vendredi 19 août 2016

Monsieur l'écrivain, Joachim Zelter

« Selim Hacopian a écrit un livre. » Un écrivain renommé reçoit un beau jour ce curieux mail, envoyé par un drôle de personnage qui s’exprime à la troisième personne et souhaite que l’on « jette un coup d’euille » à ses écrits. L’écrivain refuse poliment, mais quelques jours plus tard, l’inconnu l’interpelle au détour d’une rue et, à coup de « Monsieur l’Ecreuvain », finit par obtenir gain de cause. L’écrivain s’engage alors, sans le savoir, dans une entreprise littéraire de longue haleine, à laquelle il va se consacrer corps et âme.
Entre les étagères poussiéreuses de la bibliothèque, autour d’un café ou dans le minuscule appartement de Selim, il apporte des corrections, prodigue des conseils, souffle des idées de nouvelles au jeune homme (lui qui a vécu en Égypte, pourquoi ne pas écrire sur les chameaux ?) qui, bien vite, est contacté par une prestigieuse maison d’édition.
Le succès d’Hacopian grandit à mesure que celui de l’écrivain, ayant délaissé ses propres romans, décline. Il lui vient alors une idée : pourquoi n’utiliserait-il pas Selim pour publier sa propre prose ?

"Selim Hacopian a écrit un livre".
Voici comment commence le courrier que reçoit le narrateur.
"Selim Hacopian a écrit un livre."
Oui... et ? pense-t-il non sans un certain cynisme.
Il est habitué à ce que des écrivains en herbe lui envoient leur manuscrit pour avoir son avis, après tout, c'est la rançon de la gloire que d'être un écrivain.
Mais voilà, "Selim Hacopian a écrit un livre".
Débordé, le narrateur n'y prête pas attention et ne prend pas la peine de répondre. Mais le destin est facétieux et le monde aussi petit qu'un mouchoir. Il croise le fameux Selim dans la rue. Monsieur l'Ecreuvain...
"Selim Hacopian a écrit un livre".
A partir de cette rencontre, le narrateur perd tout contrôle sur les évènements. Il se retrouve avec un CV dans les mains auquel il va apporter maintes corrections, puis l'ébauche d'un roman, parce que "Selim Hacopian a écrit un livre".

C'est un roman court que nous propose Joachim Zelter, mais il n'y avait pas besoin de plus de pages pour nous livrer ce portrait acide du monde littéraire. Ecrivains, éditeurs, critiques littéraires, personne n'est épargné dans ce monde où les repères ont changé. Qu'est-ce qui compte le plus désormais : le roman ou l'auteur ; le fameux cv que le narrateur corrige et recorrige ou le texte lui-même ? Qu'est-ce qui est le plus important, la qualité du récit, de la langue ou l'expérience de vie de l'auteur ?

La plume est vive et décrit parfaitement cette spirale dans laquelle tombe "Monsieur l'Ecreuvain", ses émotions ambigües, le mépris d'abord, puis le désespoir en passant par la lassitude et l'incompréhension. Le rythme se fait l'écho de cette téléréalité que devient l'univers du livre et de ces critères qui changent. Ces pages nous livrent autant de photographies de cette société qui évolue : sur l'écriture évidemment, la médiatisation, la starisation, mais aussi l'immigration, l'intégration et l'importance de la langue.

Pour certains, le récit paraîtra sans doute un peu extrême, j'en entends même s'exclamer un "Il ne faut pas exagérer quand même!" retentissant. Mais finalement, si on s'attarde un peu sur le processus de fabrication de certains bestsellers, on se rendra compte que ce n'est pas totalement infondé.




14 commentaires:

  1. Je ne connaissais pas, ça peut etre intéressant, surtout quand on voit que c'est différent

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    1. Oui, c'est vraiment un roman court/ une nouvelle très bien construite et très intéressante!

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  2. Nouvelle, et originale découverte pour moi ce roman ! Merci Céline :)

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  3. Eh bien cette lecture paraît très intéressante alors je dis pourquoi pas ! :)

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  4. Je pense que cette lecture me plairait aussi. Même si ça peut tomber dans l'exagération, évidemment, ça promet un humour assez grinçant dont je suis souvent friande.

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    1. L'humour est vraiment grinçant, et effectivement, le récit tombe parfois dans l'exagération, mais volontaire et bien mesurée de la part de l'auteur.

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  5. La machine littéraire doit être terrifiante! Ce "portrait acide", comme tu dis, doit refléter de près la réalité, je n'en doute même pas...
    Bises et bon dimanche Céline

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    1. C'est vraiment un portait assez acide, mais fidèle de cette machine. Assez terrifiant sous certains aspects, c'est vrai.

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  6. Ça doit être super intéressant comme roman ! Par contre, je crois que je vais passer mon tour, j'aurais trop peur de déprimer après une telle lecture. ^^

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    1. C'est clair qu'il a des côtés un peu déprimant...

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