lundi 28 mars 2016

Il était une lettre, Kathryn Hughes

Tina est malheureuse auprès d'un mari trop porté sur la boisson et souvent violent. Le week-end, pour ne pas être à ses côtés, elle se réfugie dans une boutique caritative où elle est vendeuse bénévole. C’est alors que sa vie bascule lorsqu'elle y découvre une lettre dans la poche d'un vieux costume. Cette lettre n'a jamais été ouverte, le timbre n’est pas cacheté et elle date de septembre 1939 : c'est une demande en mariage. Très émue que la destinataire n’ait jamais reçu cette demande, Tina va mener l'enquête et découvrir l'histoire bouleversante d'un amour impossible... Celui de Chrissie, jeune sage femme de 17 ans qui tombe éperdument amoureuse du jeune séducteur de son quartier, malgré les réticences de son père, un médecin très strict. La guerre finit par exploser et son grand amour est contraint de partir au front, la laissant enceinte, et seule face à ce secret honteux qui va faire exploser sa cellule familiale. Pendant que Tina poursuit ses recherches, elle découvre qu’elle aussi est enceinte, mais d’un homme qu’elle n’aime plus. Elle décide d’essayer de retrouver à tout prix Chrissie et son enfant, en espérant ainsi redonner du sens à sa vie.

Il y a des livres qui sont de drôles de rencontres, presque le fruit du hasard. Alors que je m'accordais cinq minutes dans une librairie entre des heures exténuantes de boulot, le titre de ce roman m'a interpelée. Comme je suis quelqu'un de raisonnable (si, si, je vous assure), je suis passée devant sans trop m'attarder. Pour être honnête, je me suis quand même retournée, à plusieurs reprises, et ai même été tentée de faire demi-tour pour lire le résumé, mais le temps pressait... Et puis, je suis raisonnable (comment ça je me répète?)...

Ma journée intensive reprend après cette bouffée d'oxygène et le titre n'arrête pas de tourner en boucle. « Il était une lettre », « Il était une lettre ». Il sonne bien. Il est presque doux à mon oreille, comme une caresse. En plus, je ne sais pas pourquoi, il résonne un peu comme ces lettres du « Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates » qui me renvoient à tant de jolis souvenirs avec ma mère.

Mais, je suis raisonnable. (Nan, nan, je ne me répète pas, c'est mon mantra, nuance !), je rentre donc chez moi, sans l'objet du pêché.

La vie est faite de petites choses, de ces gestes anodins, de ces habitudes que vous avez pour vous changer les idées entre deux copies de concours ou deux rapports. Un petit tour sur la plateforme Netgalley, juste pour voir, pour faire une pause, ça ne dure pas longtemps, c'est l'idéal, et oh, un battement de coeur qui saute, il y est ! Une demande et quelques jours plus tard, une réponse positive. Me voilà avec « Il était une lettre », sans trahir ma raison !

Premier constat, ce roman est bien éloigné du « Cercle ». Deuxième constat, aucune importance, il a créé en moi de telles vagues d'émotions qu'il sera, lui aussi, une référence pour mon petit cœur.

Je m'attendais à une lecture plutôt légère (ne me demandez pas pourquoi, je n'avais pas lu le résumé je vous rappelle, « Moi être raisonnable! », oui, oui) et en fin de compte, ce roman qui alterne présent et passé pour nous plonger dans le destin de ces deux femmes, porte cette société qui l'habite. Chrissie m'a bouleversée, Tina m'a arrachée des larmes. Chacune plie sous le poids de sa condition de femme, même si des années les séparent, chacune aurait pu être l'héroïne de son propre roman si leur chemin ne s'était pas croisé.

L'auteur s'attaque à des thématiques lourdes : le fardeau du regard des autres dans une société où il fallait maintenir les apparences, le droit à l'amour, à épouser qui on voulait, ces vies que l'on brise même si on aime l'autre, la réalité d'une époque, cette religion qui juge et nettoie, la violence, morale, physique, l'emprise, et j'en passe. Tous sont traités sans ambages, tous s'imbriquent parfaitement parce que l'auteur ose les développer, ose nous interpeler, ose nous choquer.

