dimanche 29 novembre 2015

L'homme qui fuyait le Nobel, Patrick Tudoret

Tristan Talberg, écrivain reconnu, se voit décerner le prix Nobel. Mais… il n’en veut pas. Misanthrope, en deuil d’une épouse aimée, il est pris de panique devant le vacarme médiatique provoqué par le prix et décide de s’enfuir de Paris. Réfugié chez des amis, traqué par la police qui pense à un enlèvement et par une meute de journalistes en quête d’un scoop, il doit encore fuir vers des horizons dont il ignore tout. Sur la route de Compostelle, il retrouvera le goût de vivre.

Parfois, les résumés sont trompeurs. Ils nous mettent sur une piste finalement bien différente de ce que sera notre lecture. Je ne sais pas pourquoi, mais en lisant le résumé, je m'attendais à une comédie légère, un brin déjantée, qui m'aurait arraché force de rires et m'aurait obligée à me cacher des regards inquisiteurs envieux de partager une telle euphorie. 

J'ai eu à me cacher, mais pas à cause de mes rires. A cause de mes larmes, des larmes que je voulais garder pour moi seule tant cette lecture m'a touchée. Qu'il est difficile d'expliquer pourquoi on pleure en lisant un roman ! Un « C'est beau » semble tellement insuffisant, un « C'est triste » bien loin de la réalité, parce que L'homme qui fuyait le Nobel n'est pas un livre triste, c'est celui de l'amour, de comment vivre quand on a perdu la moitié qui occupait notre cœur, de comment on renaît porté par ce même amour. C'est un roman initiatique alors qu'on a passé l'âge des initiations. C'est le roman des livres, ces références qui nous habitent, celles que l'on tait souvent de peur de passer pour un extraterrestre perdu sur un planète inconnue, ces livres qui nous remplissent, qu'ils soient légers ou profonds, sans distinction.

« Marcher, marcher toujours. Oublier un peu ce monde, les ordures qu'il charrie, le temps d'un rire d'enfant. »

Tristan est un écrivain consacré, le Nobel vient de lui être décerné. Mais pourquoi lui ? Pourquoi lui alors qu'il n'a rien écrit depuis ce triste jour d'il y a cinq ans qui lui a enlevé son Yseult ? Pourquoi lui alors qu'il y a tant d'autres écrivains méritants ? Ces académiciens sont fous ! Il n'en veut pas de ce Nobel, et ce n'est pas un caprice de diva. Il n'en veut pas, un point c'est tout. Mais l'Académie est têtue, il le sait, et son éditeur encore plus. On va le forcer à l'accepter, contre sa volonté. On va faire de lui une star, lui qui fuit le monde et chérit l'isolement. Il ne lui reste qu'une solution, la seule et unique. Partir. D'abord retrouver ses amis et puis continuer. Jusqu'à se retrouver par hasard sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle. Et cette fuite en avant devient cheminement vers la renaissance, avec un constat déchirant : « L'enfer, c'est de ne plus aimer ». L'enfer, c'est d'être sans son Yseult.

Ponctuant sa narration à la troisième personne avec les lettres que Tristan écrit pour sa défunte Yseult qui est devenu son être-miroir, présente à chacun de ses pas, Patrick Tudoret nous livre un roman bouleversant qui alterne parfaitement moments graves et instants emprunts de légèreté. Tristan, à l'approche de cette Galice qui accueille Saint Jacques en son sein, « cette contrée échevelée, giflée par les vents atlantiques », apprend à se connaître et fait un bilan de sa vie au gré de ses rencontres. Il croise cette jeune femme qui l'émeut. Pas d’attirance physique non, il n'a plus l'âge et cela n'était réservé qu'à Yseult, mais un attendrissement, quelque chose qui le touche, une fragilité, une remise en question. Parce que finalement, la question n'est pas « y a-t-il une vie après la mort », mais « y a-t-il une vie AVANT la mort ? » et qu'a-t-il fait de la sienne depuis qu'Yseult n'est plus?

Inutile de dire combien j'ai apprécié ce récit aux sentences pourtant faciles mais porteuses d'une telle vérité. Cet homme et sa quête m'ont bouleversée, et j'ai aimé sentir respirer cette Galice que j'aime tant sous la plume de l'auteur.

Je terminerai cette chronique par ces mots empruntés à Tristan, il ne m'en voudra pas j'en suis sûre.

