Il
trahissait depuis près de vingt ans. L’Irlande qu’il aimait
tant, sa lutte, ses parents, ses enfants, ses camarades, ses amis,
moi. Il nous avait trahis. Chaque matin. Chaque soir…
Les
rues de Belfast résonnent encore de la poudre qui explose, des pieds
qui battent le pavé, de ces corps qui saignent, de ces yeux d'où
tombent des cascades de larmes... Ces yeux qui pleurent cette Eire
qu'imagine Antoine, cette vieille femme aux cheveux blancs et au fort
caractère qui lutte pour son identité, ces yeux qui rient au son du
gaélique et qui se tordent de colère devant ces anglais qui
défilent, conquérants contre ce peuple opprimé.
C'était
hier, au détour du calendrier. Ce conflit s'étirera pendant plus de
vingt ans, jusqu'à l'aube des années 2000.
Antoine
est luthier et parisien. Sa femme l'a quitté. La monotonie
jalonne sa vie jusqu'à ce qu'il ne découvre une photo de James
Connolly qui fut d'une des figures de la résistance irlandaise
contre les anglais pendant la fin du 19e siècle. Nous sommes en
1974. Ce portrait en noir et blanc, collé dans le fond d'un étui à
violon, va donner à sens à son existence beaucoup trop terne. Une
conversation avec un client, une impulsion et le voilà en Irlande, à
la rencontre de cette vieille femme à la chevelure blanche.
Elle
est partout autour de lui, autour de ces enfants qui jouent, autour
de ces enfants qu'on enterre, sur ce mur que l'on marque de
graffitis, dans sourire de Cathy et Jim O'Leary qui l’accueillent
les bras ouverts, lui le luthier de Paris.
Et
c'est en Irlande que le luthier devient homme. « Fils ».
Ces mots s'impriment dans son cœur. « Regarde comment on
fait ». Et dans les urinoirs d'un bar irlandais, Antoine
devient Tony. Antoine est frappé à l'âme par Tyrone Meehan, ce
leader irlandais emblématique et charismatique, incarnation vivante
de la cause, et qui lui apprendra à uriner comme un homme. La vie
est faite de petits moments insignifiants mais déterminants et
celui-ci en est un. Une histoire d'hommes. La naissance d'une amitié.
Antoine-Tony
rentre à Paris profondément bouleversé. L'Irlande lui a offert ce
qui lui manquait, l'amour familial de ceux qui pleurent les leurs
mais gardent le menton levé et ne baissent pas les yeux, l'amour
d'une terre qui vous reçoit les bras ouverts et vous donne tout ce
qu'elle a, même si elle n'a rien.
Le
jeune homme se construit sous nos yeux, bouton fragile qui éclot peu
à peu pour devenir un homme engagé dans une cause.
Mais
le monde n'est jamais ni noir ni blanc. Il est fait de multiples
nuances de gris. Et c'est ainsi que Tyrone, le Tyrone pilier du
combat est en réalité un traître qui fournit des renseignements à
l'Angleterre depuis près de 20 ans. Mais où s'arrête sa
traîtrise ? Est-il seulement le traître de l'IRA ou est-il
aussi le traître d'Antoine? Les valeurs humaines qu'il lui
a transmises, noble héritage de cette vaillante Irlande,
sont-elles réelles ou n'étaient-elles finalement qu'un rideau
éphémère. Qui était ce Tyrone-Denis dont il doit faire le deuil ?
Leur relation était-elle sincère ?
J'avais
été touchée par Profession
du père du
même auteur. C'est un récit auquel je pense encore beaucoup. Il en
va et en sera de même pour celui-ci. Sous couvert de fiction,
Sorj Chalandon mêle des touches autobiographiques, Antoine-Sorj,
Tyrone-Denis Donaldson, et les mots sont d'autant plus forts.
Ce
récit ne se contente pas de s'immerger dans l'histoire de l'Irlande
il observe et analyse les rouages du cœur humain. Il est tellement
facile de porter un jugement, de prendre position, de trancher dans
le vif, alors qu'en fait, le monde n'est que dégradé, et rien n'est
vraiment simple.
Je note ! Il me tarde de lire d'autres livres de cet auteur, tant j'ai aimé "Profession du père" :)
RépondreSupprimerJe comprends! C'est d'ailleurs Profession du père qui m'a donné envie de découvrir d'autres ouvrages de cet auteur!
SupprimerJ'aime énormément cet auteur, il faut que je lise celui-ci :)
RépondreSupprimerCet auteur a été pour moi l'une des révélations de la rentrée littéraire. Je ne le connaissais pas du tout, et maintenant, il me faut tous les lire!
SupprimerC4est impressionnant de trouver des romans comme ça qui nous emporte. Je ne connaissais pas celui ci
RépondreSupprimerJ'adore cet auteur... Sa plume est portée par une force rare je trouve.
SupprimerJ’adore ces romans qui épousent l’histoire aux sentiments humains pour les rendre plus vivants.
RépondreSupprimerJ’aime aussi ces profils, comme Antoine ici, que l’ont voit évoluer sous nos yeux au fil des pages. Un homme qui devient homme, qui se lie d’amitié et qui apprend la vie, l’amour familial, la méfiance aussi, le courage.
Je me souviens d’avoir lu ta chronique sur « Profession du père ». Cet auteur a un réel talent pour nous émouvoir…
Bonne semaine Céline
Oui, c'est vraiment un auteur particulier, doté d'une plume très sensible. J'aime vraiment beaucoup...
SupprimerIl faut absolument que je lise celui-ci :) !
RépondreSupprimerJ'espère qu'il te plaira!
SupprimerUn roman qui a l'air touchant. Je le rajoute à ma wish-list :)
RépondreSupprimerJ'aime vraiment beaucoup cet auteur!
SupprimerJ'avais été bouleversée par le film "Au nom du père" de Jim Sheridan ! Et ce roman m'y fait un peu penser du coup ^^ Je le note car le sujet est intéressant, merci Céline :)
RépondreSupprimerJe ne connaissais pas ce film! Je le note aussi! Merci beaucoup!
SupprimerCe roman a l'air sublime et poignant. Je le note, merci pour cette découverte!
RépondreSupprimerMerci de ton passage!
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