dimanche 27 octobre 2013

La course au mouton sauvage, Haruki Murakami



Ami d'un jeune homme surnommé le Rat, un publicitaire assez banal, divorcé, vivant avec une femme dotée de très belles oreilles, voit son univers basculer parce qu'il a publié la photo d'un troupeau d'ovins dans un paysage de montagnes. Parmi ces moutons, l'un d'eux aurait pris possession d'un homme pour en faire le Maître d'un immense empire politique et financier d'extrême droite. Or, le Maître se meurt. Menacé des pires représailles, le publicitaire doit retrouver le mouton avant un mois. 

Aujourd’hui, nous allons parler de moutons. Oui, oui, de moutons, de chasse au mouton pour être exacte. Mais pas de n’importe quel mouton, non, d’un mouton à la laine d’une blancheur extraordinaire avec une étoile sur le dos. D’un mouton unique, capable de pénétrer votre esprit, de se l’approprier, et de vous permettre de survivre alors qu’une tumeur cohabite dans votre tête pendant 40 ans. D’un mouton, qui, lorsqu’il estimera avoir atteint son but, vous laissera dans un état de manque-mouton indescriptible. 

Malgré l’attrait de ce programme, je dois reconnaître que le livre commence lentement, très lentement… Tellement lentement même que ce roman a failli devenir un livre-toilettes, là où je relègue mes lectures qui ont du mal à capter mon attention, tout simplement parce que je suis incapable d’abandonner un livre. 

Murakami dans ce début nous parle d’oreilles qui font oublier tout le reste, de pénis de baleine, de séparation, de rencontres, de pets de chat à travers une série de scènes assez décousues. 

Très déstabilisant. Le mouton n’est pas encore là.

L’irréel flotte dans cette réalité, il est palpable mais pas vraiment visible. Juste une intuition…

Il y a des pages succulentes, mais mon cerveau fatigué n’arrivait pas à accrocher. 

Puis est arrivé le mouton avec sa réalité. Pas en chair et en os, mais en véritable fil conducteur. Il a capturé mon attention, m’emprisonnant dans les fils de sa laine, le rythme s’est accéléré, s’en était fini du livre-toilettes. Il mérite bien plus que cela. J'ai été happée par cette course au mouton...

Autant terminer avec les mots de l’ouvrage, pour vous donner envie de découvrir ce roman fidèle à la norme de Murakami :

« Toute votre histoire est à dormir debout, tant elle est absurde, mais à l’entendre de votre bouche, elle a comme un goût de vrai ». 

Entrez dans le vrai de Murakami, malgré ce début qui tarde, vous ne le regretterez pas…

samedi 26 octobre 2013

Rebecca Kean, Tome 4 : Ancestral, Cassandra O’Donnell



« Histoire de bien commencer la saison, le Mortefilis a décidé d’envahir la Nouvelle Angleterre. Ça tombe bien, avec la disparition de Raphael, repousser une armée de redoutables vampires était tout ce dont j’avais besoin...
Malgré mon inquiétude et une situation plus que critique, je me dois d’organiser la défense de notre territoire. Et croyez-moi, il va falloir la jouer serré ! »

Ça y est, mon périple Rebeccanien a pris fin. Le dernier tome disponible est derrière moi, et même si j’ai quelques réserves sur certaines choses, le sentiment général est plutôt positif.

Mme O’Donnell a réussi à me tenir en haleine pendant 4 tomes, et même si le tome trois a eu quelques relents d’insatisfaction, il ne m’a pas empêchée de me plonger avec urgence dans le tome 4, qui, ne serait-ce que de par le milieu dans lequel évolue Rebecca –les métamorphes, chaque tome évolue dans une des sphères du Directum- , m’a davantage séduite que le précédent. 

Que voulez-vous, on a tous notre péché mignon, et moi j’aime les métamorphes et leur dualité humaine / animale avec toutes les subtilités que cela implique. Et ces subtilités sont bien utilisées dans les Rebecca Kean, univers dans lequel l’habit ne fait pas le personnage, et où tout est plus complexe que cela n’y paraît de prime abord.

