dimanche 30 août 2015

Anne F., Hafid Aggoune

Après un attentat commis par l'un de ses élèves, qui réveille les plus sombres heures de la vieille Europe, un professeur est au bord de l'effondrement. Rongé par la culpabilité, décidé à en finir, il redécouvre un soir le Journal d'Anne Frank ; bouleversé par son actualité et sa vivacité, il se met à écrire à sa " petite sœur juive " disparue à quinze ans à Bergen-Belsen. Entre ses lignes, la jeune fille vive et courageuse renaît, avec son désir d'écrire, sa volonté de devenir une femme indépendante et forte, et sa vision d'un monde meilleur. A travers cette invocation qui renouvelle notre regard sur ce symbole universel d'espoir qu'incarne Anne Frank, ce roman poignant interroge notre présent, invite à la réflexion et ravive le courage de résister.

L'histoire d'Anne Franck est universelle, atemporelle, symbole de l'injustice, du génocide, de la tragédie. On oublie souvent qu' avant d'être tout cela, Anne Franck n'était qu'une adolescente comme les autres, avec ses doutes, ses états d'âme, ses peurs, ses joies...

Loin d'être un simple hommage, le récit d'Hafid Aggoune redonne vie à la jeune fille qu'elle était.

De même que la vie d'Anne Franck a basculé, celle du narrateur vacille. Un de ses élèves a commis l'irréparable et ses épaules ploient sur la responsabilité de cet acte. Que se serait-il passé si lui, modeste enseignant de collège, n'avait pas agi ainsi ? Des victimes auraient-elles été épargnées ? Le responsable se serait-il livré à cet acte atroce ?

La fenêtre l'attire comme un aimant pour clore définitivement sa vie. Mais le doute demeure, ce fil ténu qui nous relie encore à un quelque chose qui n'est autre que l'essence de ce que nous sommes. Alors il écrit. A Anne. Parce que c'est avec ses écrits que tout a commencé. Parce qu'il n'y a qu'elle qui peut le comprendre, témoin muet de sa descente aux enfers. Témoin muet de sa lente agonie.

Sa plume gratte le papier, s'anime alors que le souffle revient dans les poumons de la fillette. Ses joues rosissent, ses yeux se remplissent de larmes, elle est, pendant une nuit, vivante sous les mots du narrateur. Anne Franck n'est pas que l'histoire de la Guerre. C'est l'histoire d'une vie, trop tôt achevée.

Les émotions ballotent cet échange silencieux. La détresse du narrateur, le réconfort qu'il trouve dans les mots également.

Ce récit possède une force incroyable, celle d'un homme qui puise au plus profond de lui-même pour la vérité, un homme qui cherche des réponses dans sa propre histoire, celle de la respiration et du sourire d'une fillette enfermée par l'injustice. Dans ma gorge, les mots se sont noués devant cette communion entre l'Histoire, ce passé et ce présent qui dialoguent et se confondent pour dresser un hymne à la différence, un hymne à la tolérance. Parce oui, tout est possible. Le message d'espoir est le reflet de celui qui battait dans le cœur d'Anne. Les choses peuvent changer, il faut y croire. Et ne pas détourner le regard pour répondre à de vains intérêts.

Un texte d'une rare richesse, un petit bijou.

PS : je me suis même replongée dans le journal d'Anne Franck. Je l'avais, comme bon nombre de personnes, étudié au collège et je pensais le connaître. Las, combien je me trompais ! Les années ont passé et mon regard n'est plus le même sur ce récit. Il n'en est que plus beau. Merci Hafid Aggoune pour ce retour aux sources...


Merci aux Editions Plon pour cette très belle lecture !

vendredi 28 août 2015

Si je reste, Gayle Forman

Mia a 17 ans. Un petit ami, rock star en herbe. Des parents excentriques. Des copains précieux. Un petit frère craquant. Beaucoup de talent et la vie devant elle. Quand, un jour, tout s'arrête. Tous ses rêves, ses projets, ses amours. Là, dans un fossé, au bord de la route. Un banal accident de voiture... Comme détaché, son esprit contemple son propre corps, brisé. Mia voit tout, entend tout. Transportée à l'hôpital, elle assiste à la ronde de ses proches, aux diagnostics des médecins. Entre rires et larmes, elle revoit sa vie d'avant, imagine sa vie d'après. Sortir du coma, d'accord, mais à quoi bon ? Partir, revenir ? Si je reste...

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Résumé des Chroniques de la Liste-noire-des-livres-interdits.
Une sombre menace plane sur nos livres-chéris, sur ces ouvrages qui nous transportent jusqu'à pas d'heure dans la nuit et nous font rêver encore et encore dans la journée : les Dieux-de-tous-les-trucs-de-la-mer-et-de-la-terre les ont déclarés « dangereux pour l'humanité », et nous somment, nous, les humbles lecteurs, de les leur livrer. Voici l'histoire de notre rébellion! 
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Je donne un coup de pied dans un caillou qui a eu la très mauvaise idée de se trouver sur mon passage et crache une flopée de mots en bougonnant. 

Le Chat du Cheshire se retourne et lève le pouce. Ses lèvres dessinent un "super" ou un "top" qu'accompagne un sourire éclatant. Je ne cherche même pas à savoir ce qu'elle veut me dire. Le projet de ce soir me semble aller à l'encontre de ce pouce dressé. Epouvantable, naze, complètement fou... Voilà comment je le qualifierais.

Je repère un autre caillou qui git sur le trottoir. Je dois me décaler de presque un mètre pour lui apprendre à voler et manque de chance, j'écrase en même temps le pied de Melliane. Elle hurle et Johanne lui plaque une main sur la bouche pour la faire taire. On ne doit pas se faire remarquer. Je crois qu'on va pouvoir dire que ce soir est en lice pour la "Soirée des Idées Pourries". Melliane a insisté pour qu'on enfile nos tenues de combat. Nous voilà, six espionnes sexy dans les rues voisines du siège des livres-addicts-Anonymes. Enfin, sexy selon Melliane, parce que moi et mes kilos en trop, on se sent un peu engoncés dans notre combinaison de Cat Woman. Mais comme a dit Johanne, il faut ce qu'il faut. Mouais... Mes copines elles ont été contaminées par le virus des idées débiles. 

