vendredi 25 juillet 2014

Délicieuses Pourritures, Joyce Carol Oates



" Des larmes me piquaient les yeux. Pas les larmes provoquées par le coup de téléphone de ma mère, la veille, mais les larmes de bonheur de mon rêve. Car la voix de mon professeur Andre Harrow était la voix même de mon rêve, sans aucun doute possible. Tu seras aimée, Gillian. Je prendrai soin de toi."
Un campus féminin, dans la Nouvelle-Angleterre des années 1970. Gillian Bauer, vingt ans, brillante étudiante de troisième année, tombe amoureuse de son charismatique professeur de littérature, Andre Harrow. Celui-ci a décidé de faire écrire et partager en classe à ses élèves leur journal intime. Et gloire à celle qui offrira son intimité en pâture ! Anorexie, pyromanie, comportements suicidaires... un drame se noue. En son centre, l'épouse du professeur, énigmatique sculptrice qui collectionne la laideur.

Je n’avais jamais rien lu de Joyce Carol Oates, et ce petit roman disponible dans la librairie d’occasion que j’affectionne beaucoup, venait à point nommé. Je ressors de ma lecture sans savoir si j’ai aimé ou non, mais avec une certitude, j’ai envie de lire autre chose de l’auteure.

Le titre est délicieusement trompeur, tout comme ce récit qui nous entraîne dans le quotidien de cette université pour femmes. Çà et là, d’habiles touches de la société, de cette révolution féminine qui éclate, ces jeunes filles qui fument, boivent, cohabitent sur le campus de leur université et s’extasient pour les beaux yeux de leur professeur de poésie.

Délicieuses Pourritures c’est avant tout une histoire d’amour, ou des histoires d’amour, qui sombrent dans le malsain jusqu’à donner des frissons dans le dos. Une douce descente aux enfers à l’issue surprenante…  Pas de scènes explicites, beaucoup de non-dits, d’ellipses, mais c’est encore pire finalement. Et je dois dire que sur ce point, l’écriture de Joyce Carol Oates fait mouche. Je suis arrivée à la fin avec une sensation de libération bienvenue. Les Délicieuses Pourritures ne sont pas toujours celles que l’on croit, et il faut toujours faire attention en croquant dans un fruit pourri...




mardi 22 juillet 2014

Hors limites, Katie McGarry

Echo. Noah. Chacun a vécu un drame. Chacun y survit à sa façon. Echo s’efforce de revenir à la vie « normale » ; Noah, au contraire, ne fait plus confiance au « système » et accumule les provocations. Ils pourraient se haïr, tant ils sont différents. Pourtant, le hasard va les rapprocher. Les obliger à chercher qui ils sont vraiment. Ils vont s’aimer. Des sentiments si purs qu’ils les réconcilieront avec les autres. Et surtout avec eux-mêmes.

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Lettre au Dieux-de-tous-les-trucs-de-la-terre-du-ciel-et-de-la-mer.

Chers Dieux,

J'ai préféré vous écrire plutôt que de prier. Le sol est trop dur pour mes petits genoux à la chair trop tendre. La dernière fois, j'ai eu des bleus. Je me suis dit que l'effet serait le même. Si j'avais eu votre adresse mail, vous auriez eu ma confession plus tôt. Peut-être devriez-vous y songer ? Le Père Noël en a bien une lui.

J'ai encore fauté. Ça a été plus fort que moi, ce roman m'a appelée. Il était là, sur l'une de mes étagères qui hébergent ma PAL, et je le voyais qui me tendait les bras. Enfin ça c'était dans ma tête, un livre n'a pas de bras. Mais je suis sûre qu'ils chantent parfois comme les sirènes pour nous attirer dans leurs filets et ne plus nous lâcher.

Et puis c'est aussi à cause de toutes ces chroniques que l'on trouve sur le web (chez Johanne par exemple), beaucoup trop tentantes, alors c'est encore plus difficile de résister. C'est comme si, pendant un régime, on vous mettait sous les yeux un gâteau au chocolat fondant. Bonjour la tentation. Et inutile de me dire que vous n'aimez pas le chocolat, je ne vous croirai pas.

Donc voilà, on y est. Le moment où je me confesse. Encore une nuit presque blanche. Encore des papillons dans le ventre. Encore une histoire forte qui m'habite et dont j'ai du mal à sortir.

