mardi 20 mai 2014

L'Ecole ma maîtresse, Raoul Dirêvie


« J’ai 36 ans. Je me suis marié voilà douze ans avec celle qui est aujourd’hui la maman de mes deux fils. A peine deux mois plus tard, je débutais comme professeur des écoles, faisant du même coup, sans le savoir, de l’Ecole ma maîtresse. » Ainsi démarre le récit d’un jeune enseignant qui retrace son parcours professionnel depuis l’enthousiasme des débuts jusqu’à la limite du burn-out. Au fil d’une analyse lucide et amère, il évoque sa relation passionnelle avec l’Ecole, commente la politique menée en matière d’éducation ces dernières années et règle ses comptes avec ce métier qu’il aime tant mais qui lui vole sa vie. Raoul Dirêvie écrit comme il exerce son métier : avec son cœur. Il livre ici un poignant témoignage dans lequel bon nombre de ses collègues se reconnaîtront et qui permettra peut-être aux autres citoyens de se réconcilier avec une profession pas toujours bien comprise.

Je n'ai pas l'habitude de lire des témoignages, non pas que je n'aime pas cela, non. Je suis d'un naturel curieux, mais je manque de temps. La fiction est un bon moyen pour moi de donner à mon cerveau l'évasion nécessaire dont il a besoin. Je lis, j'imagine, je rêve, et une fois le roman terminé, je continue l'histoire dans ma tête, poursuivant les aventures ou en me représentant mentalement pour la quinzième fois une scène qui m'a marquée, jusqu'à ce qu'une nouvelle histoire me captive, et que, amante libertine, j'abandonne mon précédent amour pour m'ébattre avec cette nouvelle promise, source de sensations nouvelles.

C'est plus difficile avec les témoignages, parce que ce sont des vraies personnes, et je ne peux pas continuer leurs histoires. Lire un témoignage, c'est m'exposer à des émotions bien réelles, fortes, souvent celles de l'auteur, accueillies par les miennes qui ont tendance à tout décupler. Alors je me protège.

Aussi, quand ce témoignage est arrivé entre mes mains, le scepticisme m'a d'abord envahie. Le sujet m'intéresse, beaucoup même... Mais Raoul Dirêvie n'allait-il pas tomber dans la facilité de faire un énième pamphlet contre l'Ecole ?

Poussée par la curiosité, je me suis plongée dans son récit, et l'ai lu en quelques heures à peine, d'une seule traite.

Le témoignage de M. Direvie est porté par la sincérité de ses émotions, passant de l'enthousiasme à la désillusion certaine de l'amoureux qui s'est trompé mais qui aime tellement fort qu'il ne sait pas faire autrement.

De son parcours à ce qu'on demande à un professeur aujourd'hui, son cri du cœur retentit, sorte d'appel au secours face au monstre qui engloutit. L'on se rend compte que l'Ecole telle qu'elle nous est vendue n'est pas ce qu'elle est en réalité. On s'en doutait... Mais à ce point ?

Certains passages, intimistes, m'ont littéralement fascinée. J'aurais aimé qu'ils soient plus nombreux, mais je comprends la retenue de M. Dirêvie. Le but n'était pas de sombrer dans un pathos à faire pleurer dans les chaumières. Il y a beaucoup de pudeur dans ses écrits, beaucoup de dignité aussi. Et d'amour... Pour ses élèves, pour sa profession... Pour sa femme pourtant délaissée pour cette amante intransigeante et cruelle qu'est l'Education Nationale.

Et à la fin, me reste une saveur amère dans la bouche. L'Ecole, ça ne devrait pas être ça... 

16 commentaires:

  1. C'est vrai que je suis aussi plutôt du coté fiction meme si ça m'arrive de lire des livres autre... Mais malgré ton très bel avis, je pense que je vais passer pour celui ci.

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    1. Je comprends tout à fait. Le témoignage est un genre vraiment particulier...

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  2. Je ne connaissais pas mais je suis très intéressée, je suis actuellement en étude pour devenir professeur des écoles...

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    1. `Dans ce cas, lis-le! Il est très instructif je trouve...et sans être une attaque acide contre l'école.

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  3. Je ne connaissais pas ce livre et tu m'as donné envie de le lire.

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  4. Félicitation pour ce joli billet ^^
    Etant fils d ' enseignants je sais que c ' est un métier qui prends énormément de place et de dévouement dans une vie .

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    1. C'est vrai... Comme tous les métiers qu'on fait avec le coeur...

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  5. Il est vrai qu'il manque quelques passages intimes, mais il ne peut pas trop en dévoiler! C'est vrai que l'école, ça ne devrait pas être ça, mais comme tous les métiers, elle a sa part d'ombre...

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  6. Un livre qui pourrait me plaire :D

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  7. Quelle chronique ! Je ne suis pas non plus habituée à lire des témoignages, pourtant je n'apprécie pas spécialement imaginer une suite à toutes les fictions que je lis...
    Il faut vraiment que je tente l'expérience, mais peut-être pas forcément avec de livre cela dit.
    (Au passage, tu écris magnifiquement bien ! o.o)

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    1. Les témoignantes sont finalement un beau reflet de la vie et poussent à la réflexion. Pas n'importe lesquels évidemment!
      Merci de ton passage et pour le compliment!

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