Roanne par exemple, et sa sagesse légendaire. Elle aurait pu réfréner l'enthousiasme du Chat quand elle a envisagé une filature de la Cerbère-Rousse qui anime les soirées des Livres-addicts-Anonymes. Eh bien non! Que Nenni! Elle n'a rien objecté et a juste acquiescé. Idem quand il a été question d'envoyer Bea de L'Ancre littéraire d'une blondinette en première ligne. Un appât parce que c'est la nouvelle. "Et oui, il faut profiter de toutes les occasions!" a fait remarquer Johanne. Ah, elle va être contente Bea! Elle a résisté, s'est libérée de ses chaînes et du joug des Dieux pour venir gonfler nos rangs, et bam, on la transforme en ver de terre au bout d'un hameçon. Idée pourrie je vous dis...

Un autre caillou, un mètre devant moi. Mon radar s'est allumé, j'arme mon pied. Boum. Oups, le caillou décolle et passe à deux centimètres de la tête du Chat. Ma reconversion en Championne de foot est compromise. Ce n'est pas un pouce que lève le Chat en se retournant. Son regard est lourd de sens. Je lui adresse un petit sourire navré.

Mais un drôle de bruit l'empêche de laisser libre cours à ses pensées. Nous nous arrêtons pour tendre l'oreille.

– C'est quoi ? demande Johanne.
– On dirait un chat qu'on égorge, constate Melliane.
– Hey ! s'exclame le Chat.
– J'ai dit un chat, pas LE Chat ! s'explique Melliane en soupirant.

Roanne m'observe avec sa sagacité habituelle.
– Le livre-vie, ça va ?

Je plisse les yeux et je me concentre, je connais ce son. Un son écorché s'échappe d'une fenêtre ouverte quelques étages plus haut, dans l'immeuble qui borde la route. Cette cacophonie s'élève, virevolte et le bruit strident se transforme en une volute de notes qui s'imbriquent les unes avec les autres. La plainte gonfle et s'enroule autour de nous, et soudain, j'ai l'impression qu'elle me foudroie. La voix des anges, la voix des hommes... Un violoncelle... Mia et Adam... La voix des anges qui se pare de nuances humaines.

Je ne suis pas musicienne dans l'âme mais j'ai toujours admiré l'agilité du violon, la grâce de la harpe ou l'énergie de la guitare. Mais un violoncelle ? Je ne crois pas avoir déjà prêté attention à cet instrument si massif. Jusqu'à ce que je lise Gayle Forman.

– Livre-vie ?
Bea a posé sa main sur mon bras et je croise le regard de Melliane. Elles s'inquiètent.
– Ça y est, elle nous refait le coup... Elle est encore partie...
Melliane s'avance d'un pas.
– Un violoncelle, c'est un violoncelle, chuchoté-je pour ne pas perturber la mélodie.
– Et ?
– Ecoutez...

Leurs yeux se plissent avant de se fermer à leur tour. Je me laisse bercer, mes dernières barrières s'effondrent. La plainte s'étire, elle se glisse hors de cette fenêtre ouverte pour nous murmurer son secret à l'oreille.

C'est un lien profond qui unit Mia et son violoncelle. Une attirance presque physique pour cet instrument tellement éloigné des sons rocks qui faisaient l'identité de ses parents. Une reconnaissance. Un prolongement de soi. Un don. Celui des anges. Et c'est ce qui va séduire Adam, le rocker du lycée qui fait trembler les cœurs mais dont l'âme ne vibre que pour Mia. Commence une histoire classique, la star du lycée et la fille bizarre. Une histoire comme tant d'autres... Jusqu'à ce que le sort ne les frappe lorsque ce camion percute la voiture de la famille de Mia.

La plainte du violoncelle se teinte de reflets graves. Des larmes bordent mes yeux. Je ne comprends pas le sens des notes. Ce langage m'est inconnu, mais la musique me porte. 

Gayle Forman construit son récit entre présent et passé. Les flash-back jalonnent la narration pour bâtir, pierre après pierre, l'édifice de la relation d'Adam et Mia, mais aussi de Mia et sa famille. Légèreté et rires alternent avec les pleurs et la tragédie. Les mots sont poignants, les phrases sont percutantes. Pourquoi vivre quand on a tout perdu ? Se laisser aller, mourir, c'est un droit aussi. Pas de lâcheté dans tout cela, juste un choix. Le choix de la douleur mais aussi de l'espoir, ou celui de fermer les yeux et de se laisser emmener. Cette mélodie tellement juste de la Vie.

Le souffle me manque, des images du roman se bousculent dans ma tête. La musique danse avec elles autour de nous.

– On dirait une voix humaine, souffle Roanne.
– On dirait une femme qui pleure, ajoute Johanne.
– Waouh, c'est intense... murmure le Chat.

Aussi intense que ce récit qui ne tombe pas dans la facilité d'une simple amourette. C'est le récit de la construction de soi, de l'identité, de la perte... C'est un récit tragique aux nuances d'espoir, un récit fort, aux personnages intenses. Non, ce n'est pas une histoire d'amour au sens réducteur du terme. L'histoire de l'Amour, tout court. 

Ma respiration est saccadée, mes poumons ont oublié comment respirer. Je vacille. Les images tournoient depuis plusieurs jours dans ma tête, ce roman s'y est lové et a pris possession de mes émotions. Un roman pourtant court, où certaines choses ne sont qu'ébauchées. J'ai l'impression qu'il s'anime ce soir avec ce violoncelle. Un autre de ces romans qui envoûtent...

– Attendez... On dirait...
La voix de Bea est hésitante. Nous tendons davantage l'oreille.
– Mais oui, on dirait...

Des mots... on dirait des mots...

La rectitude épouse les courbes
dans la geôle des phrases.
Les miroirs noient la sortie
sous les arches de chaînes,
le temps se confond
mais le sable s'égraine.