A ma décharge -je ne suis finalement qu'une victime-, l'auteure a fait preuve d'une grande délicatesse pour traiter les drames d'Echo et de Noah, ces deux âmes perdues, marginales, qui essayent tant bien que mal de garder la tête hors de l'eau. Ce récit à deux voix possède une profondeur que l'on trouve rarement dans le genre.

Et pas de temps morts, pas de répit pour mon petit cœur. Et toute sorte de sourires : des sourires attendris, des sourires qui rient... des sourires qui pleurent. Un vrai kaléidoscope d'émotions. Et le résultat est là. J'ai encore trop peu dormi. J'ai des cernes et les yeux rouges, et j'ai du mal à émerger..

Mais ce n'est pas ma faute, hein... Non, non. Je ne suis qu'une faible femme qui a du mal à résister à un bon gâteau au chocolat.

Pour êtes quittes, et être sûre que vous allez me pardonner, je double ma pénitence. Je lirai deux livres sérieux à la suite. Régime sec, plus de romance. Pour l'instant.

Je suppose que les services de la Poste n'arrivent pas encore jusqu'à vous, alors je déposerai cette lettre au pied du menhir, au bout du chemin, à côté du calvaire, près du Lac aux fées. S'il y a eu des fées là-bas, il doit bien y avoir des Dieux aussi, non ?

Bien à vous, votre dévouée

Le livre-vie

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Réponse des Dieux-de-tous-les-trucs-de-la-terre-du-ciel-et-de-la-mer

Chère livre-vie,

Nous sommes fâchés et déçus. Vous récidivez. Encore.

Votre choix de doubler votre pénitence est pertinent, vous auriez pu même la tripler.

Merci de nous indiquer les références de cet ouvrage, que nous puissions l'intégrer à notre liste-noire-des-ouvrages-interdits. Et tant que vous y êtes, merci de déposer votre exemplaire à l'endroit même où vous aviez déposé votre confession, pour que l'on puisse vérifier par nous mêmes le danger qu'il représente.

Qu'on ne vous y reprenne plus.

Dieux-de-la-Terre-et-du-Ciel-et-des-Océans 

vendredi 18 juillet 2014

La bodega, Noah Gordon



Comme il n'est que le fils cadet, Josep Alvarez sait depuis toujours qu'il n'héritera pas de la bodega familiale : les vignes qui poussent sur le sol aride de Santa Eulâlia reviendront à son frère aîné. Josep s'engage donc dans l'armée, où, en échange d'une maigre solde, il est propulsé dans l'horreur des guerres carlistes. Désertant une unité dont il est le seul survivant, il se réfugie de l'autre côté des Pyrénées, au cœur du Languedoc. Un vigneron français lui apprendra les secrets de la vigne, et lui transmettra sa passion. Dès lors, Josep n'aura qu'une seule obsession : fabriquer son propre vin, dans sa propre bodega.

J’ai découvert Noah Gordon grâce à mon frère, il y a plusieurs années de cela. Nous étions dans un grand magasin, et il a tenu à m’offrir un livre « génial et fantastique ».  Le scepticisme que j’ai pu ressentir a vite fait place à un constat : c’était une très belle découverte et effectivement, le « Médecin d’Ispahan » était génial et fantastique…

J’ai ensuite fait comme je fais toujours, j’ai acheté les autres ouvrages de Noah Gordon, je les ai lus, et les ai tous beaucoup aimés.

C’est donc tout logiquement que j’ai acheté La bodega quand il est sorti, même si j’ai attendu un peu avant de le lire, déstabilisée que j’étais par l’absence de la médecine en fil conducteur alors que cela avait été un élément récurrent dans ses autres romans.

Noah Gordon nous emmène en Espagne,  au 19è siècle, pendant les guerres carlistes. Josep est le fils cadet, et n’a droit à rien. C’est à Domat, son aîné, que reviendront les vignes familiales, Domat qui n’a pas le don de la terre ni le sens du travail.

Josep se cherche un destin, et s’éloigne de cette terre qui ne veut pas de lui, pour finir dans le Languedoc, et acquérir un savoir qui fera de lui un homme de vin.

Ce n’est que le début de ce récit initiatique, de la construction de ce jeune homme vers l’homme qu’il sera plus tard.

