mercredi 25 janvier 2017

Les Romanov, Simon Sebag Montefiore

Voici l’histoire intime de la dynastie des Romanov, avec ces tsars et tsarines, touchés par le génie ou la folie, tous attirés par l’autocratie et l’ambition impériale. Cette captivante chronique révèle leur monde secret, leur toute puissance, et raconte comment ils ont construit leur empire de manière impitoyable, au gré des conspirations, des rivalités familiales, et d’extravagances sexuelles.
On retrouve, sous la plume vivante et inimitable de Simon Sebag Montefiore, tous les personnages tonitruants pour qui gouverner la Russie fut à la fois une mission sacrée et un cadeau empoisonné : Pierre le Grand qui tortura son fils à mort, exigeant des membres de sa cour une ivresse permanente tout en faisant de la Russie un grand Empire ; la Grande Catherine qui renversa son mari, conquit l’Ukraine et fascina l’Europe ; Paul Ier, étranglé par les courtisans soutenus par son propre fils ; Alexandre II qui survécut à plusieurs tentatives d’assassinat, et écrivit sans doute les lettres d’amour les plus licencieuses jamais écrites par un souverain.
Dans ce livre où petite et grande histoire s’entrelacent, Simon Sebag Montefiore fait revivre avec une intensité remarquable et un foisonnement d’anecdotes et de détails, les grands moments qui ont ponctué la légende des Romanov. Et dans ce portrait de l’empire c’est aussi la Russie d’aujourd’hui qui se dessine en creux.

Depuis toujours, l'Histoire me fascine, elle éveille ma curiosité et quémande des réponses qui sont parfois difficiles à satisfaire. J'aurais pu d'ailleurs faire des études d'Histoire... Si je lis peu de livres en rapport avec une période passée précise, ce n'est pas par manque d'intérêt donc, c'est surtout parce que rares sont les ouvrages de vulgarisation qui sont à la hauteur. Pour me captiver, ils doivent être approfondis, fouillés, sortes d'archéologues à la recherche du détail qui éclairera tel pan resté jusque-là obscur. Si la minutie n'est pas au rendez-vous, je risque de me sentir flouée, j'ai besoin que le contenu soit à la hauteur de ce qui a été annoncé, sans cela, j'aurais l'insupportable sentiment du temps perdu...

Ce « Romanov » a même dépassé toutes mes espérances, j'y ai retrouvé des accents de la littérature russe que j'aime tant, comme si l'auteur s'en était inspiré pour écrire un roman qui retracerait l'histoire de cette illustre famille.

L'on côtoie tous mes membres de la dynastie, du premier de la lignée, Michel I, davantage passionné par l'horlogerie que par la direction de son pays, en passant par Pierre le Grand qui portera haut l'étendard des Romanov même s'il le teindra de cruauté, sans oublier la scandaleuse Catherine II, digne représentante des Lumières, pour s'arrêter brutalement en 1917, lors de la Révolution.

Simon Sebag Montefiore nous rappelle dans cet ouvrage magistralement documenté que l'Histoire n'est pas faite que de grands noms ou de dates. L'Histoire se construit avec les pierres de sa petite sœur, l'histoire, faite d'anecdotes et de secrets plus ou moins croustillants, plus ou moins honteux, mais tellement humains.


J'ai adoré cette plongée ambitieuse dans un univers que finalement je connaissais bien peu et qui aura su capter mon intérêt comme un très bon roman. Une découverte passionnante ! 

dimanche 22 janvier 2017

La maldición del ganador / The curse, Tome 1, Marie Rutkoski

(Parution en français chez les Editions Lumen le 16 février)

Fille du plus célèbre général d'un empire conquérant, Kestrel n'a que deux choix devant elle : s'enrôler dans l'armée ou se marier. Mais à dix-sept ans à peine, elle n'est pas prête à se fermer ainsi tous les horizons. Un jour, au marché, elle cède à une impulsion et acquiert pour une petite fortune un esclave rebelle à qui elle espère éviter la mort. Bientôt, toute la ville ne parle plus que de son coup de folie. Kestrel vient de succomber à la " malédiction du vainqueur " : celui qui remporte une enchère achète forcément pour un prix trop élevé l'objet de sa convoitise.

Elle ignore encore qu'elle est loin, bien loin, d'avoir fini de payer son geste. Joueuse hors pair, stratège confirmée, elle a la réputation de toujours savoir quand on lui ment. Elle croit donc deviner une partie du passé tourmenté de l'esclave, Arin, et comprend qu'il n'est pas qui il paraît... Mais ce qu'elle soupçonne n'est qu'une infime partie de la vérité, une vérité qui pourrait bien lui coûter la vie, à elle et à tout son entourage.