Et la musique s'éteint. Ne reste que le silence des larmes qui coulent sur mes joues.



lundi 24 août 2015

Mr. Darcy's noble connections (los ilustres vínculos del señor Darcy), Abigail Reynolds

(Traduction personnelle)
Il n'y a qu'une seule chose sur laquelle le libertin Lord Charles Carlisle et son cousin, Fitzwilliam Darcy, peuvent tomber d'accord : une fête organisée par la Marquise de Bentham est, par définition, horriblement ennuyeuse. Pour éviter de sombrer dans l'ennui, Lord Charles Carlisle parie qu'il peut séduire la belle amie de sa sœur pendant son séjour à Bentham Park. Après tout, il s'agit là d'argent facile pour un séducteur expérimenté. Qu'est ce que cela changerait si son cousin n'approuvait pas ce comportement ?
Mais Darcy découvre que sa nouvelle victime n'est autre qu'Elizabeth Bennet, la femme qui a refusé sa demande en mariage. Il ne peut rester les bras croisés quand la réputation de la femme qu'il aime peut être cruellement ruinée.

Ahhh, Mr. Darcy... Qu'il est difficile quand on est une amatrice de darcyneries de tomber sur un roman qui vaille la peine. Beaucoup de choses ont été écrites, peu ont été traduites, mais finalement, devant certains ratés, ce n'est peut-être pas plus mal. Abigail Reynolds a publié de nombreux What If sur O & P, avec plus ou moins de réussite d'ailleurs. Son Elizabeth Darcy m'a laissée tellement perplexe que je ne suis pas sûre de le chroniquer. 

Mais on ne se refait pas, fan de Mr Darcy je suis, fan de Mr. Darcy je resterai, j'ai donc passé l'été à traquer toute darcinerie disponible en français ou en espagnol. Oui, oui, je suis un brin obsessionnelle...

Premier constat sur ce roman, la traduction espagnole est mauvaise. Inutile de vous rappeler que je ne lis pas en anglais, my english is so bad... il me faut trois heures pour comprendre deux lignes (et je dois même parfois demander à Melliane de me traduire des trucs, j'imagine d'ailleurs sa tête si je lui demandais une darcynerie en ENTIER !), donc vous imaginez, un Mr Darcy dans ces circonstances : Impossible ! (avec l'accent anglais s'il vous plaît). Mr Darcy fait partie de ces petites douceurs que l'on savoure avec délectation. Comme d'habitude, je m'égare, very, very... mucho, mucho. Donc traduction pleine de fautes et mise en page approximative. Ça commençait bien. Et puis le résumé, mouais... pas convaincue. Je voulais du Mr Darcy moi, pas du Lord Machin-bidule-chouette. Pas grave, quand on aime, on ne compte pas, et l'espoir demeure.

Je me lance donc à l'assaut de cette histoire, tremblante d'émotions (je dis des choses superbes je trouve de si bon matin!) et surtout de craintes de lire un truc plein d'inepties. Parce Darcy + truc plein d’inepties = Moi très en colère. Et Moi très en colère = Moi qui relis encore et encore O & P pour la énième fois et qui peste contre Jane Austen de ne pas avoir écrit plus de pages. Et je ne veux pas pester contre Jane Austen.

Eh bien non ! Même pas une petite brise de colère. Rien du tout, nada! Mon cœur de midinette a enchaîné salto après alto (c'est un grand sportif, je songe même à préparer les JO de "Gymnastique Rythmique spécialité Coeur" après une telle lecture), j'ai exécuté des pas de danse victorieux à l'étage pendant que je lisais des passages savoureux (mais à l'abri du regard de Doux Chéri, j'ai ma dignité quand même!) et je me suis enfermée à maintes reprises aux toilettes pour profiter de ma lecture en toute quiétude. Ahhhh...

Contrairement à La conquête de Mr Darcy, Abigail Reynolds respecte davantage des codes de l'époque en ce qui concerne l'évolution en société et les rapports hommes/femmes (donc non, Mr Darcy n'est pas grivois!). L'importance du lignage est mise en avant. Les relations familiales, le sang priment bien évidemment sur la fortune. On a beau être fortuné, si le titre est absent, la  reconnaissance le sera aussi, pour laisser la place à la condescendance et au mépris.

Or, Mr Darcy a un très bon ami, Geoffrey aux finances aisées, mais au sang discutable. Et ce très bon ami est fou amoureux d'une jeune femme de la haute noblesse (vous suivez ? Parce que le résumé ne fait pas du tout mention de ce point essentiel et beaucoup plus intéressant que le Lord-Bidule!). La noblesse de Mr Darcy va donc être la clé pour entrer à Bentham Park... (qu'il est généreux notre Mr Darcy quand même... Si on en doutait, hop, une preuve supplémentaire). Et qui est l'amie de cette jeune femme ? 

Attention, roulements de tambours... Le suspense est insoutenable...

Et oui, c'est notre Elizabeth. Voilà, voilà... Le cœur de Mr Darcy rate un battement en la voyant, le mien en rate une série complète et j'en viens même à me demander si je ne vais pas faire une crise cardiaque. Et je danse dans le couloir en me trémoussant, parce que franchement, cette histoire est vraiment, vraiment une bonne darcynerie !

Abigail Reynolds imagine une enfance un peu différente pour Elizabeth mais complètement cohérente. Les relations sociales sont très bien définies, les freins à l'amour également. Beaucoup de choses se produisent, la vie est loin d'être une mer sans vagues (je suis très inspirée, je vous l'ai dit...), et moi, j'ai gloussé comme une folle et je me suis beaucoup dandinée (j'en ai même attrapé une crampe!).

Bon, un dilemme essentiel subsiste malgré tout. Colin ou Mathiew ? N'oublions pas que Mr Darcy a la classe qui sied à son ramage... euh lignage...

Admirez un peu :


(Long soupir....) On a même envie de passer nos doigts dans ses jolies bouclettes ! Quelle élégance, quel port de tête....


Soyons réalistes, Mathiew a la classe d'un cocker mouillé...

(Même la coupe de Mr Bingley est plus élégante!)