L’on peut reprocher à ce roman une certaine lenteur, et une absence relative de tension dramatique. Mais ce n’est pas un roman destiné à faire frémir, c’est un roman qui se plonge dans les entrailles d’une Espagne tourmentée, où la Catalogne n’est pas l’Espagne, où l’on produit du vinaigre et pas du vin, et où un homme ira, en dépit de l’adversité, au bout de son rêve. L’on peut reprocher à ce roman aussi une trame trop facile, peut-être, mais au moins, pas de déception à la fin du récit… L’on peut reprocher enfin des description parfois fastidieuses, mais le destin de Josep est lié à son époque, à son milieu, et sans ces descriptions, difficile de palper l’aridité du sol, la douleur du travail, l’instabilité politique…

Même si je n’ai pas retrouvé l’engouement que j’avais ressenti lors de ma lecture du Médecin d’Ispaham, j’ai savouré cette lecture comme on savoure un bon vin. Lentement, mot après mot, page après page. 

Et j’ai accompli ma pénitence !

mardi 15 juillet 2014

Hors de portée, Georgia Caldera

Sa spécialité ? Fuir toute relation. Et on peut dire que Scarlett est docteur ès « disparition au petit matin ». Inutile de lui parler relation sérieuse, confiance et stabilité, elle en est incapable. Si investissement il y a, c est dans la société de décoration d intérieur qu elle vient de créer avec sa cousine, ancienne mannequin déjantée, et qui lui prend le plus clair de son temps. Pourtant, face à son nouveau client, le très entêté et séduisant M. Mufle-Connard, plus connu sous le nom d Aidan Stern, le savoir de Scarlett ne lui sera d aucun secours. Mais parviendra-t-il vraiment à guérir les blessures du passé ?
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Ma chambre. Moi, à genoux, les coudes appuyés sur mon lit, les mains devant moi en signe de prière. Mes yeux sont clos. Je demande pénitence.

Moi : Dieux-de-la-Terre-et-du-Ciel-et-des-Océans, punissez-moi parce qu'hier j'ai fauté.

Silence...

Moi : Eh oh... Dieux-de-la-Terre-et-du-ciel-et-des-Océans, vous êtes-là ? Parce que j'ai vraiment fauté hier...

Voix caverneuse, les Dieux-de-la-Terre-et-du-ciel-et-des-Océans me font le grand honneur de me répondre. Mon pêché est vraiment de taille : Nous t'écoutons, ma fille, quelle est ta faute?

Moi : Hier, je n'ai pas pu m'arrêter de lire...

Dieux-de-la-Terre-et-du-ciel-et-des-trucs-liquides : En voilà un gros problème...

Moi : Et en plus c'était de la romance.

Dieux-du-monde-marron-bleu-et-re-bleu (raclement de gorge gêné) : Ouille, oui, c'est vraiment embêtant.

Moi, essuyant les gouttes de sueur qui perlent sur mon front  : C'était comme une drogue, une page, après une autre, et encore une autre... La moitié du livre déjà, plus qu'1/3, oh, allez, je le finis, parce que je n'en aurai plus beaucoup pour demain sinon, et paf... 1h 30 du matin...

Dieux-de-tout-ce-qui-marche-et-vole-et-nage : C'est vraiment, vraiment très embêtant...(Nouveau raclement de gorge, d'une voix un peu plus basse, presque dans la confidence) Mais c'était bien au moins ?

Moi, dans un long soupir : Oh oui, c'était bien. Un peu agaçant au début à cause de la narration à la 3ème personne qui était un peu trop oralisée, mais on s'y fait. Et puis, il y avait ce prénom aussi, Scarlett, mais c'est quoi ça... Mais elle est sympa... Et bon, à côté de ça, il y avait Aidan et son côté ébranlé... Et ses cheveux ébouriffés...(Grand soupir) Et puis pas trop de sexe, juste ce qu'il fallait pour pimenter un peu... Et plein de sentiments...

Dieux-des-griffes-des-plumes-et-des-écailles. : Nous voyons... Effectivement, la faute est grave... Surtout le côté addictif...

Moi, me frottant mes genoux douloureux, j'aurais dû mettre un coussin dessous : Oh oui, parce que maintenant que c'est fini, je me sens abandonnée...Il me faut faire pénitence...

