jeudi 20 février 2014

L’histoire très ordinaire de Rachel Dupree, Ann Weisgarber



Isaac et Rachel Dupree avaient de quoi être fiers. Premiers fermiers noirs des Badlands, à la tête d’un domaine de cent soixante hectares, l’ancien soldat et la petite cuisinière de Chicago se voyaient déjà faire jeu égal avec les pionniers blancs. Mais face à la sécheresse et à la pénurie de 1917, l’ambition démesurée d’Isaac ne fait qu’aggraver la situation de sa femme enceinte et de leurs cinq enfants, poussant cette dernière à prendre de graves résolutions.

Comme n’importe quelle femme, Rachel, cuisinière chez une noire qui a gravi les échelons de la société en ouvrant une pension pour noirs dans la ville de Chicago, a des rêves. Qu’Isaac, le fils de sa patronne, la remarque. Il ira jusqu’à l’épouser, parce que dans cette Amérique qui s’émancipe, toute personne vaut de la terre, même une femme, même une noire. Et son rêve adoptera la forme d’une transaction, mais qu’importe, il prendra forme.

Son autre rêve : avoir une maison en rondins, signe d’aboutissement. Rachel est une femme forte, travailleuse et courageuse, et au fil des saisons dans les terres ingrates des Badlands (Dakota du Sud), elle gagnera le respect –une forme de l’amour- de son mari, et fera sortir de terre, à la force de ses bras, sa maison en rondins tout en élevant ses enfants. 

Une vie accomplie. Ou presque.

Le climat n’épargne personne, et la sécheresse est la même pour tous, que l’on soit blanc, noir ou indien. 
Dès le début in medias res, l’on sent, sous l’âpreté de la plume d’Ann Weigardber, fidèle reflet de l’aridité des terres, que Rachel est une femme comme les autres  mais que, comme bon nombre de femmes de l’époque, elle est extraordinaire, même si l’Histoire les a oubliées. L’auteure ne nous narre pas de grands combats, ne nous livre pas une histoire pleine d’aventures. Elle se contente de porter son regard sur le destin de cette femme, et avec brio nous relate son combat, sa survie alors qu’elle porte à bout de bras ses enfants et son mari –qui pour égaler les blancs veut toujours plus de terres, n’hésitant pas à mettre sa famille en danger.

Le regard est critique sur cette société qui se cherche et dans laquelle, en apparence, les femmes ne sont que des pions, alors qu'elles sont finalement des piliers sur lesquels prendre appui, sur ces blancs qui se croient supérieurs aux noirs qui eux-mêmes se croient supérieurs aux indiens, même si, comme le constate Rachel, le même sang coule dans leurs veines.

Je m’attendais à lire une saga, une épopée, et j’ai lu le destin bouleversant et dramatique d’une femme, et je n’ai pas été déçue. L’auteure a eu le talent de la sobriété des mots pour transcrire les émotions, et c’était suffisant. Une belle découverte...

7 commentaires:

  1. je ne sais pas si ça me plairait, mais tu en parles de telle façon que tu donnes envie de tenter l'aventure :)

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    1. Honnêtement, c'est un roman qui m'a touchée. Je ne m'attendais pas à tant de rudesse, je m'attendais à des voyages, des combats, bref, à une saga, et en fait, j'ai eu un roman sobre, efficace, où ne se passe que le quotidien, qui est en soit un vrai combat. J'ai vraiment beaucoup aimé...

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  2. Encore une belle chronique et je pense que comme beaucoup elle cherche a se faire intégré dans une société qui n ' est pas la sienne (vaste débat) . Je me suis permis de mettre ton blog dans mes liens de blog favori :) bon week end !!!!

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    1. C'est surtout un combat dans une société qui se construit, où la discrimination est reine, et où les femmes cherchent leur place.Comment intégrer la société finalement, tu as raison.
      Lien ajouté aussi! Merci de ton passage!

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  3. Tiens ! Je ne connaissais pas du tout (et j'ai l'impression que ton blog c'est beaucoup de lectures peu connues et ça va me plaire (enfin moins à mon porte monnaie!))
    Avec ta critique, tu me donne envie ! Je note dans ma WL, il arrivera un jour dans ma PAL ! Merci pour la découverte!

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    1. Merci pour ton commentaire! Mes lectures sont variées, je butine beaucoup et fonctionne beaucoup en fonction de l'envie du moment, cela peut déstabiliser, parce que je ne m'attache pas à un genre. Merci encore de ton passage!

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