D'ailleurs, je n'ai même pas besoin de chercher à attirer les foules à coups de cookies comme certaines (non, non, mon regard n'a pas du tout désigné Le Chat du Cheshire et L'ancre littéraire d'une blondinette, mais alors pas du tout). "Votez pour Mathiew, on a des cookies!" ai-je lu.  Sans parler des attaques gratuites telle que la constipation supposée de Colin. Pfff, de viles attaques qui ne sont que des coups d'épée dans l'eau. Colin a une classe, une élégance naturelles... Alors pas besoin de m'abaisser à soudoyer les gens avec des cookies! Faire confiance à leur bon goût est suffisant!


mardi 18 août 2015

Los Angeles River, Michael Connelly

Alors qu’il enquête sur le décès de l’ex-profileur du FBI Terry McCaleb, l’ancien inspecteur des Vols et Homicides Harry Bosch en vient vite à penser que Terry n’est pas mort de sa belle mort, mais a bel et bien été assassiné par un meurtrier particulièrement retors. Les faits et les détails concordants sont très troublants, mais… aussi extravagant que cela lui paraisse, Bosch est amené à penser que l’auteur du meurtre est l’ancien grand patron du FBI, Robert Backus, dit « Le Poète ». Sauf que… le Poète est mort. À force de chercher, Bosch découvre une piste qui le remet en contact avec le FBI. 
Dans le même temps, l’agent du FBI Rachel Walling, ancienne protégée de Backus tout comme l’était McCaleb, et qui a été exilée dans le Dakota du Sud suite au rôle qu’elle a joué dans l’enquête sur le Poète, reçoit l’appel qu’elle redoutait depuis toujours : oui, le Poète est toujours vivant. Et il ne l’a pas oubliée. C’est donc contre leurs hiérarchies respectives que Walling et Bosch joignent leurs forces et, de Las Vegas au désert du Nevada en passant par les bas-fonds de Los Angeles, ils traquent alors un Poète qui n’a rien perdu ni de sa superbe, ni de son amour de la mort donnée avec la plus grande jouissance.

Cela faisait très longtemps que je ne m'étais pas plongée dans un polar. Très, très longtemps. Michael Connely fait partie des grands noms du genre, quoi de mieux pour renouer avec ?

Premier constat : j'aime les polars. J'avais oublié que je les aimais, mais je les aime.

Deuxième constat : je n'aime pas Robert Backus, mais pas du tout. Enfin si, je l'aime parce que c'est un sacré personnage de méchant, mais je n'aimerais pas le croiser dans une rue tard le soir. Ni même dans un aéroport. Je n'aimerais pas le croiser tout court en fait.

Différents personnages de ses romans précédents se croisent dans ce récit. L'on y retrouve Harry Bosch, Rachel Welling, le grand méchant loup nommé précédemment et Terry et ses problèmes cardiaques, même si Robert Backus s'est assuré qu'ils ne soient plus un problème.

L'enquête évolue doucement, avec en parallèle Harry et Rachel que tout va ramener vers la route Zzyzx (malgré un nom... farfelu, cette route existe, si, si, je vous assure. Par contre, je me demande comment on fait pour prononcer son nom. Je me suis exercée à voix haute, mais le résultat ne fut guère convaincant). Harry est l'enquêteur idéal, presque trop idéal dans ce roman, et Rachel n'est pas suffisamment présente à mon goût. Les dernières pages défilent un peu trop vite, mais cela reste malgré tout un roman très, très efficace. On réfléchit, on agence les pièces du puzzle, on tremble, on s'émeut aussi... (et on a envie de vomir devant Robert Backus, mais ça, vous n'aviez peut-être pas besoin de le savoir...)

Conclusion : Je vais faire des cauchemars à cause du grand méchant loup, mais quel personnage!


Merci beaucoup aux Editions Calmann-Levy pour ce retour dans le monde du polar !
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lundi 17 août 2015

Le manuscrit perdu de Jane Austen, Syrie James

Samantha McDonough mène la vie sans surprise d’une bibliothécaire sans histoire. Un jour, elle fait une surprenante découverte. Un livre, déniché dans une petite librairie, qui va changer sa vie. Car entre ses pages se cache une lettre vieille de deux cents ans. Une lettre signée par l’une des plus grandes romancières anglaises: Jane Austen. Voilà Samantha lancée sur la piste d’un manuscrit perdu, dans une course contre le temps, qui va la guider tout droit entre les murs d’un manoir magnifique, et entre les bras de son séduisant propriétaire…

Je suis une amoureuse des livres. J'aime le livre-objet, celui qui trône fièrement sur une table de nuit ou dans une bibliothèque. Je suis très sensible au grain des pages, au brillant d'une couverture, à l'épaisseur du papier. Certains de mes livres ont une histoire. J'aime les livres d'occasion, ceux qui ont vécu avant. Ma bibliothèque compte quelques ouvrages qui ont fréquenté plusieurs étagères avant les miennes. Une très vieille édition des Fleurs du Mal, quelques premières éditions de romans que l'on a du mal à trouver désormais... Point de valeur marchande, mais une grande valeur sentimentale. Ces ouvrages ont une âme.

Alors imaginez la découverte d'un manuscrit d'une auteure comme Jane Austen! On ne se refait pas, Jane Austen fait partie de ma liste-d'auteurs-favoris. Trouver un manuscrit égaré, au papier jauni et raide, marqué par le temps ? Waouh...

L'idée de l'ouvrage de Syrie James est excellente et réserve d'ailleurs quelques bonnes surprises. L'insertion dans le récit du roman en question en est une.

La vie de Samantha l'a éloignée de sa vocation première. Des études sur Jane Austen avortées par les affres de la vie, un confort trouvé, et voilà que ses aspirations premières ont été reléguées au second plan. Mais la vie est facétieuse. Au détour d'une libraire lors d'un voyage en Angleterre, surgit une vieille lettre et commence une quête vers ce manuscrit perdu.

L'histoire est agréable, les personnages attachants. J'ai pris beaucoup de plaisir à me plonger dans cette histoire inventée de Jane Austen. Ce roman dans le roman est imaginé comme étant une histoire de jeunesse, les prémices de ses œuvres futures. C'est d'ailleurs assez étrange, j'ai pris davantage de plaisir à lire ce roman  que la trame de Samantha et Anthony. Elle est agréable elle aussi, bien que cousue de fil blanc, mais là n'est pas le problème, je m'accommode très bien de ce que certains considèreraient comme un défaut. J'ai juste un goût de trop superficiel dans la bouche. Les descriptions et émotions ne sont pas assez développées. C'est d'ailleurs assez paradoxal étant donné que le supposé roman de Jane Austen est assez abouti. Autant l'histoire de Rebecca m'a clairement absorbée, autant celle de Samantha et Anthony m'a laissé un arrière-goût de « pas assez ».