Dieux-de-tous-les-trucs-du-monde : Bon, nous te pardonnons ces errances, tu n'es pas seule fautive. Pour ton châtiment, tu nous liras un livre sérieux, là, maintenant... Plus de romance du tout pendant le temps du sevrage... Et tu nous donneras les titres des derniers romans qui t'ont empêchée de dormir, pour qu'on les mette sur la liste-noire-des-livres-interdits..

Moi, la tête baissée humblement, essayant de ne pas avaler les poils du chat qui a entrepris de se frotter contre mon visage : Oui, Grands-Dieux-de-tous-les-machins-de-la-Terre.

Dieux-de-tous-les-machins-de-la-Terre : Avant de te relever, rappelle-nous qui est l'auteure ? Parce qu'elle est autant fautive que toi, si ce n'est plus. Tu n'es qu'une victime.

Moi, arquant un sourcil, pinçant les lèvres : Georgia Caldera, mais ne soyez pas trop durs avec elle, c'est quand même bien ce qu'elle fait...

Un des Dieux aux autres : Vous notez bien, hein ?

A moi, assez expéditif : Bon, nous te pardonnons. Dors bien...

Aux autres, d'une voix feutrée : Quelqu'un l'a dans sa bibliothèque et pourrait me le prêter ?

lundi 14 juillet 2014

L’exil des anges, Gilles Legardinier



Ils ne se connaissent pas, mais un même rêve leur a donné rendez-vous dans une mystérieuse chapelle des Highlands. Valeria, Peter et Stefan ignorent qu'ils sont la preuve vivante d'une découverte révolutionnaire sur les arcanes de la mémoire faite vingt ans plus tôt par deux scientifiques disparus. Une découverte que beaucoup voudraient s'approprier - à n'importe quel prix. Pour échapper à ceux qui les traquent, ils n'ont pas d'autre choix que de remonter à l'origine du secret dont ils sont les ultimes gardiens. Leurs souvenirs sont des sanctuaires. À eux d'en trouver les clés...

Ce n’est un secret pour personne, comme beaucoup de monde, j’aime ce que fait Gilles Legardinier.  Quand j’ai vu l’exil des Anges dans la PAL du Chat du Cheschire, je n’ai pu m’empêcher de sauter sur l’occasion : une petite lecture commune, ma première pour tout dire… J’en suis tout émue… Surtout que, et je ne m’en étais pas rendue compte, aujourd’hui ça fait un an que ce blog est ouvert… Chouette façon que de fêter cet anniversaire !

Je dois avouer que j’étais vraiment perplexe, parce que lire « Thriller  humaniste » sur la couverture ne m’a pas beaucoup avancée. Je savais que ce roman n’avait rien à voir avec ses trois derniers, mais « Thriller humaniste ? ». Bon, pas grave, lançons-nous…

Le premier chapitre annonce la couleur, on ne va pas se perdre en conjectures, non,  d’emblée l’histoire est posée. Deux scientifiques ont fait une découverte susceptible de révolutionner l’humanité, mais l’humanité étant ce qu’elle est, avide et peu scrupuleuse, leur découverte ne peut pas tomber entre de mauvaises mains.

Des années plus tard, Valeria, Peter et Stefan sont appelés en Ecosse… Ils ne se connaissent pas, n’ont pas grand-chose en commun, si ce n’est une chapelle. L’histoire, aux reflets de fantastique, sera alors menée tambours battants. Valeria, Peter et Stefan n'auront que peu de répit dans ce récit qui fera voler en éclats toutes nos certitudes.

Évidemment, l’on peut trouver certains défauts à ce roman, comme certains l’ont fait d’ailleurs. Mais ce n’est pas ce qui m’intéresse. Le récit est moins abouti que ses trois derniers, OK, mais l’on sent poindre dans ce roman ce qui me plaira tant ensuite chez Legardinier : sa profonde humanité. On y revient. Je comprends maintenant le « thriller humaniste ».


Résultat, j’ai passé un très bon moment de lecture, qui m’a tenue en haleine pendant deux jours. Et une fois l’ouvrage refermé, je partirais bien en vacances en Ecosse…


Pour la chronique du chat du Cheshire, c'est ici! Merci beaucoup pour cette lecture commune, on remet ça quand tu veux!! (tome 8 de Mercy par exemple?!)