samedi 24 mai 2014

Les étoiles de Noss Head, Tome 5 (« Origines » 2ème partie), Sophie Jomain



 « Le danger était aux portes de la cité. J’avais déjà affronté bien des tempêtes, mais celle qui venait vers nous était la pire de toutes. Un cataclysme, un fléau... Pourquoi ne nous croyaient-ils pas ? La mort s’apprêtait à s’abattre sur eux. Bientôt, le sang serait versé sur la Terre des loups. La désolation. Le néant. La ruine. C’est tout ce qu’il resterait. Ne pas fuir. Nous imposer et les convaincre. Pour les sauver tous. Pour le sauver... lui. »

Est-que que vous pensez que je peux aller voir le médecin pour cause de dépression parce que je viens de lire le tome  5 de Noss Head, et que c’était le dernier de la saga ? Non parce que, c’est vraiment à faire une déprime là. Noss Head, c’est fini… La dernière page est tournée, et je me sens seule maintenant.

C’était bien. Oh que oui, c’était vraiment bien.

5 tomes en compagnie de Hannah, Leith, Darius, Gwen, Grigore et j’en passe… 

5 tomes avec une imagination fertile poussée par une écriture fluide et agréable. 

5 tomes pendant lesquels l’auteure a su me torturer de sa plume aiguisée, pendant lesquels j’ai dû me préserver, veiller à avoir toujours le tome suivant en stock, parce Mme Jomain est la reine des fins qui relancent tout...
Et un dernier tome magistral, encore meilleur que les précédents (comme le bon vin je vous dis). Parce qu’écrire un dernier tome, c’est loin d’être facile. Il y a le risque des attentes du lecteur et de sa déception potentielle. On s’identifie aux personnages, on rêve d’une fin, qui n’est pas toujours celle prévue par l’auteur. Et là, c’est la déception.  

Moi, je n’aurais pas voulu d’autre fin à Noss Head. Sophie Jomain a écrit ma fin parfaite. Sans fioritures, sans se jouer de moi. J’ai eu peur, mais non. Elle ne m’a pas trahie, ne m'a pas déçue. 

Merci Mme Jomain.

 

mardi 20 mai 2014

L'Ecole ma maîtresse, Raoul Dirêvie


« J’ai 36 ans. Je me suis marié voilà douze ans avec celle qui est aujourd’hui la maman de mes deux fils. A peine deux mois plus tard, je débutais comme professeur des écoles, faisant du même coup, sans le savoir, de l’Ecole ma maîtresse. » Ainsi démarre le récit d’un jeune enseignant qui retrace son parcours professionnel depuis l’enthousiasme des débuts jusqu’à la limite du burn-out. Au fil d’une analyse lucide et amère, il évoque sa relation passionnelle avec l’Ecole, commente la politique menée en matière d’éducation ces dernières années et règle ses comptes avec ce métier qu’il aime tant mais qui lui vole sa vie. Raoul Dirêvie écrit comme il exerce son métier : avec son cœur. Il livre ici un poignant témoignage dans lequel bon nombre de ses collègues se reconnaîtront et qui permettra peut-être aux autres citoyens de se réconcilier avec une profession pas toujours bien comprise.

Je n'ai pas l'habitude de lire des témoignages, non pas que je n'aime pas cela, non. Je suis d'un naturel curieux, mais je manque de temps. La fiction est un bon moyen pour moi de donner à mon cerveau l'évasion nécessaire dont il a besoin. Je lis, j'imagine, je rêve, et une fois le roman terminé, je continue l'histoire dans ma tête, poursuivant les aventures ou en me représentant mentalement pour la quinzième fois une scène qui m'a marquée, jusqu'à ce qu'une nouvelle histoire me captive, et que, amante libertine, j'abandonne mon précédent amour pour m'ébattre avec cette nouvelle promise, source de sensations nouvelles.

C'est plus difficile avec les témoignages, parce que ce sont des vraies personnes, et je ne peux pas continuer leurs histoires. Lire un témoignage, c'est m'exposer à des émotions bien réelles, fortes, souvent celles de l'auteur, accueillies par les miennes qui ont tendance à tout décupler. Alors je me protège.