Gagner sera-t-il pour elle la pire des malédictions ? Jeux de pouvoir, coups de bluff et pièges insidieux : dans un monde nouveau, né de l'imagination d'une auteure unanimement saluée pour son talent, deux jeunes gens que tout oppose se livrent à une partie de poker menteur qui pourrait bien décider de la destinée de tout un peuple.

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Résumé des Chroniques de la Liste-noire-des-livres-interdits:
Une sombre menace plane sur nos livres-chéris, sur ces ouvrages qui nous transportent jusqu'à pas d'heure dans la nuit et nous font rêver encore et encore dans la journée : les Dieux-de-tous-les-trucs-de-la-mer-et-de-la-terre les ont déclarés « dangereux pour l'humanité », et nous somment, nous, les humbles lecteurs, de les leur livrer. Voici l'histoire de notre rébellion! 
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Pour se remettre dans le contexte de cet épisode, Episodes 313233                              
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– Mon Latin-Lover-endiablé ? Qu'est-ce qui se passe ?

La voix angoissée de la femme de Monsieur-mon-Médecin résonne à travers le téléphone portable qui git sur le bureau en bois massif du cabinet de son époux.

Moi aussi j'aimerais bien comprendre ce qui se passe. J'étais assise devant le bureau de Monsieur-mon-Médecin, à parler tranquillement de Highlanders qui sont, nous devons l'avouer, indispensables pour combler le gouffre de la sécurité sociale, – Le Banana-Split-à-la-framboise, alias la douce épouse de Monsieur-mon-Médecin, avait d'ailleurs l'air parfaitement d'accord avec moi, une femme de goût, hormis pour son époux et pour ses surnoms, avec ses joues rougeaudes et son ventre bedonnant, il n'a rien d'un Latin-Lover-endiablé, sauf s'il... (je secoue vivement la tête) Non, je ne veux pas le savoir... –, quand, les yeux du Río-Squelette placé juste derrière lui, le long de sa bibliothèque médicale, se sont mis à briller autant que les éclairages du Stade de France un soir de match. Sa bouche vomit désormais une masse noire informe qui s'étend et s'étend derrière le bureau.

– Mon Latin-Lover-à-la-cravache-indomptable ? Tout va bien ? Réponds-moi mon Bad-Boy-en-cuir ! crie-t-elle d'une voix tellement stridente que l'envie de suggérer à Monsieur-son-époux de lui répondre m'effleure. Je pourrais peut-être éviter de revenir le voir pour cause de tympans percés cette fois.

Mes yeux passent de la masse informe qui m'a l'air bien épais et pour l'instant semble hésiter sur la direction à suivre, à une autre masse beaucoup plus identifiable, à l'abri sous le bureau. Le postérieur de Monsieur-mon-Médecin. Il y a des choses qu'on ne devrait jamais voir au risque d'être traumatisé pour la vie. Celle-ci en fait partie.

– Mon Chérichou-Rebelle ?
Le postérieur de Chérichou lui répond en se trémoussant légèrement. Je reporte mon attention sur Río-Squelette afin de préserver ma santé mentale.

La masse informe gagne encore en épaisseur, le flot qui jaillit de sa bouche parait ne jamais pouvoir se tarir. La main de Monsieur-mon-Médecin fouille dans la poche arrière de son jean et en tire un mouchoir en tissu qu'il se plaque sur ce que je devine être sa bouche.

Je recule d'un pas.

Suis-je bête ! Mon premier réflexe a été de penser qu'il s'agissait d'une attaque de Tous-les-Dieux-des-trucs-de-la-terre-et-de-la-mer mais je suis particulièrement sage en ce moment. Pas de lectures tardives, pas de cœur qui bat tellement fort qu'il menace de faire exploser ma poitrine, pas de larmes versées, non, rien du tout. La raison incarnée. Je tâte quand même mon nez pour vérifier que je ne souffre pas du Syndrome de Pinocchio. Il est toujours de la même taille. Ouf. Je deviens un as du contrôle, la reine pour dissimuler mes émotions. Je ne suis peut-être pas douée au corps à corps, mes exploits au Salon du livre de Paris ou dans l'église le démontrent, mais je suis une stratège-née. Comme Krestel. J'analyse froidement les possibilité, je détecte les failles dans les attitudes, je lis les gens comme un livre ouvert.

L'air commence à retrouver le chemin de mes poumons, je ne m'étais pas rendu compte que je m'étais mise en apnée.

Ce ne sont pas Les Dieux-de-tous-les-trucs-de-la-mer-et-de-la-terre, non. C'est un simple nuage d'émanations toxiques. Rien de plus.