Malgré cette critique, la fan de Jane Austen que je suis a passé un très bon moment de lecture. C'est un roman très original dans le panorama austenien, et qui vaut qu'on s'y attarde. 

mercredi 12 août 2015

Six jours, Ryan Gattis

(Editions Fayard, parution le 26.08.2015)

29 avril-4 mai 1992.
Pendant six jours, l’acquittement des policiers coupables d’avoir passé à tabac Rodney King met Los Angeles à feu et à sang.
Pendant six jours, dix-sept personnes sont prises dans le chaos.
Pendant six jours, Los Angeles a montré au monde ce qui se passe quand les lois n’ont plus cours.
Le premier jour des émeutes, en plein territoire revendiqué par un gang, le massacre d’un innocent, Ernesto Vera, déclenche une succession d’événements qui vont traverser la ville.
Dans les rues de Lynwood, un quartier éloigné du foyer central des émeutes, qui attirent toutes les forces de police et les caméras de télévision, les tensions s’exacerbent. Les membres de gangs chicanos profitent de la désertion des représentants de l’ordre pour piller, vandaliser et régler leurs comptes.
Au cœur de ce théâtre de guerre urbaine se croisent sapeurs pompiers, infirmières, ambulanciers et graffeurs, autant de personnages dont la vie est bouleversée par ces journées de confusion et de chaos.

Ryan Gattis plonge sa caméra dans les émeutes qui mirent Los Angeles à feu et à sang en 1992. Souvent méconnues du grand public, oubliées de l'histoire, elles ont dévasté la ville des Anges. Victimes, bourreaux, tous se confondent et échangent les rôles. L'oeil est agile et suit différents personnages qui vont nous immerger dans la violence de la guerre des clans. Gang latinos, black, communauté asiatique, infirmières, pompiers, le panel de narrateurs est varié et se complète parfaitement.

La langue est crue, parfaitement adaptée aux personnages. La violence des mots et des situations font parfois oublier le jeune âge des narrateurs qui grandissent bien trop vite dans ces quartiers contrôlés par la loi des gangs. On devient adulte à douze ans... Mi vida loca, cette folle vie, cette vie dingue qui résume parfaitement ce qui les guide. Le gang qui les éloigne de la famille, cette nouvelle famille, la clique, qui est la leur et pallie aux manques du sang.

C'est un sujet qui m'intéresse particulièrement, notamment en ce qui concerne l'Amérique Latine. Le film La vida loca de Christian Poveda m'avait bouleversée, et cette immersion dans les diverses communautés de Los Angeles m'a fascinée. Le récit de Ryan Gattis revêt des effets cinématographiques pour retranscrire cette descente aux enfers. Les descriptions ont la force du visuel et l'horreur de ces émeutes jaillit, tout comme l'amour.

En donnant la parole à différents narrateurs, il réussit le tour de force de dépeindre différents points de vue qui se complètent et s'imbriquent parfaitement. L'histoire se reconstitue, sans failles.

Âmes sensibles s'abstenir, le portrait est rude, mais comme pour La vida loca, je me suis prise d'affection pour ces gansta, victimes et bourreaux d'une société qui ne leur a pas laissé le choix. 

Une lecture coup de poing, une lecture coup de cœur.

Merci aux Editions Fayard pour cette lecture!


lundi 10 août 2015

Jamaica Lane, Samantha Young

Manque d'assurance, complexes obsédants... Olivia Holloway ne peut envisager une seconde de flirter avec qui que ce soit. Pourtant, cet étudiant de troisième cycle, qu'elle croise souvent à la bibliothèque de l'université d'Edimbourg - où elle travaille -, la trouble profondément. Mais comment enjôler un homme quand on n'a aucune expérience ? Nate Sawyer, son meilleur ami, a la réponse à la question. Véritable tombeur, il attire dans son lit n'importe quelle fille en un clignement d'oeil. Aussi Olivia accepte-t-elle, lorsqu'il se propose de lui enseigner l'art de la séduction. Mais en consentant à ce petit jeu, ne risque-t-elle pas de se perdre irrévocablement ?

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Résumé des Chroniques de la Liste-noire-des-livres-interdits.
Une sombre menace plane sur nos livres-chéris, sur ces ouvrages qui nous transportent jusqu'à pas d'heure dans la nuit et nous font rêver encore et encore dans la journée : les Dieux-de-tous-les-trucs-de-la-mer-et-de-la-terre les ont déclarés « dangereux pour l'humanité », et nous somment, nous, les humbles lecteurs, de les leur livrer. Voici l'histoire de notre rébellion! 
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22h 15

J'éteins ma web cam et les différents ordinateurs qui trônent devant moi. Mon bureau ressemble à une succursale du FBI. Les ordinateurs récents en moins. Les beaux officiers en moins aussi. Et le Nutella en plus.

Nous venons d'avoir une session de travail avec les filles. Difficile d'élaborer une stratégie. Nos prophéties sont... opaques. De vraies prophéties qui n'ont pas de sens, du moins pas encore. Alors nous sommes revenues aux bases. Une nouvelle fois.

Le Chat du Cheshire est chargée du recrutement. Elle a de bonnes idées, mais je reste sceptique quant à leur réalisation. Apprendre le Krav Maga à un tapir me semble un tantinet compliqué. Niveau souplesse j'entends. Mais elle a l'air convaincu. Melliane a fait les soldes et nous a dégotté de super tenues de combat, genre espionnes sexy toutes de noir vêtues. Elle voulait que nous portions des talons pour parfaire l'ensemble, mais déjà que je vais devoir arrêter le Nutella pour rentrer dans la combinaison... Les talons, c'est ni de coña pour moi. No way. Niet. Johanne avait l'air soucieux. Quelque chose la tracasse. Les prophéties l'obsèdent, surtout depuis qu'elle a multiplié sa consommation de livres par deux. Le danger rôde, nous sommes des cibles idéales.

23h
J'ai pris ma douche, essoré mes cheveux, nourri Nini et Sumi qui doit maintenir son poids de forme à 9 kilos pour pouvoir plaquer nos ennemis au sol et les étouffer. Je peux enfin me glisser entre les draps. Le repos du guerrier. Un petit Samantha Young ne me fera pas de mal.

