Aaliya
Saleh, 72 ans, les cheveux bleus, est inclassable. Mariée à 16 ans
à « un insecte impuissant », elle a été répudiée au
bout de quatre ans. Pas de mari, pas d'enfant, pas de religion... Non
conventionnelle et un brin obsessionnelle, elle a toujours lutté à
sa manière contre le carcan imposé par la société libanaise. Une
seule passion l'anime: la littérature. Elle a en effet pour les mots
un désir inextinguible. À tel point que, chaque année, le 1er
janvier, elle commence à traduire en arabe l'un de ses romans
préférés. Un travail ambitieux qui finit toujours par échouer
dans un tiroir. Car les quelque trente-sept livres traduits par
Aaliya au cours de sa vie n'ont jamais été lus par qui que ce soit.
Ce
portrait d'une femme solitaire en pleine crise existentielle oscille
sans cesse entre passé et présent dans un Beyrouth en constante
mutation. Tandis qu'elle essaye de maîtriser son corps vieillissant
et la spontanéité de ses émotions, Aaliya doit faire face à une
catastrophe inimaginable qui menace de faire voler sa vie en éclats.
Son ton mordant ne nous laisse pas indemne.
Pour
commencer chaque nouvelle année, Aaliya a un rituel : choisir
un ouvrage, parmi ses préférés bien sûr, et se lancer dans sa
traduction. Nul désir d'être publiée ensuite, une fois le dernier
point mis, le manuscrit ira rejoindre tous les autres enfermés dans
les cartons qu'Aaliya garde précieusement dans son appartement, ces
cartons pleins de vies de papier qui sont autant de compagnons pour
cette femme vieillissante de 72 ans.
J'ai
rarement été autant touchée par un personnage. Aaliya est une
femme moderne qui a grandi dans un pays archaïsant. Mariée très
tôt, comme bon nombre de femmes au Liban, elle a connu ce qui pour
elle, fut la chance de sa vie : son mari l'a répudiée. A
commencé pour elle, bien au-delà des regards qu'on lui portait, une
vie indépendante, une vie de femme maîtresse de ses actes : un appartement, un travail de libraire, une
liberté... La liberté de décider de ses choix, la
liberté de vivre la vie qu'elle veut.
A
travers les mots, les pensées, les digressions d'Aaliya, qui s'égare
beaucoup comme elle-même n'hésite pas à le reconnaître, l'auteur peint une Beyrouth profondément marquée par la
guerre et qui a du mal à panser ses blessures. Il dessine le portrait de femmes
(l'immeuble d'Aaliya en est plein) qui ont réussi à vivre sans les
hommes, à tisser des liens, une solidarité peu évidente dans ce
contexte déchiré et déchirant.
Les
mots de Rabih Alameddine sont souvent justes, beaucoup de thèmes sont
abordés- la destruction, la reconstruction, la cohabitation,
l'autre, la religion, les traditions, les hommes, les femmes, la
famille les livres, le travail, la modernité...- et le regard porté
par l'expérience de vie d'Aaliya les rend lourds de sens. J'ai été
fascinée par ce petit bout de femme qui se retrouve avec des cheveux
bleutés suite à une erreur de shampoing, par cette survivante qui
fera ce qu'elle pourra pour survivre et garder son indépendance, qui
aimera les livres autant qu'elle aimera la vie, par cette lectrice
solitaire qui me bouleversera...
Sans
aucun doute l'une de mes lectures les plus marquantes de l'année.
Pour
la chronique du Chat du Cheshire, c'est ici
"Un des personnages féminins les plus beaux, les plus originaux des dernières années" - moi qui affectionne les personnages de femmes fortes, ce livre est pour moi! Tu dis n'avoir jamais autant été touchée par un personnage... Alors cette histoire saurait toucher également mon cœur, je le sais.
RépondreSupprimerBonne semaine Céline
Je pense qu'elle pourrait te plaire...
SupprimerMerci pour ce nouveau lien <3 !
RépondreSupprimerUne lecture qui m'avais également touchée, je suis contente qu'on ait le même ressenti (pour une fois) !
Pas "pour une fois"! Ça arrive assez souvent en fait!
SupprimerC'est vrai que ça a l'aor d'etre une lecture forte et le thème est vraiment intéressant
RépondreSupprimerOui, j'ai peu lu sur ce sujet je dois le dire. Et pourtant ça m'intéresse beaucoup!
SupprimerEncore un livre que je ne connais pas et qui a l'air vraiment chouette! J'espère que les mots sont aussi prenants que l'histoire est tentante!
RépondreSupprimerC'est une histoire vraiment très touchante, et très bien écrite ce qui ne gâche rien!
SupprimerEncore une envie de plus confirmée par tes bons soins ! Tu es la reine de la prescription livresque, et sans risque d'effets indésirables ;)
RépondreSupprimerSuis pas sûre que mon banquier pense la même chose! :)
SupprimerMême si je ne suis pas très contemporain, ce livre me tentait déjà pas mal à la base. :) Et ton avis me conforte! Je vais t'envoyer mon banquier qui se plait!
RépondreSupprimerEuh, j'ai déjà fort à faire avec le mieux! Il fait grise mine en ce moment! :)
SupprimerAh, l'une de mes prochaines lectures. Il me fait envie depuis sa sortie. Mais j'ai lu tellement de livres sur ce sujet que j'ai sans cesse repoussé sa lecture. Si il est dispo demain à la bibliothèque, je l'emprunterai.
RépondreSupprimerJe l'ai trouvé très différent de ce que j'avais pu lire avant sur le sujet, sans doute à cause de la protagoniste qui est atypique finalement.
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