Minute...
Emanations toxiques ?
Mais je ne suis pas formée pour gérer des émanations toxiques moi !

Gérer une gargouille : Check. Je sais faire, je cohabite avec un spécimen pas particulièrement aimable qui a tendance à me vider tous mes pots de nutella.
Gérer le Chat-du-Cheshire et ses délires sur M. Darcy : Check. Colin Firth est indétrônable et je sais qu'au fond d'elle, elle est d'accord. Mais comme elle est fière, elle ne veut pas l'avouer. CQFD.
Gérer les élucubrations de Lupa et Bea : Check. Lupa voit des fées, des Faes ou des Oracles partout, ses lectures en sont la preuve et je fais croire à Bea qu'elle a la primeur sur Cam, le BoyFriendBook du siècle alors qu'en fait c'est moi la présidente du club.
Gérer Johanne et son cœur irrémédiablement romantique ? Facile, le mien est un peu pareil.
Gérer Roanne et ses techniques de désencombrement ? Easy, elle me fait rire parce que je serais incapable d'en faire autant.

Mais gérer un nuage toxique ?

Ça dépasse mes compétences.

Le nuage en question commence à franchir la ligne de démarcation du bureau et le séant de Monsieur-mon-Médecin se recroqueville aussitôt. Je devrais lui demander son truc, je pourrais peut-être rentrer dans un 36 comme ça.

Je me mords la lèvre inférieure pour m'obliger à me concentrer. L'heure est grave. Un nuage toxique menace le cabinet de Monsieur-mon-Médecin et il y a des victimes innocentes de l'autre côté de la porte, dans la salle d'attente.

Il ne me reste qu'une chose à faire, une seule.

Je dégaine mon téléphone et je fais défiler mes contacts. Je dois m'y reprendre à plusieurs reprises, la nervosité faisant trembler mes doigts, mais ça y est, le mot magique apparaît.

« Numérotation ».

J'espère que je vais avoir du réseau.

– Chérichou-au-fouet-insatiable ?
La voix du Réglisse-au-Banana-Split de Monsieur-mon-Médecin a encore grimpé d'une octave et je crois que mes joues viennent de prendre une couleur de tomate trop mure. Entre les petits surnoms évocateurs et le séant, c'est un peu trop pour moi. Et à force de l'entendre hurler je vais finir par avoir vraiment mal aux oreilles.

C'est sans doute un truc pour fidéliser la clientèle.

Le popotin du Chérichou-Latin-Lover-en-Cuir-Rebelle-Insatiable-au-Fouet-et-à-la-Cravache vient de disparaître et je le vois tenter de se cacher derrière le porte-manteau. Bonne idée ! Surtout que Río-Squelette a repris une apparence normale et que la masse noire vient de passer par-dessus le bureau.

J'envisage un instant de me faufiler dans l'espace laissé libre par Monsieur-mon-Médecin, mais je suis une femme qui affronte les situations. Je ne fuis pas. Jamais. Un nuage toxique, ça peut faire du dégât. J'ai le monde à défendre, du moins le cabinet !

Et c'est de la gnognotte en comparaison avec les Dieux. Dire que j'ai cru que... Je pouffe de rire. Les filles n'auront pas fini de se moquer de moi quand elles apprendront tout ça !

Je recule quand même d'un pas, on ne sait jamais.
La sonnerie retentit, une fois, deux fois. J'espère qu'elle n'est pas encore partie faire les soldes.
Trois fois.
La masse se rapproche et je fais encore un pas en arrière. J'aurais vraiment dû prendre un foulard pour me protéger le nez.
Quatre fois.
Ahhh, mais qu'est-ce qu'elle fait ?
Nouveau pas en arrière.
– Allo ? me dit une Melliane très essoufflée.
– Ah ben enfin ! Tu pourrais répondre quand on t'appelle !
Je l'entends prendre une grande inspiration au milieu de bruits qui parasitent un peu notre début de conversation.
– Je fais mon footing et je vais avoir un point de côté parce que je t'ai répondu.
Elle fait un footing ? Ça explique le bruit de fond que je n'arrivais pas à identifier. Ce sont ses foulées sur la chaussée. Mais qui fait un footing de nos jours ?
– Je fais quoi pour me protéger d'un nuage toxique ?
– Quoi ?
Les bruits de pas disparaissent. Elle vient de s'arrêter et je l'entends essayer de reprendre son souffle. Ma question n'est pourtant pas incongrue, c'est un truc utile de savoir quoi faire en cas de nuage toxique, on devrait apprendre ça à l'école.
– Comment on se protège d'un nuage toxique ? répété-je patiemment en reculant un peu plus.
Le nuage prend de l'ampleur.
– Je ne comprends pas ta question.
– La blonde des deux, c'est moi ! Et toi, tu es la scientifique, alors réponds-moi ! m'impatienté-je.
– Oh la, calme-toi, respire... Toi, tu as encore abusé du Nutella !
– Mais pas du tout !
Je ne peux pas avec Jimmy la gargouille.
– Ou alors tu t'es encore couchée tard...
Je prends une légère inspiration avant de répondre, pas trop grande pour éviter d'inhaler les vapeurs du nuage qui se rapprochent.
– Euh, en fait... euh... Mais c'est ta faute ! balbutié-je.
– Ma faute ?
– Ben oui ! Tu me conseilles cette saga et tu insistes, parce que oui, tu as insisté ! Et moi, en bonne amie que je suis, je t'écoute... Pour te faire plaisir, hein ! Pas du tout parce que ta chronique était aussi tentante qu'un gâteau au chocolat recouvert de chantilly ! On n'a pas idée de commencer une chronique par « Wow », ça devrait être interdit ça !
– Pas ma faute si cette saga est géniale !
J'entends le sourire qui étire ses lèvres et je l'imagine aisément hausser les épaules d'un air désinvolte.