L'écriture de Kathryn Hugues est très réaliste, je garde encore en mémoire certaines scènes qui vibrent en moi. Ma gorge se noue en y repensant, ma poitrine se comprime... Chrissie, Billy, Tina et les autres ont un visage, je vois ce regard méprisant du père, ces lèvres de la mère qui se froncent, cette main qui s'abat. Le mot est juste, fort, sans fioritures mais n'a pas la sécheresse à laquelle peuvent recourir certains romans contemporains pour faire passer leur message. Il traduit parfaitement les deux époques, comme s'il ne faisait qu'un avec elles.

Point de faux sentimentalisme dans ce roman, point d'exagération, point de dramatisme décuplé. Juste le verbe qui dit, la lettre qui donne un but et unit, et ces femmes qui veulent vivre.

J'ai adoré... littéralement adoré...

Pour la chronique du Chat du Cheshire, c'est ici !

samedi 19 mars 2016

Tout ce qu'on ne s'est jamais dit, Celeste Ng

Lydia Lee, seize ans, est morte. Mais sa famille l'ignore encore… Élève modèle, ses parents ont placé en elle tous leurs espoirs. Sa mère, Marylin, femme au foyer, rêve que sa fille fasse les études de médecine qu'elle n'a pas pu accomplir. Son père, James, professeur d'université d'origine chinoise, a tant souffert de sa différence qu'il a hâte de la retrouver parfaitement intégrée sur le campus. Mais le corps de Lydia gît au fond d'un lac. Accident, meurtre ou suicide ? Lorsque l'adolescente est retrouvée, la famille Lee, en apparence si soudée, va devoir affronter ses secrets les mieux gardés.
Des secrets si longtemps enfouis qu'au fil du temps ils ont imperceptiblement éloigné ses membres, creusant des failles qui ne pourront sans doute jamais être comblées.

On sait tous qu'un homme, pour être heureux, a besoin d'une bonne tarte (la vraie, celle aux pommes par exemple, parce que, en fonction de l'état d'esprit avec lequel une lit cette phrase, l'interprétation peut être ambigüe), et que sa douce épouse l'attende docilement à la maison après sa longue et dure journée de travail. 

[Aparté : Mon Dieu! Doux Chéri doit être extrêmement malheureux. Je lui demande, pour vérifier. « Mon amour, (il faut bien amadouer l'animal), tu es heureux avec moi même si je ne sais pas faire les tartes (à ma décharge on n'a pas de four), et que je ne cuisine que les pâtes dont je peux rater la cuisson ? ».
Réponse de Doux Chéri : « Oui mon amour, tu es la femme parfaite. ».
Quoi ? J'ai entendu votre raclement de gorge, si Doux Chéri le dit, c'est que c'est vrai ! Fin de l'aparté ].

C'est du moins ce que prône un célèbre manuel de cuisine destiné aux femmes au foyer des années 50 (hum, hum, heureusement que je ne suis pas née dans les années 50). Il correspond à la conduite que devrait tenir Marylin, femme au foyer, toute sa vie. Même si elle rêve d'autre chose. Elle rêve d'être médecin.

Son mari, James, a été un vrai coup de foudre. Une rencontre sur les bancs de l'université, quand elle était décidée à s'éloigner des pas de sa mère. L'amour de sa vie, intelligent, charismatique et d'origine chinoise. Un mariage mixte. Sa mère s'en offusque. Mais Marylin s'en moque, elle ne voit que James.

Sauf qu'il n'en va pas de même pour lui. Il aime sa femme, mais porte sa différence au plus profond de lui, comme une blessure sourde, lancinante. Il est américain, mais les autres ne le perçoivent pas comme ça. « Vous n'avez pas d'accent ? » constatent-il. Inutile de le leur expliquer qu'il est du même pays qu'eux, ils ne comprendraient pas, songe-t-il.

Les années passent et ils s'aiment, chacun ignorant les failles de l'autre, chacun cachant ses failles à l'autre. Trois enfants sont le fruit de leur amour. Ils sont heureux, du moins en apparence.

Jusqu'à ce jour tragique où Lydia, la prunelle de leurs yeux, disparaît.

Je m'attendais à lire un thriller, mais finalement, ce récit s'en éloigne et ce n'est pas plus mal. C'est un récit introspectif qui cherche les causes du drame qui frappe cette famille. Et s'il ne fallait pas chercher des raisons extérieures, un autre qui serait responsable, s'il fallait se plonger dans l'intimité des membres de la famille, dans tout ce que les uns et les autres cherchent à dissimuler ?