Aussi, quand ce témoignage est arrivé entre mes mains, le scepticisme m'a d'abord envahie. Le sujet m'intéresse, beaucoup même... Mais Raoul Dirêvie n'allait-il pas tomber dans la facilité de faire un énième pamphlet contre l'Ecole ?

Poussée par la curiosité, je me suis plongée dans son récit, et l'ai lu en quelques heures à peine, d'une seule traite.

Le témoignage de M. Direvie est porté par la sincérité de ses émotions, passant de l'enthousiasme à la désillusion certaine de l'amoureux qui s'est trompé mais qui aime tellement fort qu'il ne sait pas faire autrement.

De son parcours à ce qu'on demande à un professeur aujourd'hui, son cri du cœur retentit, sorte d'appel au secours face au monstre qui engloutit. L'on se rend compte que l'Ecole telle qu'elle nous est vendue n'est pas ce qu'elle est en réalité. On s'en doutait... Mais à ce point ?

Certains passages, intimistes, m'ont littéralement fascinée. J'aurais aimé qu'ils soient plus nombreux, mais je comprends la retenue de M. Dirêvie. Le but n'était pas de sombrer dans un pathos à faire pleurer dans les chaumières. Il y a beaucoup de pudeur dans ses écrits, beaucoup de dignité aussi. Et d'amour... Pour ses élèves, pour sa profession... Pour sa femme pourtant délaissée pour cette amante intransigeante et cruelle qu'est l'Education Nationale.

Et à la fin, me reste une saveur amère dans la bouche. L'Ecole, ça ne devrait pas être ça... 

jeudi 15 mai 2014

Les étoiles de Noss Head, « Origines », tome 4, Sophie Jomain

« Chaque fois que je croyais que notre vie était cousue de fil blanc, Leith et moi devions faire face à une nouvelle adversité, une nouvelle attaque. J'en venais à me demander si, un jour, nous goûterions à la paix à laquelle nous aspirions. Personne ne mesure l' immensité de sa chance quand il affirme que son existence est monotone. Personne. Aux innocents les mains pleines... C'est ce qu'on dit. Mais moi, je n'étais plus innocente du tout. Alors, que me réserverait le destin, cette fois-ci ? Que me volerait-il ? J' en avais une vague idée. J'allais devoir me préparer au pire. »
Les Etoiles de Noss Head sont comme le bon vin, plus les tomes avancent, meilleure est l’histoire. La saga a pris son envol, et les relents de Twilight sont loin, très loin!
Que dire sans rien vous révéler de l’histoire ? 
J’ai regretté que Lui ne soit pas plus présent, même si c’est pour la bonne cause. Parce que, Lui, c’est quelque chose…Oh oui, vraiment quelque chose (grand soupir)
J’ai adoré son évolution à Elle, c’est un personnage véritablement fort, qui porte l’histoire. Loin d’être lisse, elle nous embarque dans son monde et n’en est que plus attachante. J’ai rarement autant apprécié une héroïne.
Et puis il y a Lui Numéro 2. Il est …wouah… et inattendu (re grand soupir). Il fait même de l’ombre à Lui Numéro 1, même s’ils ne sont pas dans le même registre (re re grand soupir).
Et que dire d’Eux, sans qui cet univers n’existerait pas. Les Eux clairs, ceux qu’on aime parce qu’ils sont, malgré leurs défauts, tout ce dont on peut rêver et les Eux obscurs, qui m’ont fait faire des cauchemars…
Et le meilleur pour la fin, il y a Elle, l’auteure, dont la magie de la plume a su créer, en toute humilité, un monde qui pourrait être réel, et qui m’a torturée du début à la fin (et quelle fin !) en jouant avec mes sentiments. Mais que la torture est douce de cette façon !
Bon, là vous pensez que ça y est, j’ai sombré dans la folie. La folie de Noss Head, oui, sans aucun doute! Et vous savez quoi? C'est même la première fois que je regrette qu'une saga soit si "courte". Il ne reste qu'un tome et c'est fini... Bouhhh...