Pas sa faute, pas sa faute... C'est vite dit ça...

Bon, je dois reconnaître que cette saga est géniale. Les mondes qui s'opposent, ces forces tellement humaines mais tellement inhumaines qui scindent la société en deux. Les conflits, les obligations, les choix. A vingt ans, choisir de s'engager dans l'armée ou de se marier... Et puis, il y a les personnages complexes... Derrière la froide apparence de Krestel se cache quelqu'un de profondément généreux, qui tente d'évoluer dans ce monde dans lequel elle est née comme un funambule sur une corde. Ce n'est pas une guerrière, c'est une stratège, ce n'est pas un être cruel, elle préfère libérer ses doigts sur le clavier de son piano plutôt que de les utiliser pour punir quelqu'un, même les esclaves de sa famille. Et Arin... Il rentre incontestablement dans la liste de mes personnages masculins favoris. Il a connu la liberté, il a connu l'oppression, l'esclavage et veut retrouver ce qui lui est dû : le droit de décider. Mais ses projets n'incluaient pas la rencontre avec cette jeune femme blonde qui l'émeut profondément. L'écriture de l'auteur est dynamique, mention spéciale à la traduction espagnole (oui, on ne se refait pas) particulièrement soignée, le monde créé est parfaitement plausible et d'une grande richesse.... Et l'histoire, ahhh, l'histoire... Un grand huit des émotions dans lequel la romance n'est qu'un ingrédient parmi tant d'autres.

– Je savais bien que tu n'avais pas dormi ! reprend Melliane d'un ton un brin moqueur.

Oups, j'ai parlé à voix haute. Un de ces jours il va falloir que je règle ce léger problème.

– Ça n'est pas la question. Comment je fais pour lutter contre un nuage toxique ?
– Je ne comprends vraiment rien, va faire une sieste et on se rappelle après, comme ça je peux finir mon footing.
Facile à dire !
– Et comment je fais une sieste alors qu'un gros nuage noir menace de m'engloutir ? ironisé-je.
Elle marque une pause.
– Attends, tu parles sérieusement ?
Je pousse un long soupir. Comme si j'avais l'habitude de divaguer ! Ce n'est pas du tout mon genre.
– Tu es où ?
– Chez mon médecin... Et un gros nuage noir est sorti de Río-Squelette et si ça continue, il va m'avaler. Alors je fais quoi ?

Maîtrise des émotions, maîtrise des émotions, me répété-je comme un mantra. Je suis la reine du contrôle des émotions. Moins de la vessie par contre, elle a tendance à se manifester quand je suis stressée. Et aux battements frénétiques de mon coeur contre ma cage thoracique, je peux dire sans risque de me tromper que je suis un tantinet stressée. Mais quand même moins que si c'était les Dieux. Nuage toxique, je gère. Melliane est une scientifique, ça va aller...

Le silence de Melliane s'éternise un peu, elle doit réfléchir à ce que contient le cabinet d'un médecin pour élaborer un mélange qui me permettra d'enrayer ce nouveau fléau.

