine. Sans doute une envie muette de vivre moi aussi une aventure de ce genre. Et puis j'ai eu la chance de lire quelques mots de Renaud, le père, et j'ai immédiatement éprouvé un immense respect pour son humilité et sa lucidité. Ce qui a fonctionné pour Tom et lui (finalement, ces deux « Je » que l'on retrouve dans ce récit forment aussi un « nous ») n'est pas une recette miracle, c'est juste de l'espoir. Et c'est ce dont on a besoin en ce moment, de l'espoir.

Je n'ai pas été déçue, bien au contraire. C'est même un sentiment assez étrange que celui qui m'habite depuis que j'ai refermé la dernière page. J'ai l'impression de flotter, et c'est très déstabilisant parce que normalement, je n'éprouve cette émotion qu'après une bonne romance. Inutile de préciser ce récit n'a rien absolument rien d'une romance. Mais alors rien du tout. Mais pourtant, je suis triste d'avoir quitté Tom et Renaud.

Par des mots simples, guidés par la plume de Denis Labayle, ils m'ont fait rentré dans leur intimité. Tom est un ado sur la mauvaise pente, comme malheureusement tant d'autres. Il est en échec scolaire, adepte de la provocation, de fêtes et de drogue. Renaud est impuissant face à la descente aux enfers de son fils, le dialogue est rompu depuis trop longtemps.

Ayant lui-même beaucoup voyagé, il imagine le projet un peu fou d'un voyage au bout du monde, seul avec son fils.

Le récit évoque différentes phases qui sont autant d'étapes dans leur relation : la colère, le rejet, les clashs, la violence même, les révélations, puis un début de compréhension mutuelle porteur d'espoir. Il en aura fallu des efforts de la part de Tom et Renaud pour en arriver à renouer ce dialogue. Je suis admirative, vraiment admirative face à leur attitude et leur remise en question.

L'humour est présent lors de leurs aventures, la plume de Denis Labeyle est précise et j'ai plus d'une fois souri, voire même ri en imaginant la scène. Ce sont autant de cartes postales qui nous immergent dans le quotidien brut et sans fard de ce pays, le kirghizstan dont j'ignorais tout.

Et au-delà de la beauté du récit, au-delà du courage qu'ils ont dû puiser au plus profond d'eux-mêmes pour s'affronter, l'un l'autre mais aussi individuellement, je ne peux m'empêcher d'être attendrie devant le pouvoir des animaux, ici des chevaux. On parle souvent de thérapie par les animaux, avec les chevaux par exemple, avec des handicapés, ou avec des prisonniers aux longues peines aux Etats-Unis, mais pour le vivre au quotidien avec les miens, les mots sont insuffisants face à la remise en question qu'ils peuvent entraîner. Tom a entièrement raison quand il parle de sa monture, Django. « Il est comme moi ». Oui, ils sont le miroir de ce que nous sommes et nous apprennent beaucoup...

Bravo à Tom et Renaud pour ce voyage face à eux-mêmes et merci de nous avoir fait découvrir ce pays. Il vous en aura fallu du courage et de générosité pour partager tout cela..


Pour ceux que ça intéresse, sur leur page facebook, il y a quelques vidéos de leur voyage : https://fr-fr.facebook.com/Step-by-Steppe-1461858700698432/

22 commentaires:

  1. J'aime beaucoup les témoignages, je retiens celui-ci :) !

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  2. Je ne connaissais pas et j'avoue que ce n'est pas forcément mon genre non plus mais peut etre un jour qui sait

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    1. J'ai été assez surprise, l'aspect psychologique, tourmenté est latent, on le sent dans ce voyage. C'est très bien rendu.

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  3. Je ne lis jamais de témoignage non plus.. c'est vrai que ça pourrait être intéressant alors merci pour ton article :)

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  4. Je lis aussi très peu de témoignages et pourtant très récemment j'en ai lu récemment un et j'ai apprécié voyager. Mais je reconnais que les démons intérieurs c'est un peu moyen à suivre. Bisous.

    Ps: toi qui hésite toujours dans les BD j'ai lancé un questionnaire via facebook et Twitter sur le choix de la BD à gagner pour le concours. Si tu ne les as pas, n'hésite pas à me laisser un mail ou un texto pour que je prenne ton avis en compte.

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  5. Beaucoup d'émotions à te lire. Avec les animaux, on ne triche pas. Ils nous prennent comme nous sommes, sans fards et sans artifices sociaux, culturels... Peut-être notre humanité a perdu cela ? Et peut-être est-ce pour cela qu'on se sent si bien un animal auprès de soi ?
    Je ne peux entrevoir ma vie sans une petite boule de poil à mes côtés.

    Ta critique montre à quel point, l'entourage dans lequel nous vivons nous détermine. Est-ce qu'il faut changer cela pour se changer soi-même ? En tout cas, cela y contribue beaucoup.
    Je vais aller jeter un œil sur le lien FB.

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    1. Je suis vraiment d'accord avec toi. Il y aurait tant de choses à changer dans nos vie finalement.

      Et pareil, sans boule de poils, ma vie n'est pas possible!

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  6. Comme toi je lis rarement des témoignages mais certains ont le don de nous émouvoir. Je trouve aussi qu’il en a fallu du courage pour s’affronter l’un l’autre et soi-même, et avoir la force de nous le partager. Un voyage qui me touche énormément, avec l’amour de se retrouver comme seul bagage...
    Bisous Céline, merci pour la belle découverte

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    1. Comme d'habitude, tu as les mots juste. Le courage, il leur en a fallu, et une énorme remise en question aussi. Très édifiant...

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  7. Je ne lis pour ainsi dire jamais de témoignages, mais tu m'as donné bien envie de découvrir celui-ci! Je l'ajoute à ma liste de souhaits... :)

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  8. Tu en parles très bien, mais j'ai moi aussi un problème avec les témoignages... Si j'ai l'occasion de l'emprunter, pourquoi pas.

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  9. Tu sais, les romances, ça parle d'amour... et ce roman lui aussi parle d'amour. Une autre forme d'amour, mais d'amour quand même. C'est peut-être pour ça que tu as "flotté" ?
    (il faut que je note le titre pour ma moitié, ça pourrait beaucoup l'intéresser)

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    1. Oui, je pense que tu as raison. Si ta moitié aime ce type de récit, il y a aussi "L'enfant Mongol" qui est vraiment très bien.

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  10. Ravie de constater que le voyage sur cette monture livresque fût une belle expérience pour toi aussi ! Une chose est sûre, ça valait le coup de tenter le « Je » !!! ;)

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