En
avril 2000, Sylvain Côté s’enlève la vie, sans donner
d’explications. Ce garçon disparaît et nul ne comprend. Sa femme
Mélanie s’accroche férocement à leur fils Stéphane ; son père
Vincent est parti se reconstruire près des arbres muets ; sa mère
Muguette a laissé échapper le peu de vie qui lui restait. Seule la
si remuante et désirable barmaid Charlène, sa maîtresse, continue
de lui parler de sexe et d’amour depuis son comptoir.
La
perte d'un être cher est un événement traumatisant dans une vie,
la douleur de l'absence et la colère contre ce foutu destin sont
autant de vagues qu'il faut affronter pour apprendre à vivre sans.
Mais quand il s'agit d'un suicide, les vagues deviennent tsunami. En
plus du deuil, il faut cohabiter avec une ronde de questions plus
pernicieuses les unes que les autres. Pourquoi ? Est-ce que
j'aurais pu l'empêcher de commettre ce geste ? Qu'est-ce que je
n'ai pas vu ? Il faut porter un fardeau supplémentaire, celui
de sa propre culpabilité, de sa propre introspection.
Premier
livre pour moi de Marie Laberge, première rencontre donc, et premier
coup de coeur. Le sujet m'effrayait pourtant un peu : Sylvain, du
haut de ses vingt-neuf ans, s'est ôté la vie. Il avait tout
pourtant pour être heureux, un fils, une femme peu encombrante, une
maîtresse, un travail, des parents. Mais ça n'a pas suffi, il s'est
pendu.
Ce
roman choral se construit autour d'un "pourquoi" centré
sur l'entourage qui n'a d'autre choix que celui de continuer à
vivre, ces "ceux qui restent" qui doivent réapprendre
comment respirer au fil des ans. Chaque chapitre donne la voix à un
personnage, à ses pensées, à ses réflexions. Chaque chapitre nous
livre le cheminement de chacun. La langue varie en fonction des uns
et des autres. Il m'a d'ailleurs fallu un peu de temps pour m'y
habituer, elle est déstabilisante au début, addictive ensuite.
Distanciés dans le cas de Muguette, équilibrés dans celui de
Vincent qui ne veut pas s'effondrer, passionnées dans celui de
Charlène qui aime la vie, décousus dans celui de Stéphane qui se
cherche, les mots sont le miroir de leur âme.
Ce
roman est un kaléidoscope d'émotions à l'état pur. L'on passe par
toute palette de sentiments, la colère, le deuil bien sûr, les
remords, la distance, le mensonge, la fuite, le faire face, l'amour,
l'amitié, les sentiments ambigus, la perdition, l'errance, puis la
reconstruction et enfin l'espoir.
J'ai
aimé profondément Charlène qui porte ce roman, Charlène qui
cherche à comprendre et qui devient un pilier de la vie des autres
alors qu'elle n'est que serveuse. Charlène qui sera la lumière pour
certains et qui ne pourra aider ceux qui sont aveugles. Vincent et sa résignation m'ont attendrie, sa bonhomie et sa générosité m'ont
touchée. Stéphane m'a émue, ce garçon dont la vie est bâtie sur
un mensonge et qui se cherche, mais qui finalement n'avait pas besoin
de ce mensonge pour errer, parce que c'est la vie, tout simplement.
Mélanie-lyne m'a attristée, c'est une femme brisée, non pas par
l'acte mais par ce qu'elle est. Muguette m'a autant exaspérée
qu'elle m'a fait de la peine. Sa folie est finalement le poids le
plus lourd qui fait plier ses frêles épaules.
Je
me suis surprise à tourner les pages et à vivre intensément chaque
chapitre, à ressentir les mots. "L'on passe à Vincent, très
bien, je l'aime beaucoup, il est apaisant Vincent", "Mais
elle est où Charlène, j'aurais bien besoin d'une petite dose de
Charlène moi !", "Mais Stéphane, ce n'est pas
possible! Comme je te comprends malgré tout...", "Elle
mériterait une bonne paire de claques la Mélanie-Lyne. Mais ouvre
les yeux bon sang !", "Et Muguette, on n'a pas idée
de porter un nom pareil ! Bon, d'accord, elle n'est pas
responsable, mais quand même...".