– Je refuse de te demander qui est Río-Squelette. C'est une attaque des Dieux ?
Ce n'était pas la réponse que j'attendais...
– Non, je ne crois pas. Je suis très raisonnable en ce moment.
J'ai utilisé un ton très convaincant, je suis fière de moi.
– C'est pour ça que tu t'es couchée tard. Et que tu as lu ce roman en espagnol parce que tu voulais avoir les autres tomes pour les lire à la suite...
Pas si convaincant que ça.
– Pas du tout ! réponds-je en louchant sur mon nez pour vérifier qu'il ne s'allonge pas.
– Alors tu as un truc pour enrayer un nuage toxique ?
Le nuage commence à clignoter de façon étrange.
– Qui a maintenant plein de couleurs... m'empressé-je d'ajouter.
Si je lui donne des détails elle pourra identifier plus rapidement quel est le problème et me proposer enfin une solution.
– Mais tu as dit qu'il était noir !
– Et maintenant il clignote, tu sais, comme un panneau lumineux. Ça te dit quelque chose ?

Nouveau silence.
– Oui... COURS !!! C'est les Dieux !!! hurle-t-elle.

Une forme plus ou moins humaine commence à se matérialiser devant moi. Monsieur-mon-Médecin a presque réussi à passer inaperçu derrière le porte-manteau. Presque. J'ai toujours une vue un peu trop détaillée de son séant.

– Livre-vie ! gronde une voix caverneuse.

Mais pourquoi ça ne pouvait pas être un nuage toxique tout simple ?


Pour lire la chronique de Melliane sur ce tome, c'est ici ! Par contre, c'est à vos risques et périls. Je l'ai lue et euh... comment dire, je n'ai pas pu résister... Heureusement que l'Espagne a traduit les trois volumes d'ailleurs, sinon je crois que Melliane et moi aurions eu une petite explication à cause de la frustration engendrée par l'infime détail de ne pas pouvoir lire immédiatement la suite de l'histoire. Elle m'aurait dit « Mets-toi à l'anglais » avec un sourire ravi, et moi je lui aurais répondu...

Bref, je m'égare, lisez !



samedi 21 janvier 2017

Quand on est fait pour l'amour, L'île de Gansett, t.1, Marie Force.

Maddie Chester est bien décidée à quitter son île natale de Gansett, un endroit qui ne lui a apporté que de mauvais souvenirs et de vilaines rumeurs. Mais alors qu'elle se rend à vélo à l'hôtel des McCarthy, où elle travaille comme femme de ménage, elle est renversée par Mac McCarthy, le fils chéri de la famille. Revenu sur l'île pour aider son père à vendre l'affaire familiale, il n'a nulle intention de s'attarder. Parce qu'il a accidentellement blessé Maddie, il s'installe chez elle pour la soigner et l'aider à s'occuper de son jeune fils. Il comprend alors très vite que son projet de visite éclair est menacé et que, peut-être, il est tout simplement fait pour l'amour.

Maddie vit sur l'île de Gansett depuis toujours. Elle fait partie de ces gens qui rêvent d'un ailleurs sans avoir jamais pu se le permettre. Sa vie n'a été qu'une succession d'obstacles, mais elle ne se laisse pas abattre pour autant. Après tout, n'est-elle pas heureuse avec son fils de neuf mois ? Elle a réussi à presque passer inaperçue, elle se débrouille seule et les commérages des gens ne l'affectent plus. Ou du moins à peine.

Mais c'était sans compter sur sa rencontre percutante avec Mac McCarthy, l'un des héritiers de l'hôtel qui est un pilier de l'économie locale... Le fragile équilibre qu'elle avait bâti à la sueur de son front vacille. Mac la voit, la voit vraiment alors qu'elle ne désirerait rien d'autre qu'être transparente.

Pas de véritables surprises dans cette romance toute mignonnette. Une héroïne usée par la vie, un héros bien décidé à la sauver, quelques rebondissements qui n'en sont pas vraiment, une plume agréable même si elle n'évite pas les clichés.

Malgré tout, l'ensemble fonctionne et fonctionne même plutôt bien. On se laisse porter par les nuées de bons sentiments, on se dit que Mac a quand même tout de l'homme idéal, et on s'émeut devant la fragilité et les doutes de Maddie.

J'ai réellement apprécié ce moment de lecture, lovée sur le canapé alors que la gelée blanche a recouvert la campagne, un thé à portée de main pour m'aider à me réchauffer, avec mes félins bien décidés à m'accompagner dans cette parenthèse que je me suis accordée. Finalement, l'absence de surprises a parfois du bon, elle est comme une berceuse rassurante et apaisante.



jeudi 12 janvier 2017

Vous parler de ça, Laurie Halse Anderson

Melinda Sordino ne trouve plus les mots. Ou plus exactement, ils s'étranglent avant d'atteindre ses lèvres. Sa gorge se visse dans l'étau d'un secret et il ne lui reste que ces pages pour vous parler de ça. Se coupant du monde, elle se voit repoussée progressivement par' les élèves, les professeurs, ses amis, et même ses parents. Elle fait l'expérience intime de la plus grande des injustices : devenir un paria parce que ceux dont elle aurait. tant besoin pensent que le mal-être, c'est trop compliqué, contagieux, pas fun. Melinda va livrer une longue et courageuse bataille, contre la peur, le rejet, contre elle-même et le monstre qui rôde dans les couloirs du lycée.