Si je devais faire un rapide bilan, je dirais que  la construction des personnages est un réel point fort chez Mme O’Donnell.  Il y a un véritable travail d’élaboration des personnages secondaires, qui tend même à abolir les frontières personnages secondaires / principaux. Il en va de même pour l’humour, omniprésent, élément essentiel de la personnalité de Rebecca.

Mais, car il y a toujours un Mais, ce même personnage de Rebecca commence à me taper un peu sur le système. Ce n’est pas sa faute, non, ça n’a rien à voir avec son tempérament, que je trouve d’ailleurs très attachant. Ce sont plutôt les choix de l’auteur qui me laissent perplexe. La gente masculine virevolte autour d’elle comme le font les abeilles autour de leur reine, sans que l’on ait, ne serait-ce que l’ombre d’un indice sur la raison profonde. Est-ce lié à la nature, et dans ce cas partie intégrante de la mythologie de la série, ou uniquement au charme de Rebecca ? Savoir qu’Ali était lui aussi pris dans les mailles de son filet m’a agacée, tout comme l’absence d’utilisation -hormis au début de ce tome!- de Bruce qui n’est finalement que presque purement décoratif, du moins pour le moment. Je n’en vois pas l’intérêt, si ce n’est celui de compliquer encore plus la vie de l’héroïne qui n’en a vraiment pas besoin. 

J’espère vraiment que cette série ne tombera pas dans les travers qui m’ont fait déserter les Anita Blake…

Par contre, fidèle à elle-même, Mme O’Donnell est la reine des fins qui vous font rager. Si je peux lui reprocher une certaine maladresse dans les enchaînements, je ne peux que m’incliner devant son sens du suspense final. Encore une fois, ouahh…et dire qu’il va falloir attendre pour avoir le tome 5…

mercredi 23 octobre 2013

Rebecca Kean, Tome 3 « Potion macabre », Cassandra O’Donnell



 Avoir une fille en pleine crise d’ado quand on a 27 ans, ce n’est déjà pas de la tarte mais quand votre adorable progéniture est une jeune vampire en pleine poussée hormonale, ça devient carrément insurmontable. Comme si je n’avais déjà pas assez à faire avec une bande de potioneuses complètement disjonctées qui sème la pagaille dans toute la région et la nouvelle guerre qui se profile lentement mais sûrement à l’horizon...

Voici un ouvrage que j’ai attendu avec envie et impatience. Mes ongles –ou ce qu’il en reste- en sont témoins. L’ouvrage n’étant pas arrivé à temps, je suis partie vers d’autres horizons. Une fois dans ma Bal, la frénésie m’étant passée, j’ai retardé sa lecture, pour y revenir assez vite quand même, je voulais savoir…

Oserai-je dire que je suis déçue ? C’est sans doute un peu trop fort, et assez injuste également. Mais il m’a clairement manqué ce quelque chose, qui n’a, j’en ai l’intime conviction, rien à voir avec ce fameux moment,  et qui m’aurait embarquée, pieds et poings liés, dans la lecture de ce tome 3.

On a toujours beaucoup d’action, des rebondissements, beaucoup d’humour, c’est la marque de fabrique de Mme O’Donnell. Mais  ce tome manque cruellement de… Raphaël, et de Bruce… J’aurais voulu des sentiments, des relations qui se construisent, des papillons dans le ventre, du sexy même, mais non. Peu de Raphaël et de Bruce, mon chouchou.

Et il y a beaucoup trop de potionneuses, des sorcières, en somme, et les sorcières et moi, on n’est pas vraiment amies intimes du moins dans la littérature,- je n’oserais pas en froisser une ainsi dans la vraie vie, on ne sait jamais !

Et que dire de Mark?  Encore lui... Depuis le début, je suis sceptique quant à la trame de Mark et à son utilité, et le 3ème tome refermé, je le suis encore plus. Grâce à lui Rebecca découvre qui elle est, ou, du moins, pénètre sur la voie de la connaissance de soi. Mouais… Tout ceci me semble malgré tout très maladroit et surtout assez mal amené, pour ne pas dire que ça tombe comme un cheveu sur la soupe. Etait-ce nécessaire ? Pas sûre.

