jeudi 20 octobre 2016

Sweet, Emmy Laybourne

Madame, Monsieur,
J’ai l’honneur de vous inviter à une extraordinaire croisière de luxe à bord de l’Extravagance !
Au programme : découverte en avant-première d’un produit miracle qui vous débarrassera de vos bourrelets disgracieux. Et sans efforts !
Vous rêvez de retrouver votre taille de guêpe ? Le Solu est fait pour vous.
Le Solu n’est pas un amincissant comme les autres.
Le Solu vous fera vraiment maigrir.
Vous ne pourrez plus vous passer de lui.
Je vous le garantis.
N’attendez plus : rejoignez-nous sur les rives de Fort Lauderdale, en Floride, pour un embarquement imminent !
Au plaisir de vous aider à mincir,
Timothy Almstead, président de Solu Corporation

Nous vivons dans une société où les dictats de l'apparence sont légion. La course a la minceur est une constante, les rondeurs, les vraies, ont remplacé les sorcières dans une chasse éhontée. Le discours politiquement correct est qu'il faut s'accepter tel qu'on est, mais la représentation dans les médias continue à le contredire. 

L'idée de l'auteure est assez originale dans ce roman jeunesse : pour le lancement de son produit miracle, le Solu, la marque organise une croisière pendant laquelle, les participants, triés sur le volet, vont avoir l'insigne honneur de tester ce qui mettra définitivement les kilos KO.

Lauren et sa meilleure amie, Vivika, font partie des chanceuses. Lauren vit pourtant bien avec ses kilos, elle s'aime telle qu'elle est, mais ce n'est pas le cas de Vivika qui voit dans ce voyage l'occasion d'être enfin celle qu'elle a toujours rêvé d'être. Est également sur le bateau Tom, jeune star d'une série tv désormais révolue qui cherche à (re)lancer sa carrière.

L'auteure prend son temps pour bien planter le décor et j'ai apprécié ce début un peu lent ainsi que le regard que Lauren et Tom posent sur ce qui les entoure. L'on perçoit l'enthousiasme qui bat, puis l'effervescence lors des premiers kilos perdus. Le Solu est un produit miraculeux, ses effets sont là ! Etre qui on veut est enfin à portée de main, c'est ce que ressent Vivika en contemplant la robe en 38 qu'elle avait apportée sans oser espérer pouvoir l'enfiler.

Mais chaque médaille a son revers et il y a toujours un tribut à payer. Lauren et Tom vont le découvrir très vite, et l'alternance de leurs points de vue nous permet de plonger complètement dans l'ambiance malsaine de cette croisière.


Une fois que le décor est planté, tout s'accélère et le récit se met à flirter avec les genres, évitant l'écueil d'une romance adolescente trop guimauve. Thriller, roman d'aventure, post-apo, la frontière est mince mais l'ensemble fonctionne vraiment bien. Je l'ai lu en une soirée, ayant envie de savoir jusqu'où l'auteure allait oser aller. Le constat est simple : elle va loin, mais ce n'est pas plus mal. La morale est facile, la critique contre les normes de la société, les addictions et le pouvoir des médias évidente, mais c'est un postulat assumé. J'ai vraiment beaucoup aimé. Mon seul doute concernerait le public visé : certaines scènes sont quand même assez... euh... sanglantes, même mon petit cœur avait parfois du mal à réprimer les sursauts de dégoût.

mardi 18 octobre 2016

La vie plus un chat, Chantal Detcherry

Vous ne l'avez pas entendu arriver, vous étiez tranquillement installé dans votre existence sans chat, vous viviez plus ou moins agréablement. Et puis un jour il est là, surgi de nulle part, brusquement incarné, ayant pris forme dans cet instant. Ce n'est pas une aumône qu'il espère de vous, non, c'est bien plus. Il désire un engagement total de votre part, il vous demande si vous voulez bien partager votre vie avec lui, rien de moins. Quand un chat couleur de nuage apparaît un jour dans le jardin d'une maison de ville, il s'ensuit un coup de foudre entre la maîtresse des lieux et lui, puis une vie faite de menus événements qui constituent comme la biographie d'un chat. La narratrice s'y enchante de la beauté, de la grâce toujours renouvelées que son compagnon inattendu introduit dans le cours de sa vie". Tout en vous appartenant maintenant, il reste un peu dehors, et cela fait toujours : la vie plus un chat. Ce qui donne, je vous assure, une somme énorme".

La vie est parfois étrange, on s'arrête sur un livre à cause du titre, un livre sur lequel on ne se serait jamais arrêtée normalement parce que, même si on a six félins à la maison, ce n'est pas pour autant qu'on est férue de ce type de littérature, et ce livre sur lequel on s'est arrêtée un peu comme ça, au hasard, nous prend aux tripes jusqu'à la dernière ligne.

Le chat est un animal complexe, qui vous sonde l'âme d'un seul regard. Ce n'est pas vous qui le choisissez, c'est lui qui vous choisit. Il est le maître de votre royaume, celui qui vous apprend la vie. Derrière des abords taciturnes voire méprisants, il est un ami loyal, qui vous oblige à vous remettre en question, ne subit en rien vos humeurs mais est là quand vous vous effondrez.

Mon titre à moi serait « Ma vie plus six chats », mais ce serait la seule différence. Les mots de Chantal Detcherry aurait pu être les miens, jusqu'à ceux qui dépeignent cette fichue maladie.

Petit-Gris a indéniablement marqué la famille de Chantal, d'un regard il les a conquis, et d'un regard il est devenu un des leurs. Ode au Chat, ode à Petit-Gris, ce récit parlera à tous les amoureux des félins qui feront leurs les mots de l'auteure. La plume est est travaillée, pleines de sonorités poétiques, elle est porteuse d'amour. J'ai beaucoup aimé la lire, j'ai adoré plonger dans cette relation pleine avec Petit-Gris. Un peu, beaucoup d'amour ne fait jamais de mal.

Mais malheureusement, la compagne de l'amour s'appelle souvent  tristesse. Les dernières pages m'ont arraché quelques larmes et je les ai refermées à la hâte. L'issue est connue, elle est inévitable, mais j'ai envie de pratiquer la politique de l'autruche pendant quelques temps encore, parce que je veux croire que mes six amours vont être à mes côtés pendant de longues années pendant lesquelles je protesterai parce qu'ils m'empêchent de travailler, parce que leurs caresses peuvent m'exploser le nez, ou parce qu'ils veulent toujours manger avant moi.

Oui, la vie est étrange. J'aurais eu tort de ne pas m'arrêter sur ce titre, parce que j'ai six Petits-Gris à la maison, et j'en avais même un septième, un Negrito (Petit- Noir était écrit sur son carnet de santé, les propriétaires de chats sont-ils tous si peu originaux?) dont l'ombre continue de m'accompagner alors qu'il n'est plus là. C'est là toute la magie féline...