23H30
Bon, schéma classique d'une romance avec l'histoire de deux meilleurs amis qui ne sont pas attirés l'un par l'autre mais qui sont très attirés l'un par l'autre. Olivia est mignonnette avec sa timidité maladive et ses problèmes de communication. Et Nate, même s'il n'est pas très grand est prometteur. Les filles se moquent de moi parce qu'elles disent qu'il suffit qu'un héros ait un beau torse pour qu'il soit prometteur à mes yeux. Mais on ne se rend pas assez compte de l'importance du torse chez un héros. Je devrais songer à lancer un manifeste sur le héros parfait. Le torse serait un des critères essentiels. Je m'égare, je m'égare...

00h
Encore une dizaine de pages et j'arrête. On a passé le stade classique du « Apprends-moi, je ne sais pas faire », voyons ce que l'auteur nous réserve.

2h
Oh my god ! Oh Dios mío ! Argggg. Ce n'est pas possible. Tout était trop classique pour rester comme ça. Je ne vais pas m'en plaindre, mais mon petit cœur ! Mais ils nous font quoi là ? Et Nate : Il joue à quoi ? Mon cœur ! Mon pauvre petit cœur ! Si je fais une crise cardiaque, c'en est fini de la lutte ! Tout ça à cause de lui!

Pause Pipi, il faut que je recouvre un peu mes esprits. Olivia et Ben, le beau chercheur qui faisait vibrer son cœur. Beurk... non, non, non. Je m'y oppose. Pas possible !
Ahh, mais Samantha Young est diabolique. Elle va retrouver Roanne sur la liste-des-auteurs-à-protéger, parce que jouer comme ça avec mes émotions, ce n'est pas possible. Du tout !

2h15
J'ai emmené le livre aux toilettes et j'y suis restée un peu plus que nécessaire. La faute à l'histoire. Nini m'a gardé ma place au chaud. Je lis encore quelques pages, juste pour voir ce que ça va donner. Encore trois ou quatre et dodo. Je vais être raisonnable.

3h15

Bon, ben je n'ai pas été raisonnable. Mais je ne suis pas responsable ! Quelle histoire ! J'ai même envie d'appeler Melliane pour le lui dire ! Mais elle doit dormir, il lui arrive d'être raisonnable. Parfois. Je pousse un long soupir en serrant ce livre sur mon cœur. Personne ne me regarde hormis Sumi et Nini, alors je peux me permettre des gestes idiots.

C'est quand même une sacrée histoire. J'ai eu peur au début d'un manque d'originalité qui m'aurait déçue. Mais c'est bien mal connaître Samantha Young. Toujours servie par une plume efficace et qui évite les écueils de la vulgarité, elle nous plonge dans la mer d'émotions d'Olivia. Son incapacité à communiquer avec le garçon qui lui plait, l'aide qu'elle demande à son meilleur ami qui surmonte le ridicule de la situation, les sentiments qu'elle éprouve. Et son besoin d'être l'amour de la vie de quelqu'un. Le vrai amour. Pas celui qui panse les blessures causées par une autre. Elle est touchante de sincérité. Ma gorge s'est serrée, j'en aurais versé ma larme. Je l'ai d'ailleurs versée.

Comme à son habitude, Samantha Young élabore des personnages dont la profondeur va bien au-delà de ce que l'on trouve habituellement dans les récits du genre.

Nate est loin d'être parfait. Il a de vraies fêlures, des doutes, puis une certitude. Il est tout aussi attachant que Liv, même si clairement, je lui aurais bien mis une série de claques pour lui apprendre à réfléchir un peu plus. Et cerise sur le gâteau, en toile de fond, mais bel et bien présents, évoluent Joss et Braden, Jo et Cam, Ellie et Adam. Et moi, je suis fan et je viens même d’exécuter une chorégraphie des plus élaborées, debout sur mon matelas qui tangue, à la gloire de l'auteure. J'en ai même atterri sur la moquette le menton le premier. Ce n'est pas ce qui était prévu, j'aurais dû faire un salto avant, mais... euh... Joker... Un tapir doit être plus souple que moi...

Quelle heure est-il ? Allez, j'ai le temps de relire encore quelques passages !

PS : Vous savez, il y a des moments dans la vie où on se trouve formidable. Ils sont rares, mais ils existent. Et là, je me trouve formidable, tout simplement parce que j'ai eu la géniale idée de m'acheter en espagnol (l'anglais et moi ça fait deux... voire même cinq ou six) les deux nouvelles tirées des romans de Samantha Young, et qu'elles sont arrivées cette semaine. Il y a des moments où je m'aime vraiment très fort !

vendredi 7 août 2015

Là où tombe la pluie, Catherine Chanter

(Editions les Escales, parution le 20.08.2015)

Accusée de meurtre, Ruth Ardingly est assignée à résidence. Enfermée, rejetée de tous, elle entreprend de reconstruire le puzzle de la tragédie qui a détruit son mariage et sa famille. 

Quelques années auparavant, Ruth et son mari Mark quittent Londres pour fuir leurs souvenirs et reconstruire leur vie. Ils emménagent à La Source, la maison de leur rêve. Tandis que le monde fait face à une sécheresse hors du commun, leur propriété est mystérieusement épargnée. Le couple s'attire la jalousie de ses voisins agriculteurs, la curiosité du gouvernement mais aussi le fanatisme d'une secte, La Rose de Jéricho, dirigée par une femme étrange, Amelia. 
Ses membres s'insinuent dans la vie de Ruth et Mark, de leur fille, Angie, et de leur petit-fils, Lucien. L'emprise d'Amelia sur Ruth grandit de jour en jour, au grand désarroi de son mari. Les relations s'enveniment entre les habitants de La Source, la tension monte et atteint son point culminant avec un crime odieux. Le meurtrier se cache parmi ses plus proches confidents, Ruth en est sûre. 
Seule dans cette enclave, elle se décide à affronter ses plus grandes peurs pour comprendre ce qu'il s'est vraiment passé cette nuit-là à La Source.

Waouh... Voilà comment je pourrais résumer cette lecture, par un "Waouh" sonore et retentissant. Je suis bluffée. Littéralement bluffée. La dernière page est tournée et tout prend un sens. Les pièces de ce puzzle hallucinant sont emboitées.

Quelle lecture ! 