Les lèvres de Melinda sont scellées, parler de ça est impossible. Les mots sont là, mais ils refusent de sortir, comme si « ça » était aux aguets, prêt à bondir. Et pourtant cela lui ferait tellement de bien, ce serait comme cracher ce « ça », l'extirper de sa poitrine pour le jeter au loin. Ce serait comme se libérer. Ce serait comme retrouver sa vie.

Elle voudrait tellement pouvoir parler de ça, mais « ça » est indicible, « ça » est ce que l'on tait, « ça » est la prison qui enferme chaque jour davantage, la corde qui se serre inexorablement autour du cou.

Parce qu'après ça, on ne peut pas faire comme si de rien n'était. Le croiser équivaut à pénétrer sur le chemin des enfers, et la descente est longue, tortueuse, inexorable. Seule une main tendue peut nous amener à rebrousser chemin, mais comment faire quand les mots sont absents et que le monde s'écroule autour de nous ?

Rarement un roman m'aura autant bouleversée. L'exploration de ce que l'on devient après ça sème le malaise, crie toute l'angoisse et toute la terreur de Melinda. J'aurais voulu pouvoir la rattraper, aider les mots à sortir, lui dire qu'elle pouvait parler, que ça ne devait pas gagner. J'aurais voulu la prendre dans mes bras, la cajoler pour bercer l'enfant qu'elle est, pour mettre à terre ce « ça » et le piétiner jusqu'à ce qu'il demande grâce.

J'ai lu, impuissante, ses réflexions, ai été témoin de comment elle s'enfonçait chaque jour davantage dans l’obscurité, de comment les autres ne la comprenaient pas parce que les mots étaient absents, de comment le spectre de la solitude l'enserrait dans ses griffes... A cause de ça.

Que ce roman sonne juste... Il donne la voix à ceux qui l'ont perdue, à ceux qui ont croisé « ça », et, malgré l'atrocité du monstre, il montre que, même si l'on descend très bas, l'on peut aussi remonter. Une lueur d'espoir dans une mer noire, une lueur qui donne le courage de vaincre ça.

Emouvant. Bouleversant. Déchirant.

C'est le récit d'une lutte non seulement contre ça mais aussi contre soi qui nous est relaté. C'est le récit de la survie d'une jeune fille qui avait tout pour être heureuse, au cynisme et à l'humour mordant. C'est le récit de ça, ces mots que Melinda avait perdus.


Un roman que l'on devrait tous lire, adolescents ou adultes, il n'y a pas d'âge pour se battre contre ça.

mardi 10 janvier 2017

Gaspard des profondeurs, Yann Rambaud

Gaspard a treize ans. Gaspard rêve… Il rêve que son père revienne. Car cela fait plusieurs semaines que le père de Gaspard n’est pas rentré à la maison. Alors Gaspard décide de partir, sans en parler à sa mère qui est si triste, en disant seulement à son petit frère : « J’ai décidé d’aller chercher Papa… » Mais Gaspard ne s’en va pas seul. Sur la route, il rencontre un compagnon de voyage pas comme les autres : Honoré, dit Néné, qui devient vite un ami, comme un double-pour-la-vie. Et puis il y a aussi cette autre compagne, cette petite musique au son de laquelle il s’enfonce, chaque nuit, dans un monde parallèle de rêves et de cauchemars. Là, c’est comme un double-de-lui que Gaspard côtoie, avec lequel il va approcher toutes ses peurs, jusqu’à la dernière…

C'est l'histoire d'un enfant un peu solitaire, qui ne comprend pas le monde qui l'entoure, pourquoi sa mère passe son temps à sa machine à coudre, pourquoi son père ne rentre pas et préfère sa tournée à la présence de sa famille...

C'est l'histoire d'un enfant pas motivé par l'école, qui se laisse porter sans avoir vraiment d'amis.

C'est l'histoire d'un enfant qui entend une petite musique, discrète, qui ne tinte que pour lui...

Une musique qui l'emmène dans un ailleurs plus réel que la réalité.

Une musique qui berce son cœur fragilisé.

C'est l'histoire d'un enfant qui un jour va décider de retrouver son père, parce que ce n'est pas possible, il doit revenir, il ne peut pas les ignorer. Gaspard a besoin de lui dire ce qu'il pense, de lui demander de rentrer à la maison, pour que sa mère ne soit plus triste, pour que son petit-frère ait enfin un père et pour que lui... pour que lui puisse comprendre cette absence, puisse être aimé.

