mardi 28 juillet 2015

78, Sébastien Rongier

(Editions Fayard, parution le 19.08.2015)

Il y a cet homme qui a gardé le réflexe de tendre la main sous la table pour caresser son chien, alors que son chien est mort. Cette femme qui boit du Get 27 pour oublier que son amant ne viendra pas. Ce militant d’extrême droite qui cherche à embrigader le patron de la brasserie. À l’abri des regards, dans la cuisine, il y a le rescapé d’une nuit d’octobre. Et puis il y a l’enfant. L’enfant qu’un adulte accompagnait mais qui est seul à présent devant son verre vide. L’enfant qui attend que l’adulte revienne.
Nous sommes en 1978, dans une brasserie près de la cathédrale de Sens. C’est un instantané de la France et d’une époque. Mais aussi le récit atemporel et poignant de la perte de l’enfance, dans le bourdonnement indifférent de cette ruche française.


1978... Que s'est-il passé en 1978 ? À vrai dire, je ne m'en souviens pas. Mes quelques mois d'existence ne m'autorisaient pas cette mémoire qui me fait défaut pour évoquer le souvenir. À quand remontent les premières images qui se sont gravées dans mon cerveau ? À mes cinq ans peut-être, quand ma mémé Simone me faisait prendre un bain. Ou peut-être avant, quand ce chien m'a mordue. Un souvenir flou stocké dans un tiroir de mon cerveau. Une photo en couleurs dénuée de sens, sauf si je la regarde attentivement.

1978... Sebastien Rongier plonge l'instantané de sa plume dans une brasserie de Sens, le temps d'une soirée. Les clients entrent, défilent, repartent, sans noms, sans traits bien définis, sortes d'ombres éphémères. À moins que l'on s'attarde. Les yeux s'ouvrent peu à peu et ces visages sans identité prennent vie. Un nom, un physique, une histoire.

Ce sont des fractions de leur vie qui nous sont contées dans ces très courts chapitres. Autant de photographies en noir et blanc ou en couleurs qui témoignent d'une époque.

De prime abord, le récit semble décousu. L'attention s'envole pour se porter sur cette femme, assise seule et qui attend son amant, ou sur cette jeune femme, là-bas... La fille du boucher non ? Et ce cuisinier, qui est-il ? Qu'est-ce qu'il cache ? Et cet enfant, qui joue avec ses figurines ? Il y avait un homme avec lui. Il est reparti, laissant ce petit bonhomme seul avec ses jouets.

Le temps s'étire, les heures défilent et l'identité ces personnages apparaît. Max, Christine, Mohammed, Elisabeth, Paul et les autres. Ils se croisent sans se voir, puis finissent par ouvrir les yeux et interagir, parfois le temps de prendre un Get 27, parfois juste pour échanger quelques mots.

Le récit fait durer ce moment éphémère, la politique qui cherche à s'implanter, le passé que l'on veut oublier, le futur que l'on veut fuir, et l'écriture, à laquelle j'ai particulièrement adhéré, se fait l'écho de cette soirée. Elle défie certaines normes et donne une vivacité au texte en lui évitant de heurter l'écueil de l'ennui insufflé par la lenteur de son rythme. Ces faits anodins, dérisoires, revêtent une importance autre. Ils deviennent vivants, alternant passé, présent et futur dans une danse envoûtante.

Je m'en vais de ce pas voir les autres écrits de l'auteur, une très belle rencontre !


(Merci aux éditions Fayard pour cette découverte!)

10 commentaires:

  1. Je ne connaissais pas du tout, mais il me tente bien :)

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  2. Jamais entendu parler de l'auteur ni de ce livre...cela m'intrigue !

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    1. Une très bonne surprise pour moi. De ces romans intelligents qui envoûtent.

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  3. Pas sure sure que ça soit pour moi mais contente que tu ais passé un bon moment avec.

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    1. Je ne suis pas sûre que tu aimes non plus. Ouiii, super moment!

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  4. Tu amènes très bien ton billet par quelques flous souvenir. J'adore et le livre semble très tentant.

    Bonne journée

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    1. Merci beaucoup! Une lecture vraiment très agréable!

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  5. Tu m'intrigues! Je vais me pencher sur la question! =)
    Merci pour ta chronique!
    A bientôt!

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