Mêlant habilement présent et passé, le récit, nous immerge entièrement dans la psyché des personnages, leurs secrets, leurs silences, leurs frustrations. Aucun d'entre eux n'est épargné, pas même Lydia. C'est une famille brisée, et pas seulement à cause du drame. Petit à petit, les pièces du puzzle s'imbriquent, l'histoire se reconstitue. C'est une histoire ordinaire, c'est l'histoire du silence.

Je dois reconnaître que j'ai adoré cette lecture. Les premières pages m'ont laissée dubitative, je ne savais pas à quoi m'attendre. Quand j'ai compris que je n'étais pas face à un thriller traditionnel, je me suis laissée porter par cette plume vive, criante de naturel, je me suis laissée gagner par le mal-être, les questionnements, mais aussi les bonheurs des uns et des autres. J'ai aimé Marylin et ses fêlures, James et sa difficulté à trouver sa place, leurs enfants, pièces complémentaires sur lesquelles sont projetées leurs propres aspirations. Et j'ai embarqué vers ce « pourquoi ? », vers ces réponses que l'on cherche, les pages défilant sans que je sois capable d'arrêter ma lecture.


Encore une fois, une très jolie découverte de la part des Editions Sonatine...

mercredi 16 mars 2016

Nos faces cachées, Amy Harmon

Ambrose Young est beau comme un dieu. Le genre de physique que l'on retrouve en couverture des romances. Et Fern Taylor en connaît un rayon, elle en lit depuis ses treize ans. Mais peut-être parce qu'il est si beau, Ambrose demeure inaccessible pour une fille comme elle. Jusqu'à ce qu'il cesse de l'être... Nos faces cachées est l'histoire de cinq amis qui partent à la guerre. L'histoire d'amour d'une jeune fille pour un garçon brisé, d'un guerrier pour une fille ordinaire. L'histoire d'une amitié profonde, d'un héroïsme du quotidien bouleversant. Un conte moderne qui vous rappellera qu'il existe un peu de Belle et un peu de Bête en chacun de nous...

S'il y a bien un livre qui avait déclenché un véritable raz-de-marée à sa sortie, c'est celui-ci. J'étais assez perplexe à l'époque, je me méfie des raz-de-marée. Alors j'ai préféré attendre et le garder dans un coin de ma mémoire. Il n'y a pas longtemps, il a croisé ma route. Si je me souvenais de l'engouement qu'il avait suscité, les qualificatifs utilisés pour le décrire étaient flous. Ma lecture n'allait donc pas être orientée, conditionnée. J'étais un peu comme une page vierge, l'idéal pour le découvrir. 

Le roman refermé, je me dis que j'ai bien fait d'attendre, et que malheureusement pour moi, il n'y aurait sans doute jamais eu de moment idéal.

La base de ce roman est pourtant intéressante et courageuse. Les thèmes abordées sont multiples : le passage de l'adolescence à l'âge adulte, les premiers émois, l'amitié, la tolérance, voir au-delà des apparences, l'acceptation de soi, la maladie, la violence, le drame et j'en passe. Beaucoup de sujets, peut-être trop d'ailleurs, car ils sont ébauchés sans jamais être développés vraiment. Le succès aux États-Unis vient, je pense, du fait que ce roman aborde les attentats des tours jumelles avec pour conséquence ce patriotisme qui s'est mué en engagement dans l'armée de beaucoup de jeunes. Ce point est d'ailleurs assez bien traité.

Les personnages sont relativement bien choisis, même s'ils n'échappent pas aux stéréotypes. Ça ne me dérange pas, j'aime bien les stéréotypes. Mention spéciale pour Bailey, bien sûr, qui porte bon nombre de passages.

Mais, je suis restée hermétique à cette lecture. Pas une larmichette, pas de gorge qui se serre, pas de gloussement, pas de grand huit des émotions. Pas d'attachement aux personnages. Et clairement, c'est ce que j'attendais de ces pages.

L'écriture est trop plate, va trop vite. L'auteure assène de jolies vérités sans les insérer dans des situations suffisamment étoffées pour qu'elles prennent vraiment de l'ampleur. Tout est esquissé, mais aurait vraiment gagné à être développé. J'ai le sentiment que dans ce roman, on est tombé un peu dans les travers du young adult. Des sentiments, des sujets graves, mais en peu de pages. Et comment traiter du mal-être humain, du regard de l'autre, de la maladie, de la mort, de l'emprisonnement personnel auquel nous conduisent certaines situations en ne faisait que survoler ces thèmes ?