C'est l'histoire d'un enfant qui va fuguer, un soir, armé de son sac-à-dos et du téléphone de sa mère, et qui va rencontrer Honoré dit Néné, un garçon rigolo et désireux d'aventures, même si en cachette, il trimballe un sachet bleu.

C'est l'histoire d'un enfant dont les pas sont rythmés par cette petite musique...

Oui, celle-là même, celle qui retentit quand on ferme les yeux.

Et qui l'emmène, loin dans cet ailleurs, dans cet autre réel.

C'est l'histoire d'un enfant qui malgré les obstacles a envie d'y croire, après tout, il a Néné avec lui, il n'est plus seul, il est courageux et affronte, avec son ami, son meilleur ami, celui pour la vie, tous les montres.

C'est l'histoire de deux enfants qui veulent vivre, mais pas pour les mêmes raisons et qui luttent ensemble contre les ombres de leur vie.

C'est l'histoire de deux enfants qui vont découvrir l'essence-même de l'amitié, la profondeur de ce qu'on est, des exploits que l'on peut accomplir quand on est guidé par une mission...

C'est l'histoire d'une musique, toute petite, discrète, qui abolit les contours et les frontières, qui fait voir le monde autrement.

C'est une histoire qui m'a émue, touchée, dont j'ai relu la fin encore et encore pour m'en imprégner, parce que chez moi aussi, parfois, rêves et réalité se confondent, et dans le noir de la nuit, les frontières deviennent floues.

C'est une histoire universelle, pour petits et grands, parce que nous avons tous des monstres dans notre placard et un monde qui n'est qu'à nous.

Une histoire à lire et relire... Un petit bijou...


Lup'appassionata : Une énorme pensée pour toi, je suis sûre que tu serais sensible à cette histoire...

jeudi 5 janvier 2017

Tout ce dont on rêvait, François Roux

1993, Justine a 25 ans et rêve d’une grande histoire d’amour. Une nuit d’ivresse, elle rencontre deux frères, Alex et Nicolas, et tombe éperdument amoureuse d’Alex. Mais vingt ans plus tard, elle est mariée à Nicolas. Ils ont deux enfants et vivent un bonheur tranquille, jusqu’au jour où Nicolas est licencié et tout se détraque.
Comment un couple peut-il résister à l’adversité du temps ? Au chômage? À l’âpreté et à la matérialité de la vie ? Sans concession et sans cliché, François Roux nous parle de nous, de notre époque, de nos contradictions.

La famille de Justine et Nicolas est une famille comme les autres. Ils pourraient être vos amis, vos voisins, vos collègues. Ce sont des Monsieur et Madame Tout-le-monde qui traversent leur époque comme ils le peuvent. Trois générations se côtoient dans le récit, effet miroir des dernières décennies. Il y a la première, celle du combat et de l'engagement, puis la deuxième, désabusée et qui porte en elle une colère sourde, et enfin la dernière, celle que l'on disait perdue mais qui finalement ne se débrouille pas si mal...

Et dans chaque génération, il y a des visages : Justine, Nicolas, Adèle... Tous avancent en essayant de comprendre l'autre, mais que c'est difficile parfois...

Justine, après une jeunesse chaotique, sans aucun doute marquée par la présence d'un père autoritaire et méprisant, trouve la stabilité auprès de Nicolas, le frère d'Alex sur lequel elle avait pourtant jeté son dévolu. Nicolas est une épaule solide sur laquelle s'appuyer, un roc dans la tempête... Jusqu'à ce que le chômage ne le frappe, lui comme tant d'autres. Commence alors une lente descente aux enfers pour le couple qui ne sait plus à quoi se raccrocher.

Au-delà des personnages forts, c'est un portrait -d'un réalisme acéré- de la société actuelle qui nous est livré, comme si François Roux avait sorti son scalpel pour la disséquer avant d'en faire un roman. Le chômage, les addictions, l'échec, le fascisme, le terrorisme, le réchauffement climatique, les peurs, les doutes... Rien n'est oublié et le récit en est d'autant plus fascinant. Le début m'avait pourtant laissée perplexe, mais j'ai, sans m'en rendre compte, rapidement été happée par cette histoire de vie que j'ai dévorée en une soirée. 