mercredi 14 mai 2014

Le passage de la nuit, Haruki Murakami



Dans un bar, Mari est plongée dans un livre. Elle boit du thé, fume cigarette sur cigarette. Un musicien surgit, qui la reconnaît.
Au même moment, dans une chambre, Eri, la soeur de Mari, dort à poings fermés. Elle ne sait pas que quelqu'un l'observe.
Autour des deux sœurs vont défiler des personnages insolites : une prostituée blessée, une gérante d'hôtel vengeresse, un informaticien désabusé, une femme de chambre en fuite. Des événements bizarres vont survenir : une télévision qui se met brusquement en marche, un miroir qui garde les reflets. À Tokyo, le temps d'une nuit, va se nouer un drame étrange..

A chaque fois que j’ouvre un roman de Murakami, je n’arrive pas à le refermer sans en avoir vu le bout. Ce n’est pas de la frénésie de lecture, rien à voir avec ces moments-volés comme pour d’autres ouvrages, non. Il a le don de titiller ma curiosité, comme si un petit génie avait pris place sur mon épaule et me soufflait de continuer à tourner les pages. Comme si son écriture m’envoûtait. J’en suis la première surprise, parce que, comme pour la « Course au mouton sauvage », j’ai craint que le passage de la nuit ne devienne un livre oublié aux toilettes, le cimetière des livres que j’ai du mal à terminer…

Parce qu’il faut le dire, Le passage de la nuit est un livre lent, très lent…Mais un livre de belles rencontres nocturnes, et de rencontres avec ce que nous sommes. 

Murakami pose sa caméra dans cette Tokyo de nuit, où, de drôles de personnages, qui à priori n’ont rien en commun, se croisent et coexistent pendant quelques minutes -autant de séquences filmiques-, quelques heures. J’ai aimé cette Tokyo intimiste, très éloignée de l’effervescence et du mouvement perpétuel que j’avais en tête.

Mais il y a ce regard-voyeur, ce « nous » au présent de la narration qui observe ce qui se passe dans une chambre. Murakami, c’est un habile mélange de réel et d’irréel, de frontières qui s’effacent entre le rêve et la réalité, et dans le Passage de la nuit, ces frontières se font encore plus ténues, parce que la nuit tout est différent, et si pour nous elle ne dure que quelques heures, pour d’autres, elle peut ressembler à l’éternité. Alors on regarde, on observe Eri, douce incarnation de cet onirisme Murakamien.

Ces chapitres-là, qui reviennent régulièrement, m’ont dérangée. Je suis quelqu’un de pudique, de secret, aux antipodes d’un esprit espion-voyeur. Je me suis sentie de trop dans ces chapitres, dans ce « nous » auquel j’appartenais, comme kidnappée, et qui m’obligeait à regarder. Mais le talent de Murakami se trouve là. Ils m’ont dérangée, parce que j’ai ressenti l’observation, cette observation qui s’est matérialisée dans ma tête sous le pouvoir des mots. Cet irréel est devenu réel. 

La magie de Murakami. 

dimanche 11 mai 2014

Un cowboy à l'horizon, Jane Graves



Dix ans après avoir quitté Rainbow Valley, Luke, champion de rodéo, revient dans sa ville natale pour y enterrer son père, une brute sans cœur qui l'a maltraité pendant son enfance. Il n'avait pas l'intention de s'éterniser, mais une blessure au genou le retient sur place plus longtemps que prévu. Assez longtemps pour retrouver Shannon, l'amour de jeunesse qu'il n'a jamais pu oublier, et lui proposer son aide dans le refuge animalier qu'elle dirige. Les retrouvailles ne seront pas de tout repos...

J’ai toujours aimé l’idée du Rainbow Bridge, ce pont de l’Arc-en-ciel qui permettrait à nos amis animaux de passer dans un au-delà qui serait le leur, où toute souffrance serait exclue. 