La construction des personnages passe par le biais de flash back. Ce choix, pertinent au début, a perdu de son intérêt et de son sens ensuite. L'auteure a voulu donner une dimension à Fern, Ambrose, Bailey etc... par ce moyen, mais je m'y suis égarée. Je reconnais même en avoir sauté certains. 

Malgré cette critique plutôt négative, je comprends l'engouement suscité. C'est un roman qui se lit vite, des mots simples, de la lecture « facile », qui brasse beaucoup de choses, mais je crois que j'aurais aimé justement que ce ne soit pas une « lecture facile ».


Pour lire la chronique du Chat du Cheshire, c'est ici. Et pour celle de L'ancre littéraire d'une blondinette, c'est  !

jeudi 10 mars 2016

Saisis ta chance, Bartholomew Neil, Matthew Quick

J'aimerais que nous soyons des amis secrets, Richard Gere. » Pendant trente-huit ans, Bartholomew Neil a vécu avec sa mère; jusqu'au jour où elle tombe malade et meurt. Comment vivre sans elle ? Bartholomew pense avoir trouvé la voie quand il découvre une lettre de Richard Gere sur le Tibet libre dans le tiroir à sous-vêtements de sa mère. Les derniers temps, celle-ci l'appelait Richard; il y a forcément un lien cosmique. Croyant que l'acteur est destiné à l'aider, Bartholomew commence sa nouvelle vie en écrivant à Richard Gere. Jung et le Dalaï Lama, la philosophie et la foi, les contacts avec les aliens et la télépathie avec les chats, l'Eglise catholique et les mystères féminins; il explore tout dans sa relation épistolaire à sens unique. Mais ce que révèlent surtout ses lettres, c'est la quête touchante de Bartholomew pour se construire sa propre famille. Aidé par des amis inattendus, il s'embarque bientôt dans une Ford Focus de location, à la recherche d'un mystérieux Parlement des Chats et de son père biologique...


Cher M. Richard Gere,

S'il y a bien une personne à qui je ne n'aurais jamais pensé écrire, c'est bien vous. J'ai vu certains de vos films, évidemment, j'ai adoré Pretty Woman en son temps... Je connais aussi votre engagement envers les moines du Tibet, j'ai bien dû lire un ou deux articles sur le sujet, mais je dois dire que ça s'arrête là. Ah si, je sais que vous avez maintenant les cheveux blancs. Pas de quoi faire tout un fromage alors...

Quand j'ai vu que Bartholomew commençait à vous écrire, vous, son confident involontaire, je me suis quand même demandée ce qui n'allait pas chez lui. D'accord, sa mère est décédée d'un cancer du cerveau et pendant ses dernières semaines de vie, elle l'appelait Richard, en référence à vous, Richard Gere, son acteur préféré... D'accord aussi, Bartholomew est un brin étrange, vieux garçon de quarante ans encore chez sa mère et amoureux d'une Filleliothécaire. 

Mais quand même... Inutile de vous préciser, sans vouloir vous offenser, que j'étais franchement perplexe à la lecture de ces premières lettres.

Et puis, plus j'avançais dans cette correspondance atypique que vous ne recevrez jamais, plus ce Bartholomew me devenait sympathique, non pas parce qu'il avait un ami imaginaire célèbre (désolée de vous le dire, mais ce n'est pas cela qui a fait trembler mon petit cœur... Et certains de vos conseils sont en plus franchement contestables, il aurait pu choisir mieux comme conscience) mais parce que sa vision du monde est particulière attachante et que finalement ces lettres ne sont qu'un moyen de réfléchir à sa vie et de guider ses pas, un moyen de trouver la force d'agir enfin.

Alors, je les ai lues avec une attention redoublée, j'ai écouté votre voix résonner dans sa tête et le convaincre de dépasser ses propres limites, j'ai savouré cette galerie bigarrée de personnages (le père McNamée est tout bonnement succulent et nous offre des passages hilarants) qui croisent sa route, j'ai moi aussi voulu voir ce Parlement des Chats et je me suis même surprise à verser une larme arrivée à la dernière page.

Je me suis dit que j'aurais aimé rencontrer Bartholomew, même si, et j'en suis navrée, je crois que je n'aurais pas eu l'intelligence de chercher à découvrir qui il est vraiment. Les apparences, toujours ces fichues apparences. J'aurais pourtant eu tort. Bartholomew est finalement bien plus intelligent que la plupart d'entre nous. Il voit les choses telles qu'elles sont vraiment, dans leur essence, il voit les gens dans leur cœur, et cet homme, trop souvent qualifié de simple d'esprit, est capable de changer la vie de ceux qui l'entourent. Et ça, il vous le doit un peu quand même, vous lui avez donné la force d'aligner un pas devant l'autre.