« Chez l'homme, toujours, cette fascination du gouffre, des abîmes, du mal. Oui, il est patent que le mal existe et qu'il se manifeste dans ce monde de façon obscène, mais son contrepoint est aussi à l'oeuvre : ces millions d'êtres qui, chaque jour, religieux ou laïcs, croyants ou non croyants, vouent toutes leurs forces à ouvrir les vannes de ce fleuve d'aide et d'amour qu'on appelle pompeusement le Bien. Qui en parle ? »


Merci aux Editions Grasset pour cette lecture !

25 commentaires:

  1. En lisant le résumé je ne pensais pas forcément à un roman drôle surtout avec le deuil de l'épouse ;) en tout cas ce roman à l'air intéressant, j'aime les romans initiatiques, je garde en tête l’alchimiste parmi les meilleurs. C'est beau de voir les personnes se remettre en questions pour mieux se relever. Une lecture tentante en tout cas!

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    1. Comme quoi les ressentis sont différents! J'avais beaucoup aimé L'alchimiste également!

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  2. Je ne peux qu'être conquise par cette chronique, je note <3 !!

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  3. Ca a l'air d'etre vraiment un livre touchant, je ne m'attendais pas non plus à ce que le roman porte finalement sur un sujet tel que celui ci parce que comme tu le dis, le résumé est assez trompeur. Mais du coup tu me rends curieuse.

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    1. Pour le résumé, je crois que c'est une histoire de ressenti, de réception en fait. Mais c'est vraiment une chouette lecture!

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  4. Tu sembles avoir trouvé une vraie pépite d’or, tu me donnes tellement envie de lire ce roman. Ils sont rares ces livres qui nous touchent à ce point. Quand je me plonge dans une lecture qui me fait pleurer d’émotions, c’est dire à quel point je suis conquise…
    Bonne semaine à toi Céline

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    1. C'est ce que j'aime dans la littérature, ce pouvoir d'évasion, de te faire ressentir les émotions tellement fort que tu en es bouleversée...

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  5. Je ne connaissais pas, mais maintenant il me tente énormément!

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  6. Coucou, je ne connaissais pas du tout mais ça pourrait me plaire :) Merci pour ton avis complet et détaillé ! Bisous à toi !

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  7. Je ne connaissais pas du tout ce livre mais rien qu'en lisant ta chronique j'ai envie de l'acheter et de découvrir l'histoire de cet écrivain qui ne voulait pas son nobel. Cependant comme je ne suis pas sur d'adorer (le contemporain c'est souvent à double tranchant pour moi) j'attendrais sagement sa sortie poche. :) Je compte sur ton pour m'en reparler de temps en temps. Bisous et passe de très bonne fête de fin d'année Céline. (Oui, c'est un peu tôt mais je te le redira surement).

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    1. C'est une histoire originale! Mais tu as raison, dans le contemporain, il y a du bon, et du mauvais!

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    2. Et puis le contemporain ce n'est pas un genre vers lequel je m'oriente spontanément dans je suis plus réticente à mettre 20 euros!

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  8. Comme toujours (ou presque), j'arrive en retard ! J'avoue que tu me donnes vraiment envie d'acheter et lire ce roman. Surtout qu'hier, j'ai été faire quelques achats et en attendant dans l'une des files, j'ai justement eu le regard accroché par cette couverture, que la femme qui était juste devant moi tenait dans ses bras... et je me demandais de quoi cela pouvait parler sans avoir osé le lui demander.
    (oui, j'avais aussi un roman dans les bras)
    (non, ne fais pas de commentaire)
    (c'est inutile ^^)

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    1. Ohhh, un roman dans les bras? Quelle surprise!! (à dire avec le ton qui va bien!)
      Moi, je suis très sérieuse, pas d'achats livresques si ce n'est pas pour les cadeaux... Oui, oui... Très sérieuse... (mais en manque... mais chuuuttt, faut pas le dire!)

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    2. En fait, même régime pour moi, mais j'ai triché (j'avais une option spéciale sur le titre en question, vu que ça faisait plus d'un an que j'attendais sa publication : le tome 2 de La Passe-miroirs ;) ).

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  10. C'est souvent si difficile d'exprimer l'intensité des émotions ressenties pendant une lecture, surtout quand elles nous font verser des larmes ^^ Mais tu relèves encore brillamment le défi, et je n'ai maintenant qu'une idée en tête ; le lire à mon tour ! Merci :)

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    1. Merci beaucoup pour ton commentaire qui me touche beaucoup!

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