Et
la dernière page tournée, un étrange sentiment de plénitude m'a
envahie. Parce que ce roman n'est pas noirceur, c'est un roman
intimiste, bouleversant parfois, réconfortant souvent qui m'a
touchée en plein coeur.
Surprenant
et juste, une très belle première rencontre.
Pour
lire la chronique de l'Amarrée des mots, c'est ici.
Ca a l'air dur, mais passionnant ! Je note :)
RépondreSupprimerJe pense que c'est un roman qui pourrait te plaire. Le pari est osé, mais clairement réussi.
SupprimerJe ne connais pas cet auteur, mais tu me donnes bien envie d'y remédier...
RépondreSupprimerJ'ai découverte l'auteure avec ce roman, et ce fut une bien belle rencontre livresque pour moi.
SupprimerComme tu en parles bien...
RépondreSupprimerMerci!
SupprimerIl est dans ma PAL et il me tarde vraiment de le lire ! Ta chronique me donne encore plus envie de le découvrir :) !
RépondreSupprimerHâte de savoir ce que tu vas en penser! C'est très particulier comme récit.
SupprimerCa a l'air d'etre une histoire très prenante et différente
RépondreSupprimerComplètement différente, ne serait-ce que par la langue.
SupprimerComme tu en parles bien Céline!
RépondreSupprimerÇa me fait tellement plaisir de lire un billet de Marie Laberge ici!
Un grand merci pour le lien...
Bises et bonne semaine à toi
C'est toi qui me l'as fait découvrir avec ton blog! Et j'ai adoré!
SupprimerTout à fait le genre de livre que j'aime avoir lu, mais qu'il est difficile pour moi d'ouvrir, de m'y mettre... C'est sûrement douloureux. Et beau.
RépondreSupprimerEt ce passage d'une voix à l'autre, comme un passage de témoins, me donne envie de le découvrir.
"Muguette" ? C'est un "vrai" prénom, cela ? ;-))
Le sujet est douloureux, mais ce n'est que le point de départ. Ce qui compte est l'après, et l'auteur l'évoque très justement.
SupprimerMuguette: Oui, oui, c'est un prénom. Elle est née en mai, d'où Muguette!
Tu me donnes terriblement envie de découvrir ce titre !
RépondreSupprimerJ'espère qu'il te plaira!
SupprimerComme tu dis, Charlène porte clairement ce roman et si je n'étais pas fan d'elle au début, elle est devenue beaucoup plus sympathique à mes yeux par la suite. J'ai adoré !
RépondreSupprimerJ'ai eu le même sentiment. C'est un roman déstabilisant au début, mais ensuite, il nous happe.
SupprimerC'est le genre de livre génial que j'évite d'acheter, pour le moment, car le sujet fait que je le planque dans ma pile à lire et trouve toujours une bonne raison, par la suite, pour ne pas l'ouvrir...
RépondreSupprimerLe sujet est vraiment terrible...
(en plus dans un style différent, j'ai entamé "Maintenant qu'il fait tout le temps nuit sur toi" et le début a déjà suffit à m'émouvoir de façon irraisonnable)
Ces livres sont nécessaires, mais que j'ai du mal à les ouvrir.
Le sujet est difficile c'est vrai, mais finalement ce roman n'est pas douloureux.
SupprimerPar contre, je n'ose pas sortir "Maintenant qu'il fait tout le temps nuit sur toi" de ma PAL, j'ai peur de me transformer en chutes du Niagara...
Très intéressant et pourtant ce n'est pas le type de roman vers lequel j'ai l"habitude de me tourner habituellement.
RépondreSupprimerC'est un roman fort et très surprenant.
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