Dès les premières pages, j'ai senti que le récit possédait ce petit plus qui frôle l'obsession. Parmi les personnages, aucun n'est le héros parfait, ni le criminel parfait d'ailleurs. Rien n'est noir ou blanc. Il y a plusieurs variantes de gris. L'écriture est entêtante et mélange avec une habileté diabolique présent et passé pour reconstituer les évènements dans cette quête de la vérité.

Ruth est la narratrice, celle sans qui le récit ne serait rien. À travers sa voix, nous est contée son histoire, mais aussi celle de Mark, d'Angie, de Lucien, des sœurs, et surtout... de La Source.

Le bonheur après la tourmente, Ruth et Mark y ont cru en quittant Londres pour s'installer dans ce paradis qui leur permettait de revenir à l'essentiel. Mais le ciel a un humour parfois douteux, et la principale richesse de l'univers -l'eau- vient à manquer. Sauf à La Source. Eux qui fuyaient la foule et le regard des autres après tout ce qui s'était produit deviennent le centre d'attention. Tout le monde s'intéresse à eux, tout le monde les envie, les gens, les médias... même une secte, La Rose de Jéricho avec Amélia à sa tête.

L'auteure nous entraîne dans la spirale infernale de ce couple qui essaye tant bien que mal de s'accrocher à son rêve, jusqu'à ce que tout bascule.

Raison et folie se mélangent, comment démêler le vrai du faux ? 

Le lecture suit cette exploration de l'âme humaine: le bonheur, l'illusion, les inquiétudes, l'influence, la manipulation, l'enfermement, le doute, les certitudes, les jugements... L'injustice. Tout est passé au crible, rien n'est oublié dans cette variation de rythmes: tantôt lent, tantôt rapide, toujours juste.

Catherine Chanter défie les genres, dystopie et science fiction dansent avec thriller et roman psychologique pour comprendre comment on a pu en arriver là.

Cela faisait terriblement longtemps que je ne m'étais pas autant immergée dans un récit. Je me suis surprise à être attendrie par certaines scènes entre Mark et Ruth, alors que le doute est là. J'ai cru, comme Ruth, aux différents coupables possibles, et me suis brisée devant le poids de certaines scènes. Et la dernière page tournée, ce « waouh » qui reste encore collé à mes lèvres. Un roman vraiment hors du commun. Une de mes lectures les plus marquantes de 2015.


Merci infiniment aux Editions Les Escales pour cette pépite !

mercredi 5 août 2015

Retiens ma nuit, Denis Tillinac

(Editions Plon, parution le 27.08.2015)

Médecin de campagne, François promène sa langueur à l'ombre du château de Chaumont. Hélène dilue son désenchantement dans la galerie d'art qu'elle tient à Blois, au bord de la Loire. Ils ont tous deux passé la soixantaine, sont mariés, ont des enfants au bout du monde ou au bord du divorce, et des parents en EPAD ou au cimetière. Quand, à l'âge de tous les crépuscules, un amour printanier les surprend dans le huis clos de la bourgeoisie blésoise, ils s'y vouent corps et âme, dans une clandestinité qui les protège et les emprisonne.

François est un médecin de campagne en fin de carrière avec tout ce que cela implique: les visites à domicile, les jérémiades des patients à supporter, la fin de ceux qu'il appréciait. Marié à Claire, ils forment un couple phare de la communauté.

Hélène est malheureuse dans son mariage et rompt sa solitude et son ennui en travaillant dans une galerie d'art de Blois.

La soixantaine est là. L'heure du bilan pour certains, l'heure de l'amour pour eux.

Les deux parties de ce récit, le journal de François et la lettre d'Hélène, nous permettent de suivre le cheminement de chacun d'entre eux ainsi que leur passion.

Le rythme est lent, teinté d'une certaine nostalgie. L'on suit les années d'études, Paris, l'enfance, la famille dans une tentative de construction de ce que sont les personnages. Leurs considérations, leurs réflexions pointent. Comment affronter cet amour fou, cette jalousie ? Comment penser au futur lorsqu'on devrait se concentrer sur le passé ?

J'aurais pu rester en dehors de ce récit si je n'y avais pas trouvé des repères. Tous ces lieux évoqués me sont familiers, j'ai habité à quelques kilomètres d'eux. J'ai eu l'impression au fil des lignes de découvrir ce qui se cachait derrière les portes de cette bourgeoisie blésoise, la gare d'onzain, Chaumont. Et cela a donné une véracité bienvenue à ce récit sans laquelle je me serais peut-être ennuyée.

François et Hélène sont touchants. L'amour n'a pas d'âge, l'amour-passion non plus. François aime sa femme et ce qu'il ressent pour Helène complète cet amour bien plus complexe qu'une tromperie. Hélène est une femme seule, désabusée, qui réapprend à vivre avec cet amour qu'elle n'espérait plus. Elle se sent femme pour la première fois.


Une lecture qui suit le cours de la vie portée par une plume agréable.

Merci aux Editions Plon pour cette lecture!

lundi 3 août 2015

La vie selon Florence Gordon, Brian Morton.

(Editions Plon, collection Feux Croisés. Parution le 27.08.2015)

Florence Gordon est directe, brillante, acariâtre et passionnée. Maîtresse femme, elle est capable de réduire les imbéciles au silence d'une seule de ses piques acérées... Icône féministe aux yeux des filles, invisible aux yeux du reste du monde, à soixante-quinze ans, elle a mérité - enfin ! - de se délester du fardeau de la famille pour se consacrer à son œuvre. Mais à peine a-t-elle entamé ses mémoires, si longtemps différés, que son fils Daniel revient s'installer à New York avec sa femme et sa fille. Florence se retrouve alors impliquée dans leurs mélodrames familiaux qui vont assombrir ses journées et menacer son rempart de solitude. Sans parler de son pied gauche, qui commence à la faire boiter...

Je ne sais pas si vous connaissez Tatie Danièle, cette vieille dame acariâtre qui mène son monde à la baguette, qui se rend détestable aux yeux de tous. Plus jeune, j'avais adoré ce film et j'ai cru en abordant ce roman que j'allais retrouver une sorte de Tatie Danièle en puissance. Combien je me trompais... Elles n'ont de commun que leur âge, mais ce n'est pas pour autant que je n'ai pas aimé Florence, bien loin de là.