Jane Graves reprend cette idée dans ce roman, avec sa Rainbow Valley, où les personnages (humains et animaux) sont brisés, ou du moins ont de grandes fêlures, mais, qui, roman d’amour oblige, finissent par trouver leur voie.

Luke est un cowboy, mais un cowboy moderne… Et là, honnêtement, je pense qu’on devrait écrire plus souvent sur les cowboys, parce que, cela vaut le coup un cowboy, surtout un comme Luke ! L’auteur a su créer un personnage à l’histoire complexe (et beau comme un dieu !), dont le passé a été marqué par son manque de chance à sa naissance. Un père bourreau, un village avide de commérages et qui ne pardonne pas. Voilà la croix que le jeune homme a dû porter, et continue de porter… 

Shannon est son opposé, d'une famille aisée, en apparence aimante… Mais tout n’est pas rose au pays des riches, et la jeune femme est loin d’être un personnage lisse et fade. Elle a le courage de ses opinions et de ses choix de vie, et je l’ai aimée très vite.

Et il y a la galerie de personnages secondaires, humains ou animaux, tous biens présents, bien imparfaits, mais ô combien attachants…

En écrivant ces quelques lignes, j’ai l’impression de tomber dans le monde des Bisounours, où tout est beau et tout fini bien. Peut-être… Mais c’est un roman d’amour avec plein de beaux sentiments, d’émotions, ces trucs qu’on veut trouver lorsqu’on ouvre un ouvrage de ce genre… Et puis, moi je trouve qu’on devrait côtoyer plus souvent le monde des Bisounours, parce qu’il fait sacrément du bien… 



vendredi 2 mai 2014

Le collier rouge, Jean-Christophe Rufin


Dans une petite ville du Berry, écrasée par la chaleur de l'été, en 1919, un héros de la guerre est retenu prisonnier au fond d'une caserne déserte. Devant la porte, son chien tout cabossé aboie jour et nuit. Non loin de là, dans la campagne, une jeune femme usée par le travail de la terre, trop instruite cependant pour être une simple paysanne, attend et espère. Le juge qui arrive pour démêler cette affaire est un aristocrate dont la guerre a fait vaciller les principes. Trois personnages et, au milieu d'eux, un chien, qui détient la clef du drame... 

Un collier rouge. Un chien pouilleux qui attend. Un maître emprisonné. Une femme. Un juge. Un délit. Une France qui tente de se relever de la Première Guerre Mondiale. Et un lien. Un lien qui détient la clé de ce roman inspiré d'une histoire vraie.

Jean-Christophe Rufin s'arrête sur un fait parmi tant d'autres, une histoire anodine dans ce contexte de guerre - la détention d'un homme - pour explorer les différentes facettes de l'humain. Il y parvient avec une sensibilité qui m'a poussée à tourner une page après l'autre, sans pouvoir m'arrêter.

L'amour et la fidélité sont mis à nu dans une délicatesse qui peut s'apparenter à la retenue émotionnelle, à la dignité finalement, de ces soldats. Cet amour revêt plusieurs formes : l'amour qu'un homme porte à une femme, à sa famille, à ses compagnons, à son pays, mais aussi, et excusez la comparaison, que vous porte votre chien.

En temps de guerre, tout est mélangé, on vit comme on peu, on survit comme on peut, et on aime ou on déteste, comme on peut.

Mais, malgré le protagonisme certain du chien au collier rouge, et ce, dès les premières pages, ne vous attendez pas à lire une banale histoire d'amour maître/chien. Ce n'est absolument pas cela. Il n'est qu'une mince partie de cette exploration du moi humain, mais une très belle exploration dans ce roman qui m'a souvent étreint le coeur.

Dans ce vibrant hommage à ces soldats qui n'étaient finalement que des hommes comme les autres, la langue se pare de la simplicité berrichonne, qui prête son décor au roman, pour nous rappeler que l'essentiel se cache derrière les apparences, et qu'il ne faut pas oublier de gratter le vernis pour accéder à la vérité. Une belle leçon, et une gorge serrée en refermant cet ouvrage...