Mais par contre, la fin… Ouahh, quelle fin… Pour tout vous dire, alors que cette lecture manquait de piment, j’ai enchaîné malgré tout sur le tome 4, tout de suite, sans attendre. Tout ça à cause de la fin. Mme O’Donnell a vraiment le sens du suspense.

Je suis actuellement dedans, et cette fois, je ne suis pas déçue !
La suite au prochain épisode donc !

mercredi 16 octobre 2013

Le Mystère de la crypte ensorcelée, Eduardo Mendoza




Un patient anonyme d''une institution pour malades mentaux est recruté par le commissaire Flores afin d'enquêter sur la disparition de jeunes filles pensionnaires d''un internat religieux. 

Lorsqu’on demande quels sont les éléments constitutifs d’un roman policier, le même type de réponses revient toujours, et c’est finalement complètement normal. Un crime ou un délit, une enquête liée à un mystère profond, un enquêteur –détective privé, policier, journaliste ou toute personne chargée de faire régner l’ordre ou qui se sent investie d’une mission morale, héros ou antihéros-, et un ou des criminel(s) qui a/ ont basculé du côté des forces obscures. 

On a là le schéma « classique » du roman policier, qui laisse, disons-le franchement, la porte ouverte à bon nombre de variantes.

Malgré tout, on dit en Espagne d’Eduardo Mendoza qu’il a réinventé le genre, en reprenant ces codes pour se les approprier et créer une œuvre inclassable.

Véritable roman noir ou habile parodie ? Picaresque moderne (avec le antihéros par excellence, un personnage issu des couches les plus basses de la société et dont la morale est souvent discutable) ?

Sans rentrer dans ce débat, c’est à mes yeux une petite pépite …

Prenons le héros tout d’abord. Anonyme dont le véritable nom ne sera jamais révélé, il souffre d’une défaillance mentale (et non pas d'une déficience, sa folie est toute relative !) qui lui donne une perception / interprétation fantaisiste(s) de la réalité. Il se fait « engager » par des puissants de Barcelone à cause de sa connaissance des bas-fonds de la ville pour résoudre cette enquête. S’il réussit, on lui promet la liberté (autrement dit, bye bye asile et bonjour ce qu'il imagine être une vie de rêve!). S’il échoue, tant pis, ce ne sera qu’un inconnu qui, mué par ses « légers » problèmes psychologiques, se sera mêlé de quelque chose qui ne le regardait pas. Un dommage collatéral excellent en fait...

Voici le point de départ d’une enquête noire, très noire, qui scrute à la loupe les différents milieux de Barcelone (du commissaire à l’homme politique en passant par les religieuses), pour nous livrer, dans un second degré acide, une véritable critique de la société de l’après-dictature franquiste.

Au-delà de cet portrait amer, la grande réussite de ce roman est, à mes yeux, la narration. Eduardo Mendoza aurait pu se contenter de nous livrer un formidable roman noir, le contexte s'y prêtait. Mais il ne s'est pas arrêté à cela. 

La narration à la première personne, sorte de mémoires d'un héros pas comme les autres, nous fait pénétrer dans les méandres de différents milieux avec les yeux du protagoniste, nous fait interpréter les choses à sa façon, dans le langage raffiné de celui qui veut être pris au sérieux et qui est convaincu d’être ce que nous savons qu’il n’est pas. Sa perception, souvent surprenante des choses est biaisée, et à plus d’une reprise un sourire s'est franchement dessiné sur mes lèvres… Sans parler du burlesque de certaines situations (fou oblige), et de la noirceur de certains personnages qui m’a conduite à me demander si en définitive, il ne valait pas mieux avoir la folie du héros.

Je me répète, une pépite…. Suivie de 3 autres aventures que j’ai dévorées tout aussi vite…