Maintenant, je suis bien embêtée, je ne sais pas comment conclure cette lettre. Un « merci » serait un peu exagéré, vous n'avez rien fait finalement, ce n'est pas vous. Mais je vous dois malgré tout un très bon moment de lecture, avec des sourires et des petites larmes, et il faut bien le dire, c'est beaucoup.

Bien à vous

Le livre-vie

jeudi 3 mars 2016

City on fire, Garth Risk Hallberg

31 décembre 1976. New York se prépare pour le réveillon. Chez les Hamilton-Sweeney, Felicia accueille financiers et mondains tandis qu'à l'autre bout de la ville, dans le Lower East Side, Charlie attend Samantha pour assister à un concert punk. À quelques encablures de là, dans Hell's Kitchen, Mercer Goodman tourne et retourne un délicat carton d'invitation. Et s'il se rendait à la réception des Hamilton-Sweeney pour retrouver Regan, cette sœur que William, son amant, lui a toujours cachée ? Pourquoi ne pas saisir l'occasion d'en apprendre plus sur lui, l'ancien leader du groupe punk Ex Post Facto ? Bientôt, des coups de feu retentissent dans Central Park. Une ombre s'écroule dans la neige.

Qu'est-ce qui peut bien relier ces personnages à ce drame ? Alors que rien ne les prédestinait à se rencontrer, leurs histoires ne vont cesser de se croiser et de s'entremêler jusqu'au blackout du 13 juillet 1977. Une immense coupure de courant plonge alors New York dans le noir. Leurs vies en seront bouleversées à jamais...

Il est des livres dont il est difficile de parler, ce sont des livres qui se ressentent, que l'on respire, pour lesquels on tremblent. Ce sont des livres qui vivent, qui palpitent pendant la lecture...

City on fire fait partie de ceux-ci.

J'ai attendu plus qu'à mon habitude avant d'écrire cette chronique, j'avais besoin de reprendre mon souffle de mettre une distance avec le récit, de le digérer, de l'analyser pour enfin entrevoir si je l'avais aimé ou non.

La réponse est Oui, un Oui majuscule, un Oui empli de la certitude que je n'oublierai pas ce récit.

Une vaste palette de personnages défilent et se croisent dans ce roman, semblables à la foule qui arpente les rues de New York. On se croise sans se voir. On les croise sans les voir.

Nous sommes en 1976, et c'est une New York bigarrée qui se dessine sous nos yeux. Quartiers défavorisés, quartiers huppés, tout le monde s'anime sous les mots d'une plume maitrisée et juste.

Un vent de révolte libertaire gronde, la décadence menace l'Amérique bien pensante en dansant sur du rock-punk. New-York se dresse, palpite. New York est dans l'excès, elle veut vivre. Parce que c'est elle, Oh, New York, New York qui est le protagoniste de ces 1000 pages. Les personnages n'en sont que des composantes, des souffles de sa respiration... Et cette New York des années 70, si fidèlement rendue dans ce roman singulier, n'est pas si différente de celle de maintenant. Les luttes de pouvoir sont encore là, les crimes aussi, on lutte toujours pour le droit à la différence, on essaye toujours de s'évader comme on peut pour faire taire la sauvagerie que l'on porte en nous. Le portrait qui en est fait en est même effrayant. Effrayant de réalisme. Effrayant de justesse. Effrayant de noirceur aussi.

Alors oui, j'ai aimé ce roman aux mille facettes. Ces milles pages qui m'ont fait peur dans un premier temps ont été absorbées complètement, même si peut-être un peu plus lentement que d'habitude je dois le reconnaître. New York m'a prise dans ses filets, m'empêchant de me plonger dans toute lecture parallèle pour reprendre mon souffle. Ce premier roman est pour moi une réelle performance.

Ce qui ne gâche rien, l'édition est magnifique, l'insertion de photos a véritablement piqué ma curiosité, et je dois le confesser, si j'ai lu ce roman sur ma liseuse, j'ai ensuite acheté la version papier pour l'avoir dans ma bibliothèque. Je le voulais, il devait y être. Sans plus attendre.


Pour lire la chronique du Chat du Cheshire, c'est ici !