Je crois qu'on peut dire que j'ai aimé...


mercredi 4 janvier 2017

Je suis là, Clélie Avit

« Ça fait vingt semaines que je suis seule, seulement six que je m’en rends compte. Et pourtant, j’ai l’impression que ça fait une éternité. Ça passerait peut-être plus vite si je dormais plus souvent. Enfin, si mon esprit se déconnectait. Mais je n’aime pas dormir. »
À la suite d’un accident d’escalade en montagne, Elsa est plongée dans le coma. Tandis que l’espoir de son réveil s’amenuise de jour en jour, que ses proches et les médecins commencent à baisser les bras, un jeune homme, Thibault, pénètre par erreur dans sa chambre. Traumatisé par le sort de son frère, qui a renversé deux jeunes filles en voiture, Thibault décide de se confier à Elsa et noue une relation avec elle, malgré son mutisme. Est-il à ce point désespéré de lui-même ? Ou a-t-il décelé chez elle ce que plus personne ne voit ?

Il y a des livres qui sont des petits miracles... On le sort de la bibliothèque parce qu'on ne sait pas vraiment dans quel genre on a envie de plonger : pas une romance, pas un thriller, pas de roman humoristique ou trop léger, pas de... Indécision livresque. Alors on prend celui-là, parce qu'il nous le crie, « Je suis là ».

Il est là.

Et l'on commence à lire, tremblante, parce que du récit dépendra notre état pendant la lecture. Ce qui peut paraître une évidence, une lapalissade, revêt une importance aigüe à certains moments. Le sujet est grave, très grave, et trop de mélodrame m'aurait fait ajourner cette lecture.

Elsa est plongée dans le coma et les médecins sont très pessimistes, son cerveau ne montre aucune réaction, ses délais sont courts avant que le corps médical ne décide de se prononcer.

Thibaut se sent obligé d'accompagner sa mère à l'hôpital. Elle rend visite à son autre fils qui a renversé deux adolescents après une soirée trop arrosée mais lui, refuse de le voir. Comment pardonner l'impardonnable, comment pardonner cette insouciance qui a couté la vie à deux personnes innocentes ? En proie à ses doutes, il pousse la porte d'une chambre pour se soustraire aux regards des siens, et rencontre Elsa.

Enfin, « rencontre » est un bien grand mot. Elsa ne réagit pas, son corps est là, immobile, maintenu par des machines. Dans cette chambre froide, Thibaut trouvera le refuge qu'il recherchait sans le savoir, et Elsa, prisonnière de son corps, y trouvera son salut.

Rencontre miracle, miracle de l'amour... Ce qui peut sembler niais, incongru même, m'a paru beau.

Les questions posées ne sont pas anodines : Que ressent-on quand on est dans le coma ? Comment la famille vit cette situation ? Quid du corps médical aussi insensible qu'humain ? Et que reste-t-il quand la mort est programmée, quand on va débrancher ce corps qui ne semble vivre que grâce aux machines ?

L'écriture est simple mais efficace face à la gravité du sujet. Je crois qu'une plume trop alambiquée m'aurait éloignée de ce récit qui à aucun moment ne tombe dans le larmoyant.

Et miracle, j'ai aimé cette lecture qui avait tout pour m'effrayer... J'ai savouré ces mots, chaque respiration d'Elsa, chaque question de Thibaut, je les ai savourés parce que dans cette course contre la montre, l'espoir est la rambarde à laquelle se raccrocher...


Pour cette nouvelle année, je reprendrai les mots de Jacques Brel que j'ai relus récemment et qui m'ont émue :

Je vous souhaite des rêves à n’en plus finir et l’envie furieuse d’en réaliser quelques uns. Je vous souhaite d’aimer ce qu’il faut aimer et d’oublier ce qu’il faut oublier. Je vous souhaite des passions, je vous souhaite des silences. Je vous souhaite des chants d’oiseaux au réveil et des rires d’enfants. Je vous souhaite de respecter les différences des autres, parce que le mérite et la valeur de chacun sont souvent à découvrir. Je vous souhaite de résister à l’enlisement, à l’indifférence et aux vertus négatives de notre époque. Je vous souhaite enfin de ne jamais renoncer à la recherche, à l’aventure, à la vie, à l’amour, car la vie est une magnifique aventure et nul de raisonnable ne doit y renoncer sans livrer une rude bataille. Je vous souhaite surtout d’être vous, fier de l’être et heureux, car le bonheur est notre destin véritable.

Je les complèterai par ceux là:

Je vous souhaite d'aimer et d'être aimé, de lutter parce qu'au bout de chaque tunnel il y a une lumière, si petite soit-elle, et je vous souhaite enfin de vivre. Parce que la clé du bonheur est là.

Et évidemment, je nous souhaite des lectures plus passionnantes les unes que les autres, même si mon banquier va faire la tête !

Bonne année à tous et à toutes !