Florence est une vieille dame bien décidée à ne pas se laisser dicter sa conduite. Soixante-quinze ans est l'âge de la raison, pas celui où on gagatise dans un institut en portant des couches. Surtout quand on a été, et que l'on est encore, une féministe qui a marqué son temps.

La solitude est sa plus tendre amie, sa compagne de vie dans laquelle elle se drape pour ne pas subir les autres et se consacrer à ce qu'elle aime. Elle mène ses heures tambours battants. Son anniversaire surprise ? Elle n'y restera que dix minutes. Tant pis pour le restaurant si cher. Si on l'avait consultée, elle aurait poliment décliné. Son chapitre l'attend. C'est urgent. Elle part. À pied. Pourquoi prendre un taxi alors que ses jambes la portent parfaitement !

Un sacré personnage qui a marqué sa famille et son époque. Saul son ex-mari d'abord. Ecrivain fini qui a toujours un ouvrage à sortir et qui ne change jamais. Daniel ensuite, son fils. Un policier. Mais quelle idée ! Une intelligence gâchée. Sauf que Daniel est heureux comme ça. Son intelligence est toujours là, aussi vive et rare qu'avant. Et puis il y a sa femme, Janine. Une enquiquineuse béate d'admiration pour elle et dépourvue de caractère. Hormis si l'on considère qu'elle a un amant. Mais ça Florence ne le sait pas. Elle ne l'intéresse pas. Trop fade. Pas comme sa petite fille. Emily. L'insouciance feinte, une intelligence à fleur de peau et un sens de la répartie qui bouscule la vieille dame qui commence à souffrir des affres du temps.

Au fil des pages je me suis attachée à Florence et à sa vision du monde. Florence et ses actes sans queue ni tête, mais jamais inconsidérés. Cette vieille femme bougonne qui veut juste faire ce qu'elle aime, laisser son empreinte en dépit de la maladie qui la guette.

L'écriture de Brian Morton est toujours juste. Parfois elliptique, elle dévoile ce qu'il faut dans le respect de ce qu'aurait voulu Florence. Pleine d'humour, la narration adopte la vision de ces personnages, tantôt Florence, tantôt Daniel ou Janine, tantôt Emily pour se plonger dans une introspection de ce qu'ils sont. Les actes ne sont pas gratuits, ils sont induits par quelque chose. Un mot, une situation, ou simplement par ce que l'on est.


Le seul point noir est la fin. Elle est arrivée presque trop brutalement. Je me suis sentie perdue quand je me suis rendu compte que le récit s'arrêtait là. J'ai fait défiler les pages avec le vain espoir d'en avoir plus. Mais c'est sans doute un bien pour un mal. Le reflet de la réussite de ce roman. Je n'aurais pas voulu qu'il s'arrête.


Merci aux Editions Plon pour cette découverte !

dimanche 2 août 2015

Edenbrooke, Julianne Donaldson

Eprise de liberté, Marianne Daventry n'est pas heureuse à Bath. Lorsque sa soeur l'invite à passer l'été à Edenbrooke, la jeune femme n'hésite pas une seconde. Devant parfaire son éducation, condition sine qua non pour pouvoir prétendre à l'héritage de sa grand-mère, Marianne tente désespérément de ne pas se laisser charmer par le maître des lieux, sir Philip, séducteur patenté. Parviendra-t-elle à contenir les élans de son coeur ou succombera-t-elle à son sourire ?

Le problème quand on aime Mr Darcy, c'est qu'il y a finalement peu de What if ou autres récits qui s'en inspirent et qui sont de qualité. N'est pas Jane Austen qui veut... Alors on se rabat sur autre chose, une couverture vraiment réussie, un résumé que l'on qualifie de « mignon » même si on n'est pas convaincue, désespérée que l'on est que Sir Philip s'appelle Sir Philip et pas Mr Darcy.

Mais on a raison de garder l'esprit ouvert et de goûter à autre chose, parce que Sir Philip... Il vous fait avoir des nuées de papillons dans les entrailles. Avec Sir Philip, votre coeur se met à faire de la gymnastique, le sang dans vos veines décide de faire concurrence aux Formules 1... Vous imaginez son sourire, et pof... vous avez envie de tournoyer, un peu comme Marianne, quitte à vous prendre un arbre ensuite.

Tous les ingrédients classiques sont réunis dans cette petite romance : la jeune femme un peu rebelle, la famille un peu pénible, le beau noble au cœur à prendre, un peu d'aventure, de l'humour... « Classiques » n'est pas forcément synonyme de « mélange réussi », loin de là. On peut avoir tous ces ingrédients et que la sauce ne prenne pas, que le soufflet reste aussi plat qu'une quiche-lorraine, ce qui est particulièrement dommage vous en conviendrez. Mais dans Edenbrooke, le soufflet est vraiment délicieux.

Marianne est le type de personnage que j'aime beaucoup. Pas la plus belle, pas la plus voyante, mais avec de l'esprit et de l'humour et avec un sens de la répartie sans égal. Evidemment, elle mériterait quelques baffes, mais sans ces dernières, elle ne serait pas une bonne héroïne de romance historique.

Sir Philip est... le héros idéal (comment ça je radote? Mais non, pas du tout!). Un grand cœur qui veut se marier par amour, plein de considération et de retenue, avec un sens des responsabilités parfois un peu démesuré, mais on lui pardonne devant sa patience sans failles.

Les autres personnages sont intéressants, bien développés. L'échange épistolaire entre Marianne et sa grand-mère est hilarant, et je regrette d'ailleurs que l'auteur n'ait pas inséré plus de réponses de la grand-mère. Sacré personnage que celui qu'ébauche Julianne Donaldson... La sœur de Marianne mériterait elle aussi son lot de baffes (ça doit être un truc de famille, même si les raisons sont différentes), mais elle est un bon prétexte pour s'attarder sur les moeurs de l'époque.


Et mention spéciale à l'auteur qui nous livre une romance historique dans laquelle les personnages ne perdent pas leurs vêtements toutes les dix pages. Si vous cherchez du torride, du sulfureux, passez votre chemin! Si vous voulez de la douceur et des sentiments (en gros si vous êtes une midinette comme moi...), alors rendez-vous à Edenbrooke !